Titre original : Cujo
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Lewis Teague
Distribution : Dee Wallace, Danny Pintauro, Daniel Hugh Kelly, Christopher Stone, Ed Lauter, Kaiulani Lee, Billy Jayne, Mills Watson…
Genre : Épouvante/Horreur/Adaptation
Date de sortie : 10 août 1983
Le Pitch :
Cujo, le brave Saint-Bernard de Joe Camber, un garagiste de campagne, est mordu par une chauve-souris porteuse du virus de la rage.
Non loin de là, Donna Trenton, une jeune mère de famille, embarque avec son fils Tad dans sa vieille voiture, pour la faire réparer chez Joe Camber. Vic Trenton, son mari étant parti en voyage d’affaires. Une fois chez Joe Camber, Donna et Tad sont confrontés à Cujo, ravagé par la maladie et devenu une redoutable machine à tuer. Une créature enragée qui a pris goût au sang. Commence alors l’horreur pour la mère et son fils, acculés dans leur voiture, en plein soleil, alors que dehors, la bête veille…
La Critique :
Le cinéma compte deux Saint-Bernard superstars : Beethoven, le gentil molosse maladroit qui dévaste la maison de ses maîtres mais qui a un cœur gros comme l’état du Texas, et Cujo, une machine à tuer tout droit sortie de l’imagination de Stephen King. Un Saint-Bernard autrefois adorable, mordu par une chauve-souris et donc atteint du virus de la rage, responsable de son changement meurtrier de comportement.
Cité par Stephen King lui-même qui considère le film comme l’une des meilleures adaptations de son œuvre (avec La Ligne Verte, Misery, Les Évadés, The Mist…), Cujo s’inscrit donc dans la lignée de ces trips horrifiques mettant en scène des animaux tueurs. Il adopte de plus tous les codes du huis-clos d’épouvante, en mettant en scène une mère et son petit garçon, prisonniers d’une voiture se transformant peu à peu en cercueil de métal, alors que le chien assoiffé de sang multiplie les attaques.
Considéré comme un classique du genre, le long-métrage de Lewis Teague n’en reste pas moins une déception relative si on le superpose au roman dont il s’inspire. Très proche des écrits de King, le film brûle en effet les étapes de la narration pour vite se focaliser sur l’essentiel, à savoir la lutte intestine et viscérale de Dee Wallace, la mère de famille, et de Cujo, le Saint-Bernard enragé.
Quand le livre laissait apparaître une piste teintée de fantastique, en mettant en relation le monstre que le petit garçon voyait dans son placard la nuit, et le monstrueux molosse, le film est beaucoup plus premier degré. Court, il brûle les étapes et peine donc à donner de la substance à des personnages du coup un peu transparents. Seul Cujo semble intéresser Lewis Teague. Lui bénéficie il est vrai, d’un véritable soin, même si là encore, sa transformation apparaît comme trop rapide, et trop brutale.
Il est donc conseillé de ne pas lire le bouquin juste avant de regarder le film pour la première fois, le gouffre qui sépare les deux œuvres apparaissant avec encore plus d’évidence.
Stephen King n’est pas connu pour sa précipitation. Dans Cujo le livre, il y avait certes le chien, mais pas seulement. Cujo se posait comme la radiographie d’un couple déchiré par l’adultère, mais également comme une description de l’enfance on ne peut plus pertinente. King prenait son temps pour installer ses personnages et lorsque ces derniers se retrouvaient face à Cujo, leur sort n’en devenait que plus préoccupant.
Le film lui, expédie le destin des Camber, les propriétaires de Cujo, en trois coups de cuillères à pot. Il n’offre pas non plus le point de vue de Cujo lui-même, contrairement au livre où le chien est un personnage à part entière et non pas seulement une entité meurtrière. La progression du virus de la rage se faisant uniquement dans le long-métrage, au travers des actes de Cujo. Ce qui met fatalement le double statut du chien dans le livre (tueur/victime) au placard au profit d’un rôle beaucoup plus terre à terre. Autant de raisons qui font de cette déclinaison champêtre des Dents de la Mer, un divertissement certes efficace, mais malheureusement trop transparent pour véritablement marquer les esprits. Surtout si on rajoute à cet argumentaire, les petits changements par rapports au livre, jamais vraiment pertinents. À commencer par la fin, plus consensuelle et abrupte, que celle, infiniment plus tragique et mélancolique, du livre. Un dénouement qui traduit d’ailleurs le désintérêt quasi-total du film pour tous ses personnages secondaires.
Pour autant, Cujo reste un modèle d’efficacité. Depuis oublié de tous, le réalisateur Lewis Teague fait preuve d’un savoir-faire flagrant et parvient à rattraper, lors de l’affrontement de la Belle et de la Bête, quelques-uns des travers narratifs de son film. Sa caméra virevolte, fait preuve d’une inventivité parfois étonnante (le plan où l’objectif tourne dans la voiture est un modèle d’efficacité). Loin des navets mettant en scène des animaux tueurs, où parfois, l’animal en question est remplacé par une vulgaire peluche, Cujo présente des effets-spéciaux encore aujourd’hui bluffants. Trente ans après sa sortie, Cujo fonctionne car il est le fruit du travail inspiré d’artisans talentueux, ayant réussi à mêler effets-spéciaux géniaux et techniques de dressage. Le résultat à l’écran est sans appel et offre un spectacle où l’agresseur, une machine à tuer à la morsure fatale, apparaît comme véritablement menaçant.
Mais le refrain est connu : le livre est mieux que le film. Le contraire est rare et Cujo ne fait pas exception. On salue le désir de fidélité, la mise en scène et la performance de Dee Wallace, star incontestée du cinéma horreur/fantastique des 70′s/80′s (La Colline a des yeux, Hurlements, E.T….) même si c’est le seul personnage humain qui bénéficie de suffisamment de substance pour livrer une vraie performance. On s’incline aussi devant Cujo, un monstre vraiment flippant. Danny Pintauro, le gamin en chef, future star de la série culte Madame est servie, est vraiment insupportable par contre, surtout en version française… Et Daniel Hugh Kelly, le père de famille, ressemble un peu à Will Ferrell. Juste un détail amusant…
Enfin, on peut également souligner la principale innovation apportée par Cujo. Ici, le monstre n’est pas une créature fantastique. Le monstre possède des accents tragiques car il provient du quotidien. Il ne se cache pas durant la majorité du film pour n’apparaitre qu’à la fin comme le veut la tradition. Dès le début, on le voit roder. D’abord gentil puis beaucoup moins. Comme à l’accoutumé chez King, l’horreur s’invite dans la vie de tous les jours. Elle frappe à la porte de notre routine, transformant des situations banales en véritables cauchemars. Et un pauvre Saint-Bernard en croque-mitaine, définitivement sorti de sa cachette…
@ Gilles Rolland