J'avais évoqué la chose en novembre dernier, la Catalogne prévoit tenir un référendum sur son indépendance. Il n'est donc pas étonnant de trouver écho à cette question dans la région. Ce billet n'a pas pour but de traiter profondément de la question, mais il est ardu de l'éviter complètement, si on veut être honnête en parlant de visiter la catalogne, comme en témoigneront les quelques photos accompagnant le texte.[Je note aussi, pour l'anecdote, qu'avec mon passage dans l'Écosse de mes ancêtres fin décembre dernier, et mon séjour au Québec ce printemps, c'est la troisième "nation" possédant un important mouvement indépendantiste où je mets les pieds en moins d'un an].
Ceci est ma première photo de Girona, au nord de Barcelona. On peut y voir quatre balcons décorés de drapeaux; trois portent l'étoilé en version bleue, et un l'étoilée en version rouge. Dans les deux cas, le drapeau étoilé représente l'indépendance de la Catalogne (*). Le drapeau actuel de la Catalogne comme partie de l'Espagne est un rayé jaune et rouge (sans triangle ni étoile), motif historique que reprend le drapeau indépendantiste.
Autres balcons où on s'affiche pour l'indépendance. À deux pas de ma pension, il y a aussi une librairie indépendantiste, qui annonce fièrement les livres en Catalan (version originale ou en traduction catalane), et affiche son historique de défense de la culture catalane.
Le drapeau indépendantiste est souvent accompagné de slogans comme celui-ci: "Adieu Espagne, on nouveau chemin nous attend" (ma traduction du catalan). D'autres affichent "Catalogne, un nouvel état en Europe" ou encore, un peu plus directement: "la Catalogne n'est pas l'Espagne". Le président catalan a souligné avec vigueur l'entrée dans l'Union Européenne de la Croatie, un petit pays de 4,5 millions de personnes (7,5 millions en Catalogne), qui a joint l'Europe après être devenu indépendant suite à un référendum qui n'avait pas été reconnu par le gouvernement Yougoslave de l'époque, un écho à la non reconnaissance du processus catalan par Madrid jusqu'à maintenant. Le gouvernement espagnol a d'ailleurs évoqué le Kosovo pour "prévenir" les catalans.
Il faut comprendre que les Catalans ont également subi une forte pression à l'assimilation à l'époque de Franco, au cours de laquelle la langue catalane était interdite et plusieurs livres catalans étaient carrément brûlés. J'ai lu qu'une génération complète de catalans ne sont pas capable de lire ou écrire leur langue à cause de ces interdits (ils le parlaient à la maison, mais n'ont jamais appris à le lire ou l'écrire). Le catalan était évidemment prohibé dans les écoles et lieux publics, mais il était également interdit de donner aux enfants des prénoms traditionnellement catalans. Nous ne parlons pas seulement du début du régime à la fin des années 30, mais bien de toute la période de 1939 au milieu des années 1970. Depuis, les choses ont heureusement changées, et la langue catalane est revenue en force dans la région et constitue aujourd'hui une des langues officielles en Catalogne (et la langue officielle des institutions gouvernementales).
L'actuelle gouvernance à droite du gouvernement de Madrid, le sauvetage des banques, la crise financière, la corruption au niveau national sont tous des éléments qui donnent de l'eau au moulin indépendantiste catalan. Il est aussi possible que le refus de Madrid de reconnaître le processus référendaire joue en faveur des indépendantistes, qui y voient l'habituelle condescendance et position dominante du gouvernement espagnol. Aussi, suite à une réforme du statut de la Catalogne en 2006, la région avait obtenu beaucoup plus de pouvoir, une négociation que Madrid espérait concluante pour régler la question catalane, mais le tribunal constitutionnel espagnol a invalidé plusieurs éléments de ce statut en 2010, relançant avec plus de vigueur encore le mouvement pour l'indépendance de la Catalogne.
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Le gouvernement de la Catalogne n'a pas encore fixé officiellement la date du référendum, mais a annoncé qu'il se tiendrait en 2014, avec une question simple, à réponse oui ou non.
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(*) Si le mouvement indépendantiste a deux versions de son drapeau, c'est que traditionnellement, l'étoilé bleu et blanc représentait l'indépendance des états catalans (donc incluant Andorre, la Catalogne française, les îles Baléares, la région de Valence et une partie d'Aragon, en plus de la Catalogne espagnole actuelle). Il avait donc été un peu délaissé au profit de l'étoilé rouge, qui provenait aussi des partis de gauche: socialistes et communistes, étoilé qui a été un peu remisé après la chute du communisme en Europe de l'Est. Depuis la renaissance du mouvement indépendantiste catalan, l'étoilé bleu est redevenu le symbole de prédilection du mouvement, même si les militants les plus à gauche utilisent aussi l'étoilé rouge.