Du Moyen Âge à aujourd’hui dans nos universités

Publié le 16 août 2013 par Raymond Viger

Rive Gauche au 13e siècle

Ainsi, la Rive Gauche de Paris était déjà dominée par la vie étudiante dès le 13e siècle, et son université offrait un « baccalauréat ès arts », un terme qui a été conservé par les universités de langue française jusqu’à nos jours.

La population étudiante de la Rive Gauche provenait de différents pays européens et ne parlait pas forcément français. En fait, tous les cours étaient donnés en latin à cette époque (la langue du savoir, la langue de la science), et le latin était devenu la langue commune de ces étudiants : d’où le nom Quartier Latin que l’on donnait à ce coin de Paris (et qui a été repris à Montréal, à partir de 1876, pour désigner un quartier étudiant et littéraire, autour de la rue Saint-Denis).

Église Saint-Julien-le-Pauvre, premier siège des assemblées de l’ancienne université de Paris

La population étudiante dominait la Rive Gauche de Paris, et elle avait une grande influence économique sur la vie de ce quartier. Consciente de son pouvoir et de son nombre, elle y faisait un peu la loi. Les nombreuses grèves (et les beuveries) menaient à des affrontements entre les étudiants et les forces de l’ordre.

Que sont mes amis devenus

En littérature française, les poètes Rutebeuf (1230-1285), lui-même du 13e siècle, et Villon (1431-1463) du 15e, sont de bons représentants de cet esprit estudiantin irrévérencieux. De Villon, on se rappellera la Ballade des pendus (« Frères humains qui après nous vivez, / N’ayez les cœurs contre nous endurcis… ») et de Rutebeuf, sa complainte tirée des Poèmes de l’infortune, adaptée et mise en musique par Léo Ferré sous le titre Pauvre Rutebeuf :

Villon

Que sont mes amis devenus

Que j’avais de si près tenus

Et tant aimés

Ils ont été trop clairsemés

Je crois le vent les a ôtés

L’amour est morte

Ce sont amis que vent me porte

Et il ventait devant ma porte
Les emporta
Avec le temps qu’arbre défeuille

Quand il ne reste en branche feuille

Qui n’aille à terre

Avec pauvreté qui m’atterre

Qui de partout me fait la guerre

Au temps d’hiver

Ne convient pas que vous raconte

Comment je me suis mis à honte
En quelle manière
Que sont mes amis devenus

Que j’avais de si près tenus
Et tant aimés

Ils ont été trop clairsemés

Je crois le vent les a ôtés

L’amour est morte
Le mal ne sait pas seul venir

Tout ce qui m’était à venir

M’est advenu
Pauvre sens et pauvre mémoire

M’a Dieu donné, le roi de gloire

Et pauvre rente

Et droit au cul quand bise vente

Le vent me vient, le vent m’évente

L’amour est morte

Ce sont amis que vent emporte

Et il ventait devant ma porte

Les emporta.

Pas de gratuité au 13e siècle

À Paris au 13e siècle, du temps de Rutebeuf, on entrait à l’université vers l’âge de 14 ans et il fallait 8 années d’études pour obtenir son baccalauréat ès arts. Avec une autre année, on pouvait obtenir une maîtrise, ce qui permettait d’enseigner. Toutefois, pour compléter un doctorat (en droit, médecine, philosophie ou théologie), il fallait ajouter 12 autres années d’études.

Tout cela coûtait très cher, et on comprend que seules les familles riches et nobles pouvaient se permettre d’envoyer leurs fils à l’université. Il y avait cependant des bourses qui permettaient à des jeunes gens talentueux des classes populaires d’accéder aux études supérieures. Ces bourses étaient payées par des nobles qui voulaient encourager les talents locaux, ou par le clergé.

Nous étions donc encore loin, au Moyen Âge, de l’université populaire gratuite et accessible à tous, mais le côté festif et contestataire des étudiants était déjà une réalité bien présente.

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Sources des informations : Thomas Cahill, Mysteries of the Middle Ages, Anchor Books, New York, 2008 ; le Web et une anthologie de poésie.

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