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Chronique de Milan, par Clémence Tombereau…

Publié le 17 août 2013 par Chatquilouche @chatquilouche
Du site : Voir le monde en noir et blanc

Du site : Voir le monde en noir et blanc

 Pris dans un délire qui donnait au moindre de ses gestes une signification sacrée, il décida, lui l’impie, le mécréant, d’allumer un cierge, comme ça, pour rien, pour rire ou pour pleurer.  Une flamme pour le vide qu’il sentait grandir en lui, pour ce puits que S* l’aidait à creuser de ses mains amoureuses.  Un cierge pour rien.  Un cierge sans prière, juste pour voir une flamme.  Juste pour se dire qu’une fois dans sa vie au moins il aura éclairé quelque chose.  Comme s’il était la cire, comme s’il était la mèche, comme si, lentement, il prenait feu jusqu’à n’être plus rien.

Il saisit la longue bougie blanche, l’approche d’une flamme sœur – une flamme qui doit correspondre à un vœu, à une peur de quelqu’un d’autre qui est passé là il y a peu, quelqu’un de pieux sûrement, plus que lui, quelqu’un qui attend de cette flamme quelque apaisement – et dans un frisson allume la mèche.  Comme une bombe.  Et si les cierges n’étaient que des petites bombes, pacifiques, sans douleur, qui fondent et n’explosent pas, qui ne servent à rien si ce n’est apaiser les âmes ?  Il contemple la lueur vacillante qu’il vient de poser dans un socle prévu à cet effet.  Il a toujours aimé regarder les bougies.  Chez elle surtout.  Toutes ces flammes qui enrobaient leurs étreintes d’une lumière veloutée, qui diluaient les courbes, invitaient l’impudeur à être de la fête, toutes ces flammes désormais n’existent plus.  C’est l’été, les bougies sont finies, elle n’en a pas racheté, en été pas la peine.  De toute manière elle se laisse aller pour tout.  Rien dans son appartement ne semble vivre.  Les plantes sur sa terrasse meurent un peu plus chaque jour.  Elle ne sort plus, se nourrit à peine, se lave souvent.

Le cierge hypnotisant est consumé au tiers lorsqu’il décide de se mettre en mouvement, bien triste d’abandonner la flamme, la tranquillité du lieu, ce gisant déguisé.  Il se meut néanmoins.  On ne peut rester toujours au même endroit.  La cathédrale va fermer.  Que font les flammes dans les églises la nuit ?  Dansent-elles encore ou une bouche protectrice les éteint une à une avant de les rallumer le lendemain ?

Notice biographique
Chronique de Milan, par Clémence Tombereau…

Clémence Tombereau est née à Nîmes et vit actuellement à Milan.  Elle a publié deux recueils, Fragments et Poèmes, Mignardises et Aphorismes aux éditions numériques québécoises Le chat qui louche, ainsi que plusieurs textes dans la revue littéraire Rouge Déclic (numéro 2 et numéro 4) et un essai (Esthétique du rire et utopie amoureuse dans Mademoiselle de Maupin de Théophile Gautier) aux Éditions Universitaires Européennes.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)


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