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5 critiques sur le mouvement libertarien

Publié le 19 août 2013 par Copeau @Contrepoints

Contrepoints proposait il y a quelques jours un article qui passait en revue cinq idées reçues concernant les « libertarians ». Les critiques concernent-elles aussi le mouvement libertarien francophone ?
Par Stéphane Geyres.

5 critiques sur le mouvement libertarien
L’article publié le 14 août par Contrepoints traite des « libertarians » aux États-Unis, mais sa traduction un peu rapide me donne l’occasion de clarifier et l’usage de ce terme et certains des concepts qu’on lui associe, ici comme là-bas.

Le terme de « liberal » est connu pour avoir été peu à peu galvaudé aux USA et aujourd’hui être synonyme de « gauchiste » ou « leftist ». De ce fait, s’est développé peu à peu le terme de « libertarian » pour reprendre la place des concepts libéraux classiques. Ce mot n’est donc pas prima facie le strict équivalent de notre « libertarien » français, concocté par Henri Lepage pour embrasser minarchistes et anarcho-capitalistes.

Là où cela devient croustillant, c’est qu’en plus, de grands auteurs jouent avec les termes et sont souvent mal compris. On pense ainsi à Murray Rothbard qui ne parle jamais que de « libertarian » pour évoquer les libéraux – jusque-là tout va bien – mais ce faisant pour exprimer le seul libéralisme possible pour lui, c’est-à-dire l’anarcho-capitalisme. Là, j’en vois qui rigolent moins, mais ce sont bien sûr ceux qui n’ont pas compris le libéralisme. La lecture de cet article mérite, et je vais m’y essayer, d’être faite avec ces différentes nuances en tête.

Pour revenir donc à l’article, il commence par tenter de récuser comme premier point que : « 1. Les libertariens sont un groupe marginal de "hippies de droite", terme dont Ayn Rand nous aurait affublés. Et d’expliquer que « suivant les sujets, les libertariens sont aussi souvent d’accord avec les gens de droite qu’avec ceux de gauche » et que même « il y a des libertariens dans tout le spectre politique et dans les deux principaux partis ». Aïe. Pas d’accord.

On constate en effet en France qu’il y a des gens qui se disent libéraux et qui avancent, affichent des sensibilités de gauche comme de droite. Il y a les Libéraux de Gauche, Alternative Libérale a été à un centre plutôt gauche avec son chèque éducation et à l’inverse le PLD est plutôt dans la mouvance UDI-UMP, donc vaguement à droite. Reason, la revue ayant publié l’article original, aurait donc raison : en France aussi il y aurait des libéraux un peu partout sur le spectre.

Mais quand on parle en France de libertariens, c’est pourtant une autre histoire. Car un libertarien, ça pose avant tout la propriété privée comme valeur de base. Bien sûr, il y a aussi le principe de non-agression, mais in fine, pas de liberté ni de fonctionnement social sain sans une propriété privée mise à un niveau quasiment sacré. Et je ne parle pas de l’État. Dès lors, les impôts et autres fantaisies fiscales sont bannies. Et donc des concepts comme le chèque éducation ou le revenu universel deviennent impensables car supposant un financement par la fiscalité – ou par l’inflation, autre mode de fiscalité. Il est donc difficile d’être libertarien et de gauche. Rothbard ou Hoppe je pense le diraient, être libéral et de gauche, c’est une illusion, une plaisanterie.

L’article continue avec comme second point de débat que « 2. Les libertariens ne prêtent aucune attention aux minorités ou aux pauvres ». Il est dommage que le texte sur cette partie soit assez confus et manque en fait complètement sa cible. Il part sur des considérations gauchisantes – tel le fameux chèque éducation – pour tenter de montrer que les libertariens ne sont pas que de simples égoïstes de droite, mais oublie rien de moins que l’argument principal.

Car lorsque que Ayn Rand – et dieu sait que je ne porte pas spécialement cet auteur dans mon cœur – fait dire à John Galt « je ne vivrai jamais pour le compte d’un autre », elle véhicule par cette phrase toute la logique économique et morale libérale. Et celle-ci explique très bien que la meilleure façon de s’occuper des pauvres, c’est de leur offrir une société dont les conditions leur permette de se prendre eux-mêmes en charge, avec succès. Et de même, lorsque Rothbard et Mises construisent toute la théorie autrichienne d’économie, ou Bastiat avec « ce qu’on ne voit pas », ou encore Hazlitt et son économie en une leçon, ils passent leur temps à mettre l’accent sur le consommateur, c’est-à-dire le peuple.

Le libéralisme repose sur le capitalisme pur, sur l’idée que le rôle du marché est précisément de récompenser par le profit l’entrepreneur qui aura servi le plus grand nombre, sur l’idée que le progrès économique qu’apporte la liberté se traduit par une baisse des prix et une hausse de la qualité inéluctables qui profitent au plus grand nombre. Et de plus, la charité, seule vraie forme de solidarité, est omniprésente chez les libertariens. Mais bien sûr aussi, que ceux qui sont pauvres parce qu’ils ne s’investissent pas dans la société n’ont que ce qu’ils méritent.

Ensuite, nous avons droit à un « 3. Le libertarianisme est un club réservé aux hommes » assez imbécile mais qui est en effet une critique que nous avons souvent à subir. L’article rappelle avec justesse le rôle clé de certaines femmes, aux États-Unis. En France, je me bornerai à constater que les membres les plus actifs de notre Mouvement sont particulièrement équilibrés entre les deux sexes.

La critique suivante prétend que « 4. Les libertariens sont pour la drogue, pour l’avortement et contre la religion », en gros que nous serions libertins ou libertaires. Ce serait bien sûr ne pas comprendre la différence profonde qu’il y a entre autoriser et promouvoir. Ou entre admettre pour les autres sans pour autant pratiquer soi-même. Le libertarien considère qu’il n’a rien à interdire à quiconque tant que cela ne remet pas en cause ses propres droits de faire, lui aussi, ce que bon lui semble. De plus, il y a des sujets ouverts, insolubles même, comme l’avortement et l’euthanasie, mais qui trouvent chez les libertariens une solution simple de par justement le droit de chacun de pratiquer comme il lui sied.

Il y a cependant une limite pratique à ce raisonnement, parfois compris de manière un peu simpliste par de nombreux libéraux qui pensent pouvoir se définir ainsi comme des gens structurellement tolérants envers autrui. Ils oublient que la société libertarienne est une société entièrement privée, où aucun espace n’est public et donc où chacun à chaque instant est soumis certes au droit naturel, mais aussi aux règles posées par le propriétaire de l’instant.

Et s’il est possible que, comme sur les routes actuelles, tout le monde puisse circuler librement sur certains espaces, puisse s’exprimer sans contrainte, il est tout aussi possible qu’au contraire, les propriétaires décident de faire le tri. Et n’autoriser leurs routes ou leurs espaces qu’à de riches blancs ou qu’à de belles dames parlant anglais, ou autres…

La libre circulation, la liberté d’expression et la tolérance sont donc des chimères de libéraux qui sont restés à gauche. Pour être plus juste après cette phrase volontairement un peu choc, ces libertés ne sont pas acquises dans la société libre, elles peuvent exister à conditions que le marché et l’ostracisme les exigent et poussent les propriétaires à la tolérance. Même en société libre, la liberté reste un combat de chaque instant.

Enfin, la dernière critique évoquée par l’article est plus spécifiquement américaine, elle avance que « 5. Les libertariens détruisent le Parti Républicain ». C’est une bonne nouvelle, pour les Américains certes, mais aussi pour les libertariens partout en Europe. Les libertariens américains ont plusieurs dizaines d’années d’avance sur nous. Ron Paul et maintenant son fils Rand font un travail extraordinaire pour diffuser le message de la liberté et voilà qu’enfin celui-ci fait bouger les lignes.

En France, nous n’en sommes pas là, nous en sommes même loin. Pourtant, notre test à Villeneuve sur Lot l’a montré : il y a des milliers de libertariens en ce pays, qu’il faut aller chercher et convaincre de se battre. Et les libéraux qu’on dira « classiques » ne sont même pas capables de se mobiliser sur de telles actions, encore moins de venir nous soutenir – à de rares mais positives exceptions près, que je salue. Comment dès lors compter sur des libéraux « mous » qui n’osent pas attaquer le système de front et pour ce qu’il est vraiment, mais visent plutôt une prise de pouvoir à leur profit ?

Les libertariens ne sont pas des hurluberlus, pas des extrémistes ni des libertaires aux mœurs décadentes. Nous sommes simplement les porteurs exigeants d’un message de liberté comme seule solution inéluctable à la survie riche et pacifique des hommes sur cette Terre. Bien sûr, notre radicalisme fait mal aux privilégiés en place, nous mettons le doigt sur les archaïsmes et les aberrations du système et les résistances sont fortes. Mais quiconque a un soupçon d’honnêteté intellectuelle et d’intégrité morale ne peut que nous rejoindre. Et balayer avec nous ce système qui fait obstacle à la société de demain. Pour le reste...


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