Titre original d'un article très soft de "La politique d'immigration de Manuel Valls au guéantomètre". A conserver pour ses références.
Décryptage en 10 points.
Popularité record. (!!!) Dans un sondage Ifop commandé par le JDD, 61% des personnes interrogées se disent " satisfaites " de l'action de Manuel Valls, loin devant les autres membres du gouvernement. D'autres études d'opinion réalisées depuis 2012 tendent à montrer la popularité record du ministre de l'Intérieur. Les commentateurs de Rue89 ne sont pas en reste. Pour certains, Valls ne serait " pas vraiment " de gauche, donnant les mêmes coups de menton que Sarkozy et aussi inflexible que Guéant avec les sans-papiers.
Pour se faire une idée plus informée des ressemblances et des différences entre leurs politiques d'immigration, petite plongée dans les chiffres disponibles.
Démarcation sur le droit d'asile ? : Manuel Valls marche droit dans les traces de Claude Guéant en ce qui concerne le nombre d'expulsions, de régularisations et de naturalisations. Sa politique diverge surtout sur les aides au retour et sur le traitement réservé aux étudiants et jeunes adultes. Le ministre a aussi voulu donner des gages aux associations de défense des étrangers en supprimant le délit de solidarité.
Plusieurs inflexions récentes - fin de la garde à vue pour les sans-papiers, rétention des mineurs - ne viennent pas d'une volonté politique mais de décisions juridictionnelles qui s'imposent au gouvernement.
La réforme du droit d'asile pourrait marquer une vraie différence avec le gouvernement précédent. Mais elle n'aura pas lieu avant les municipales, et le statut de réfugié n'a pas été davantage accordé en 2012 que les années précédentes.
Quelles différences ?1- Les expulsions : Plus dur que Guéant ?
" Cette politique ne se traduira pas par des évolutions sensibles en termes de chiffres, s'agissant tant des régularisations que des reconduites à la frontière. Telle est la volonté du gouvernement. Personne ne peut en douter : nous serons extrêmement fermes. "
En attendant le bilan 2013
Comme l'explique Libération, cette augmentation " concentrée sur les six premiers mois " de 2012, est en partie due à deux facteurs :
Il faudra donc attendre le bilan de 2013 pour savoir si Manuel Valls s'inscrit vraiment dans la lignée de ses prédécesseurs. En dix ans, le nombre annuel d'expulsions a quadruplé Voir Nombre de reconduites à la frontière depuis 2001
2- Le " délit de solidarité " : vraiment supprimé ?L'article L-622-1 du Code des étrangers existe depuis 1945, mais il a été surnommé " délit de solidarité " par les associations de soutien aux sans-papiers pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Voici ce qu'il dit :
" Toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d'un étranger en France sera punie d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 30 000 euros. "
Janvier 2012 : Valls réforme le Code des étrangers
Le 2 janvier dernier, Manuel Valls supprime le " délit de solidarité ". C'est-à-dire qu'il réforme le Code des étrangers pour élargir les exceptions à :
" Toute personne physique ou morale, lorsque l'acte reproché était, face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de la vie ou de l'intégrité physique de l'étranger, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ou s'il a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte. "
Le délit d'aide au séjour irrégulier existe toujours mais serait désormais uniquement dirigé contre les filières d'immigration clandestine, pas contre les bénévoles. La notion de " contrepartie ", difficile à cerner selon les associations de défense des sans-papiers, continue toutefois à faire débat.
Fin août, le procès d'un citoyen français accusé d'avoir fourni une fausse attestation d'hébergement à un étranger en situation irrégulière au Havre, devrait tourner autour de cette question. A l'occasion de cette affaire, plusieurs associations (Syndicat de la magistrature, Syndicat des avocats de France, Ligue des droits de l'homme) se sont inquiétées d'un éventuel " retour du délit de solidarité ".
3- Les mineurs en rétention : pas fini, mais exceptionnel
" Je veux prendre l'engagement, si je suis élu à la présidence de la République, de mettre fin dès mai 2012 à la rétention des enfants et donc des familles avec enfants. "
Par ces propos, le futur président de la République prend acte d (CEDH) datant de janvier 2012. 'une décision de la Cour européenne des droits de l'homme L'arrêt Popov a condamné la France pour avoir enfermé une famille kazakhe dans un centre de rétention inadapté à l'accueil des enfants.
La CEDH estime :
" Les autorités doivent mettre en œuvre tous les moyens nécessaires afin de limiter autant que faire se peut la détention de familles accompagnées d'enfants et préserver effectivement le droit à une vie familiale. "
l'assignation à résidence devient la règle pour les familles en attente d'expulsion. Seules celles qui n'auraient pas respecté leurs obligations devraient être placées en centre de rétention, en dernier recours donc.
Mayotte fait exception, et n'est pas compris dans le nouveau dispositif.
Sept familles placées en centres de rétention
Ce nombre a-t-il diminué depuis la circulaire ? Le député socialiste du Val-de-Marne, René Rouquet, voulait poser la question au ministre de l'Intérieur en juin. Manuel Valls étant retenu au Sénat, c'est le ministre de la Ville, François Lamy, qui lui a répondu :
" Au terme de cette circulaire, il n'y a plus de primo-placement de parents accompagnés d'enfants mineurs. Il en résulte que, depuis sa mise en œuvre, sept familles ont été placées en centre de rétention pour des durées très, très brèves, pour la plupart suite au non respect des obligations de l'assignation à résidence.
A titre de comparaison, plus de 200 familles avec enfants avaient été placées en rétention sur la même période en 2011-2012. "
Le ministre vise les Roms roumains et bulgares, pour qui le système d'aide au retour humanitaire (ARH) serait " inopérant " voire aurait des " effets pervers ". En clair, les Roms accepteraient cette aide mais reviendraient en France ensuite.
Manuel Valls a d'ores et déjà annoncé que les démantèlements de camps de Roms " se poursuivront ".
5 - La garde à vue pour séjour irrégulier : remplacée par une " rétention " de seize heures
Depuis un an, la garde à vue d'un sans-papiers pour le seul motif de sa situation irrégulière est illégal.
Sans la garde à vue, les policiers disposent de quatre heures pour contrôler l'identité d'une personne. Insuffisant, expliquent-ils, pour engager une procédure d'expulsion si nécessaire.
Le ministre de l'Intérieur a donc fait voter effectif depuis le 1un nouveau dispositif, er janvier 2013. Il prévoit une rétention de seize heures. La garde à vue, elle, pouvait durer 24 heures, renouvelables une fois.
Entre 2007 et 2012, le nombre de demandes d'asile a augmenté de 70%.
Mais le statut de réfugié, lui, est toujours accordé au compte-gouttes : environ 10 000 personnes en bénéficient chaque année.
C'était une mesure symbolique. Dès l'arrivée du gouvernement, la circulaire Guéant sur les étudiants étrangers - qui avait entraîné la situation irrégulière de centaines de jeunes diplômés - a été abrogée, un an après son entrée en vigueur.
" Nous avons accueilli en 2012 10% d'étudiants étrangers en moins. [...] Le message négatif envoyé par la circulaire du 31 mai 2011 n'est pas étranger à cette désaffection. "
" Il n'y aura pas de régularisation massive comme en 1981 [131 000 personnes, ndlr] ou 1997 [80 000, ndlr]. "
La circulaire du 28 novembre 2012 vise à mieux préciser les critères de régularisation mais ne les élargit pas vraiment. Le ministre de l'Intérieur ne souhaite pas non plus régulariser progressivement les étrangers inexpulsables.
9 - Les naturalisations : des critères assouplisLe 18 octobre 2012, Manuel Valls signe une circulaire pour faciliter l'acquisition de la nationalité française. Elle prévoit notamment :
un assouplissement des critères liés au travail (possibilité de CDD ou d'intérim) ;
un examen bienveillant des demandes déposées par des étudiants étrangers et des jeunes de moins de 25 ans ;
un retour au délai de cinq ans de séjour régulier sur le territoire (passé à dix ans par Claude Guéant).
Les deux dernières années du quinquennat de Nicolas Sarkozy, le nombre de naturalisations avait fortement baissé, une tendance qui s'est poursuivie en 2012.
10 - Portrait de l'immigrationLes derniers chiffres disponibles montrent que si le nombre total de nouveaux admis au séjour est resté stable en 2012, sa composition a varié :
Voir L'admission au séjour par motifs (Ministère de l'Intérieur)