Boule & Bill est le nouveau film d’Alexandre Charlot et de Franck Magnier qui est en salles au Québec depuis le 16 août. Adapté de la bande dessinée éponyme de Jean Roba, l’action se déroule dans les années 70 alors qu’au cours d’une ballade en auto, une famille, « les Boule », s’arrête dans une SPA. Tout de suite, le fils (Charles Crombez) craque pour un cocker anglais qu’il prénommera Bill (voix de Manu Payet). La cohabitation entre la famille et ce nouvel être, loin d’être de tout repos, deviendra encore plus ardue lors du déménagement de ceux-ci à Paris. Après plusieurs péripéties entre Boule et son chien et une adaptation difficile de ses parents dans la Ville Lumière, la famille retournera en banlieue couler des jours heureux. Le film, d’un scénario faible, ne parvient pas à effectuer le pont entre la bande dessinée et le grand écran. Alors que depuis plusieurs années, les adaptations cinématographiques de livres pour enfants sont monnaie courante et que certaines connaissent un succès retentissant, Boule et Bill fait pâle figure.
Déception unanime
Quand on revient sur le scénario de Boule & Bill, on a peine à trouver un moment marquant ou bien une trame narrative linéaire qui résumerait bien le film. C’est que les bandes dessinées de Roba étaient caractérisées par des historiettes, des « sketchs » d’une page à peine et tout au plus, d’un thème rassemblant tout un album. Justement, le film, qui cherche à faire rire, par de courtes blagues tout en racontant une histoire consistante, échoue.
L’introduction étant l’adoption de Bill, le développement se déroule à Paris alors que toute la famille est aux prises avec des problèmes. Boule et Bill s’ennuient l’un de l’autre durant les heures scolaires alors que le nouveau travail de papa Boule (Franck Dubosc) dans une firme de design n’est pas reconnu à sa juste valeur. De son côté, la mère de Boule (Marina Foïs) ne peut plus donner de leçons de piano chez elle en raison des plaintes répétées d’un voisin dépressif qui ne supporte pas le moindre bruit. En même temps, elle est de plus en plus exaspérée d’être femme au foyer à temps plein. Lorsque la tension monte, Boule et Bill fuguent, ce qui nous amène à la conclusion où toute la famille tente de récupérer leur cocker, qui, tombé dans une benne à ordures, est dirigé tout droit vers le dépotoir… on a déjà vu mieux comme synopsis. D’ailleurs, les critiques d’un peu partout n’ont guère été plus impressionnées : « Le scénario dénature totalement l’esprit de la bédé » (Laurent Pécha, ecranlarge.com) ou encore « Tous les gags tombent à plat. On s’ennuie ferme et les enfants dans la salle bâillent dès la dixième minute. » (Olivier Delcroix, lefigaro.com).
Une très belle mise en abyme est tout de même à mentionner vers la fin du film. Le père de Boule, inquiet depuis la disparition de son fils, trompe son ennui en dessinant son fils et son clébard dans des situations cocasses. C’est à ce moment qu’on se rend compte que la plupart des cascades et quiproquos qu’on a pu voir au cours du film avaient été littéralement inspirés d’extraits des bandes dessinées. Un bel hommage à Jean Roba, mais qui aurait été encore plus réussi à l’aide d’effets spéciaux « XXIe siècle ».
Faire les mauvais choix
On ne peut s’empêcher de comparer Boule & Bill aux autres adaptations de bandes dessinées ou encore aux films mettant en vedette des animaux. Le premier film à succès me venant en tête est la série des Beethoven (1992, 1993, 2000, 2001 et 2003). Le Saint-Bernard était au cœur de l’action et on s’attachait à lui (du moins dans les premiers films) sans qu’il n’ait à s’exprimer comme le fait Bill. Dans les adaptations cinématographiques de Garfield (2004, 2006), le chat est complètement le produit d’une imagerie assistée par ordinateur et il évolue dans des décors réels. La qualité de la technologie utilisée est telle qu’on oublie vite le contraste réel/numérique pour aussitôt adhérer à l’histoire. Enfin, le film pour enfants se rapprochant le plus du point de vue technique de Boule & Bill est la trilogie de Look Who’s Talking[1] (1989, 1990, 1993). Dans les deux premiers, les nouveaux nés d’un couple américain ne remuent pas les lèvres, mais son les entend s’exprimer de façon sarcastique sur le monde en pensées. Dans le troisième, les enfants ayant grandi, ce sont leurs deux chiens qui s’expriment de la même manière.
Boule & Bill utilise donc un concept vieux de plus de vingt ans, mais les dialogues du chien et de son amie la tortue se révèlent inintéressants. De plus, en décidant d’utiliser un vrai chien au lieu de privilégier l’animation, on réalise à quel point un cocker est bien plus beau et attachant en bandes dessinées. Quant à Boule, son personnage n’est pas assez espiègle et son interprète est fade au possible (« l’oeil éteint et la voix geignarde, il ne parvient pas à rendre son personnage attachant comme un enfant peut l’être », selon la critique sur filmosaure.com). Bref, un tas de mauvaises décisions (et peut-être un manque de budget) qui rendent le film décevant.
Le film a donc raté son pari et même pour les plus petits, il est permis de douter de son succès, du moins à long terme. Par contre, le nombre d’entrées au box-office en France, en Suisse et en Belgique est digne de mention et proportionnel au nombre de critiques négatives; c’est dire. Pour ce genre de film, tomber davantage dans la caricature aurait été souhaitable, mais ni les talents d’humoristes de Franck Dubosc, ni les pirouettes de Bill ne viennent pallier à un film au final très monotone.
[1] En France, la traduction du titre est Allô Maman, Ici Bébé et au Québec, De Quoi j’me mêle.