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Egypte : entre la Syrie et l'Algérie

Publié le 15 août 2013 par Egea
  • Egypte

Plus de 600 morts annoncés ce soir, selon un bilan que l'on sait provisoire. Déroulé d'une pièce anticipée et tragique, mais conforme au jeu des forces en présence.

Egypte : entre la Syrie et l'Algérie

Sur égéa, nous avons toujours fait attention aux commentaires sur les révoltes arabes : nous nous sommes méfiés de l'appellation "printemps arabe" (allusion malvenue au printemps des peuples de 1848), et nous n'avons jamais cru à "l'aspiration à la démocratie" des peuples de la région. Aspiration à la justice, certes, ce qui n'est pas la même chose.

Dans des pays vivant depuis des lustres sous des despotes plus ou moins éclairés, dans des régions marquées par le ressentiment (cf. la géopolitique des émotions de D. Moïsi) et alors que l'islam apparaît comme la seule idéologie du refus (refus de l'Occident fascinant, refus de la domination, refus du sous développement), il était logique de concevoir que tout système électoral (et je fais bien attention à ne pas parler de système démocratique) amènerait une majorité de "partis" islamistes.

Or, ces partis n'ont pas de projet politique cohérent, permettant à la fois l'ordre public, le développement économique et l'harmonie politique. Tout simplement parce qu'on ne sort pas de système despotiques "comme ça", et qu'il a fallu près de 150 ans à l'Occident pour avoir des systèmes un peu stabilisés. On peut imaginer que l’expérience historique permette de raccourcir les délais : mais pas de les compresser à deux ans, c'est-à-dire le délai entre le départ de Moubarak et le coup de force de cet été...

Est-ce à dire que c'est blocage irrémédiable d'une évolution de plus long terme, allant vers une normalisation et surtout la possibilité de transaction (substantif correspondant au verbe transiger, et qui est la vraie caractéristique de la démocratie) ? Ici encore, le réalisme appelle à la prudence. Certes, le sang a coulé et en grandes quantités. Mais qu'on se souvienne : lors de la Commune de Paris (cf. la fiche de lecture sur la débâcle), le sang avait aussi coulé et finalement, la France avait mis au point un régime permettant justement ces transactions politiques.. Ainsi, malgré la probabilité d'une guerre civile, le pire n'est pas forcément sûr.

Toutefois, il semble bien que nous ayons tous les ingrédients pour la dite guerre civile : car les heurts n'ont pas eu lieu qu'au Caire, et il ne s'agit pas "simplement" de l'affaire d'élites éclairées à la capitale : les heurts se sont déroulés dans tout le pays, démontrant un clivage profond, creusant une fracture politique au sein d'une population largement homogène, et une des plus homogènes de la région. Il reste que l'incompétence des uns répond à l'incompétence des autres, et qu'on ne voit pas la solution transigeante permettant une sortie par le haut, et la capacité de réformer le pays à la hauteur des enjeux... et de la nécessité économique.

Constatons enfin l'inaptitude du projet d'islamisme politique tempéré, au moins pour l'instant. Ce qui augure d'une radicalisation des dits islamistes, sous couvert de "salafistes" et d'un possible jihadisme. Là encore, les musulmans seront (comme ils le sont statistiquement déjà) les premières et plus nombreuses victimes de cette illusion idéologique.

Et puis ? et bien l’Égypte se trouve géographiquement, et politiquement, entre la Syrie et l'Algérie. Soit une guerre civile qui s'envenime, au point de mener à une autodestruction peu convaincante, et c'est le modèle syrien. Possible, même si l'homogénéité ethnique n'est pas la même, ni la configuration géographique du pays. Soit une guerre civile, maîtrisée par l'armée, selon le modèle algérien de la décennie 1990, avec 100.000 morts à la clef, mais une manne pétrolière qui permet au régime de disposer de ressources pour financer son effort. Possible, mais sans garantie non plus.

Bref, des perspectives peu encourageantes. En 2011, ce n'était décidément pas un printemps.

Ref : billet d'il y a quinze jours : après le coup de force.

O. Kempf


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