Les démocrates et les libéraux opprimés au Bahreïn ou en Arabie saoudite n’ont pas grand chose à attendre de l’occident.
Par Emmanuel Martin.
Les chancelleries occidentales ont – enfin – vivement condamné la répression brutale à l’encontre des partisans des Frères musulmans en Égypte par une armée qui, chaque jour, montre toujours davantage son vrai visage d’oppresseur anti-démocratique. Elles ont été moins émues, semble-t-il, par l’oppression qui règne dans les monarchies du Golfe.
Au Bahreïn, où le voisin saoudien était venu « remettre de l’ordre » au printemps 2011 en envoyant des chars contre les manifestants opposés au régime de Manama, le roi ne s’embarrasse plus. Début août ce dernier a adopté deux décrets durcissant les lois anti-manifestations. Sit-in, défilés et manifestations sont désormais interdits dans la capitale Manama. Par ailleurs, les parents peuvent désormais risquer la prison si leurs enfants mineurs prennent part à des manifestations. Les habitants ont réagi en organisant des sit-ins devant chez eux.
Les manifestations en faveur de la démocratie, émanant très largement de la part de la majorité chiite écartée du pouvoir et des affaires par la minorité sunnite, se veulent pacifiques, à l’image des manifestations pro-démocratiques qui avaient eu lieu en Égypte pour faire tomber Moubarak et ensuite Morsi. Le 14 août les manifestants du mouvement tamarrod (rébellion) local entendaient fêter les deux ans et demi de lutte contre un pouvoir sourd à leurs demandes de réforme vers une monarchie constitutionnelle.
L’ONU a bien sûr récemment demandé au petit Royaume de « respecter ses obligations internationales en matière de droits de l'homme, y compris celles concernant la liberté d'expression et de rassemblement pacifique ». La porte-parole adjointe du Département d’État Marie Harf a même pu évoquer le fait que les États-Unis « soutenaient le droit de se rassembler pacifiquement et le droit à la liberté d’expression, y compris à Bahreïn ».
Mais le petit Royaume accueille le port d’attache de la cinquième flotte américaine, un instrument essentiel de la géostratégie américaine contre l’Iran dans le Golfe. Il y a ainsi peu de chances que les États-Unis prennent le risque de froisser le pouvoir bahreïni et ce, d’autant plus si c’est pour soutenir des manifestants chiites (potentiellement pro-iraniens, même s’ils sont arabes et non perses). Les grands principes s’effacent devant la Realpolitik.
En Arabie saoudite, autre grand allié de l’occident, on condamne en 2013 les activistes libéraux à 600 coups de fouet. La raison de ce châtiment sorti tout droit d’un mauvais roman médiéval, assorti tout de même d’une peine de 7 ans de prison ? Avoir osé demander la liberté religieuse.
Voilà le sort réservé, selon son avocat, à Raef Badawi, l’un des co-fondateurs du réseau libéral saoudien. Le juge a demandé la fermeture du site du réseau. Le 7 mai 2012, le réseau avait lancé le « jour du libéralisme », poussant l’idée qu’il faut mettre un terme à l’emprise de la religion sur la politique du pays. Visiblement, l’accusation d’apostasie n’a pas été retenue à l’encontre du courageux Badawi. Elle aurait permis de purement et simplement décapiter ce « libéral » se battant pour l’État de droit.
Là aussi l’occident n’a pas spécialement donné de la voix, comme dans le cas de tous les autres activistes libéraux d’ailleurs, pour dénoncer le fanatisme orthodoxe et demander l’État de droit.
Il faut dire qu’en la matière, les grandes démocraties occidentales n’ont pas beaucoup de leçons de morale à donner. Comme le rappelait récemment le président sénégalais à Barack Obama, le Sénégal n’a plus la peine de mort depuis quelques années, contrairement… aux États-Unis. De Guantanamo aux activités d’espionnage de la NSA, en passant par une guerre en Irak lancée sur un mensonge éhonté, Washington n’a effectivement pas un bilan très glorieux en matière d’État de droit. La « patrie des droits de l’homme » n’est pas en reste, elle qui soutient traditionnellement les grands autocrates d’Afrique, par intérêts géostratégiques là aussi.
On le voit : les démocrates et les libéraux du Golfe qui manifestent devant les ambassades occidentales n’ont en réalité pas grand chose à attendre de l’occident.
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