Route du Rock 2013 - vendredi soir
Parmi les moments instructifs d’un festival, il y a ce temps de debriefing le lendemain matin (midi ?) où l’on s’enthousiasme, se dispute, se querelle, où l’on défend ses impressions de la veille. « Nul à chier », « génial », «naze », « génial », « pourri », « génial ». Autant d’argumentaires développés pour rendre compte de l’émotion ressentie lors du concert.
Vérité en deça de St Malo, erreur au delà. Comme la météo qui n’est pas une science exacte (surtout en Bretagne), il n’y a évidemment pas d'objectivité possible, plutôt une somme d’avis qui finit par créer un consensus qui peut se transformer, dans un lent mouvement sinusoidal de maturation critique, en jugement fédéré avant d’atteindre, parfois, les yeux humides de nostalgie, le statut de réputation légendaire. Je m’amuse parfois à imaginer ce que cela donnerait sous un régime de type autoritaire : il y aurait dans chaque festival un ministre de la propagande qui dicterait ce qu’il faut penser de chaque prestation. Seul lui aurait voix au chapitre, imposerait la ligne officielle de pensée unique en fonction d’une somme de critères scientifiques et obscurs. Certes cela sonnerait le glas pour ce noble métier de chroniqueur musical. Mais j’avoue que parfois, cela nous simplifierait la tâche.
Car hier soir, lors du grand raout de Godspeed You ! Black Emperor, je me suis senti comme une chipster molle dans un magret de canard (c’est à dire, pour ceux qui jugeraient cette métaphore trop subtile : pas à ma place). J ‘entend déjà la horde de hipsters (et non plus de chipsters, suivez un peu) crier au scandale, protester à l’unisson d’une révolte pleine de chemises à carreaux et d’espadrilles macérantes : COMMENT !? Par tous les saints barbus du Canada indie, un festivalier n’a pas goûté la grande messe extatique du mythique collectif ? Et ben oui. Amis transis de la symphonie tribale, flagellez-moi : GYBE m’a fait l’effet d’un jour du Seigneur un lendemain de cuite.
Pourtant mes vaccins étaient à jour : grand admirateur de Sigur Ros et Mogwai, j’avais le pedigree adapté. Peut-être puis-je faire appel à l’excuse numéro 1, explication imparable qui coupe court à tout débat : je ne suis pas « rentré dedans ». Et c’est alors un long et grand moment de solitude qui dura hier soir une heure et demi. Imaginez la détresse d’un festivalier plongé au cœur d’une foule hypnotisée en symbiose. Je sais maintenant ce que cela fait d’être la seule personne sobre lors d’une rave-party.
Vous trouverez sans doute à gauche à droite une flopée de louanges pour ce concert d’hier soir. Mais il existe sans doute quelque part un homme ou une femme qui comme moi est resté perplexe devant la liturgie montréalaise et qui a préféré le garage efficace de Bass Drum of Death ou les basses dingos de Zombie Zombie. Ou si toi aussi tu as préféré la belle prestation d’Efterklang devant un public clairsemé, ami(e) mélomane sache que tu n’es pas seul(e). Et que cet article, je l’ai écrit pour toi.
A demain.
Je crois que le chanteur d'Efterklang m'a reconnu...