Des fois (souvent) la musique c'est sans booker, sans agent manager et sans thunes, et ça amène à partir un peu les yeux fermés dans ce qui pourrait vite tourner en deux semaines de galères incommensurables avec pour seule volonté, un peu aveugle, de diffuser sa musique et espérer faire danser des gens. D'autres fois, on a de la chance et l'aventure en vaut la peine.
C'est comme ça que mi-février, nous sommes partis à trois / trois one man bands : Régis Turner, bricoleur lo-fi et shaman casseur d'instruments en tout genres ; Mirage (depuis renommé Accou), adepte de la robotisation du monde, fabricant de boucles synthétiques transcendantales sur machines en midi ; et moi Bagarre, tyran de guitare 52 sur boites à rythmes tapageuses ; tous trois membres du label universel omniscient multigenre Indian Redhead / partis donc, avec tous nos instruments dans le coffre et sur nos genoux, tétrissement installés dans la Fiat Panda de Régis, avec dans notre agenda, quelques six ou sept dates éparpillées sur les quinze prochains jours de notre vie.
SEMAINE UN
La première date étant à Angoulême et moi à Clermont-Ferrand, je dois rejoindre les autres et ça à moindre frais. Du coup covoiturage sur le site de l'arnaque Blablacar, pas d'autres moyens, c'est le seul où je trouve mon trajet et c'est toujours mieux que le train qui met bien huit heures avec mille changements sur le no-mans-land qui sépare les deux villes. Sac à dos, valise, et guitare à la main, j'ai tout mon "groupe" avec moi, et me voilà parti à bord d'une Clio dernier cri au son d'un métal prog' de toute beauté. Ce que c'est bon le covoiturage ! Arrivé à bon port, après un kebab à 4 euro frites comprises pour Hugo (Régis Turner) et Accou (Mirage) et des frites pour moi (2 euro les frites seules, l'arnaque ! ou alors c'est le kebab qui est vraiment pas cher…), on se regarde quelques épisodes de Pour être Libre pour se sentir d'attaque au premier concert, le lendemain, avec l'âme de vrais boys band.
Au réveil, on apprend que de nouvelles dates se confirment sur notre route en regardant nos emails, bonnes nouvelles de matinée / début d'aprem. On essaye de s'organiser assez vite, étant déjà à la bourre, pour aller imprimer à l'école des Beaux-Arts des petits fanzines à vendre sur le stand merch (que l'on ne tiendra finalement presque jamais sérieusement), ainsi que les superbes affiches de la tournée faites par Lise (qui a oublié de mentionner la suisse dessus, blasphème !). En espérant pouvoir combler une partie de nos soucis d'argent qui pourront nous attendre ces prochains jours.
À Bordeaux le lendemain, on a deux concerts de prévus. Un chez le disquaire Total Heaven (alors qu'on n'a pas de disque à vendre) et l'autre dans le local de répèt' du collectif-label des Potagers Natures, le Növo Local où de nombreux supers concerts sont organisés. Encore une fois, on arrive hyper juste niveau timing bien que l'on soit parti "large" et avec du Salut c'est cool qui boost à fond sur notre autoradio constitué d'un mp3 sortant sur un mini ampli MicroCube de Roland.
Arrivés chez le disquaire, on ne sait pas qui de nous trois va jouer, finalement, Regis et moi nous y collons. Vu qu'on n'a ni ampli digne de ce nom, ni sono avec nous, il faut s'adapter chaque fois à ce que l'on nous propose sur place, et vu notre manque flagrant de compréhension technique du matos, l'adaptation est laborieuse. Cumulé au retard, on ne prend pas le temps de régler l'ampli que notre hôte Daevid (qui tient le label Los Emes Del Oso) nous amène, et on ne remarque pas que la disto est activée. C'est noise, approximatif, le chaos ! Heureusement, il n'y a pas grand monde et malgré tout, on en reverra certains le soir même.
Au Növo Local, cette fois, on a le temps de faire des balances, le son est enfin audible mais les gens peinent à venir. Devant une quinzaine de personnes, Oso El Roto (Daevid) qui nous a organisé la date, joue en premier, une sorte de folk chilienne acoustique folle et bizarre, assez étonnante et prenante. C'est le pic de la soirée. Après ça Régis Turner joue devant dix personnes, moi six ou sept, et enfin Mirage quatre… final en beauté avec la musique la plus assommante que j'ai à ce jour jamais entendue, mais en bien. Une sorte de drone électro lourde, forte et physique qui a rendu les quelques personnes présentes amorphes et inertes. Le lieu était cool, les concerts prenants, l’accueil super, dommage pour le public. Décidément, dur départ. Dans la salle, un des gars du public nous annonce par hasard que l'on joue deux jours plus tard à Toulouse aux Pavillons Sauvages ! Super !
Après une assiette de riz pas assez cuit, nous repartons pour Toulouse donc, où là aussi nous attendent deux dates. Mais cette fois-ci sur deux jours, la première en appart chez un pote à Hugo (Regis) organisée rapidement, et l'autre aux Pavillons Sauvages donc, annoncée la veille. Cette fois, on arrive un peu en avance et on a le temps de regarder si d'autres confirmations ne seraient pas arrivées sur nos messageries, on pousse les meubles, on chill un peu. On est en février, il fait super beau, c'est le sud !
Ce soir-là, on joue avec Pierre Elahee, notre hôte de ce soir, et avec le groupe de coldwave Trout, aussi du coin. Encore une fois, le système son est bien cheap avec seulement deux mini amplis tout juste suffisants pour un appart. L'ambiance est plus à la fête qu'aux concerts et les gens sont assez dissipés, comme souvent dans ce genre de config', mais du coup après un set assez "ambiant" de Mirage qui ne commence qu'à 22h, et une prestation moyennement suivie de Hugo, les Trout jouent à ma place de peur d'être trop saouls par la suite, et, entourés de leurs potes, lancent la fête. Une fois le travail mâché, face à des gens bien imbibés, mon micro à un mètre du sol accroché sur un balais, et un stroboscope hypnotique, il n'y a plus qu'à les faire danser. La danse continuant sur une boom techno improvisée, il est dur de couper pour écouter le concert de Pierre et ses chansons aux supers paroles qui parlent de copains et de hamburgers (on le retrouve dans deux de nos mixtapes virtuelles mensuelles ici et là). Une sacrée fête qu'on termine tous les trois au Shangaï, une vieille boite de nuit horrible de Toulouse, qu'aucun de ceux qu'on croise sur la route cette nuit ne nous conseille.
Le lendemain, on prend le temps de se lever, sachant que l'on joue dans la même ville ce soir. Ça nous laisse le temps d'aller faire un peu de comm' sur internet pour les nouvelles dates de confirmées et espérer avoir un peu de monde devant nous pour ces prochains concerts. Mais aussi ça nous permet de changer notre matos qui se casse au fur et à mesure des jours. Nous partons donc faire les magasins pour acheter de quoi faire ça, mais ça coûte trop cher, du coup là encore c'est la démerde et on sort les tournevis et le fer à souder pour réparer tout ça pendant que Mirage répète.
Les Pavillons Sauvages, c'est un squat à Toulouse dans une ancienne caserne, avec des supers jardins rasés par la mairie. Ça fait un petit moment que ça existe et il y a déjà eu des centaines de concerts dans ce lieu avec des supers affiches comme The Ex et tant d'autres. L'endroit est super, les mobiliers sont ceux de l'ancienne caserne, il y a un bar et la salle, et des habitations autour. Les gens sont hyper accueillants et on s'y sent à l'aise. Ce soir là, on joue avec un gars qui habite là bas, Guillem All, qui boucle des sons de vieux vinyles, joue du clavier et chante par dessus, il se plante toutes les trente secondes, c'est assez court et marrant. A ce moment du tour, on commence à trouver l'ordre de passage qui marche le mieux entre nous, c'est Regis qui joue en premier, puis moi plus fort et plus vite, et enfin Mirage qui fera des sets de plus en plus techno par la suite. Le public réagit bien à tous et Antoine (Mirage) fera même une impro avec un autre gars sur un vieux Farfisa qui traîne dans un coin de la salle.
Les retours des gens sont cool et certains veulent même nous faire jouer à d'autres endroits. On croise même une fille de Clermont-Ferrand, là d'où l'on vient, qui habite à l'Hôtel des Vils. Étant donné que l'on y joue en fin de tournée, elle anticipe en nous demandant quel sera notre cocktail préféré pour y faire la fête comme il se doit !
Pendant ce temps, un gars installe des éléments d'une batterie dans la salle du bar, puis pose par dessus des métronomes, certains sur les peaux, d'autre sur une planche en équilibre sur des canettes de bières, et d'autres encore au sol entre des bols tibétains en laiton. Tranquillement, seul... Il s'assoit, et d'un seul coup se met à hurler trois ou quatre fois d'affilée, tout le monde se tait, le regarde, puis il lance les métronomes. Certains battent le rythme dans le vide, d'autre tapent un ou deux des bols posés au sol, il prend une vielle et se met à en jouer. Ça durera une dizaine de minutes. Un son continu, hypnotique et beau, un ressenti vraiment physique. Lui aussi habite aux Pavillons, le nom de son projet est Vespre et il s'appelle Romain. On discute pas mal avec lui et il s'avère être un des gars du groupe la Race et un ancien de Headwar, deux groupes géniaux d'Amiens où il a habité un moment. Tous assez saouls, il nous parle de ses tournées en Amérique avec Headwar, nous des nôtres ici, il nous parle de ses acouphènes qui l'ont conduits à créer ce projet acoustique, de son frère noir qui "tape comme un noir" dans un de ses autres groupes,...etc...etc... Mon état fait que je ne me rappelle plus trop du reste de la soirée. Dodo.
Le jour d'après est un peu dur pour moi, je suis k-o dans la voiture pendant qu'on roule vers Montpellier sans trop savoir quelle route on doit prendre. En plus, il fait moins beau et le froid revient…, et oui, c'est encore l'hiver tout compte fait. On arrive super en retard au bar l'Up and Down, vers 20h alors qu'on a pris l'autoroute. L'endroit est pas mal, le bar en haut, une cave en bas, ça reste assez classique, on nous laisse nous installer tranquillement sans ingé son, ce qui des fois est assez agréable même sans trop s'y connaître. Personnellement, l'envie de trop bien faire des ingé son me stresse, pas vraiment l'esprit démerde auquel on est habitués. On nous paie à boire, pas à manger, on n'ose pas trop demander, tant pis, on fera sans. Regis commence à mettre des paroles sur sa musique, Accou perfectionne sa techno, moi une de mes boites à rythme me lâchent, je fais avec. Cette date n'est pas mémorable, juste une bonne date sans rien de bien fou, il en faut aussi. On finit tard encore une fois à parler devant des bières des groupes passés là, et de ceux qui n'y joueront pas, de la ville et de la passion du patron pour Hugo Chavez et sa politique discutable... On dormira chez un des gars du bar dans un appart un peu trash, ça arrive aussi souvent mais bon, c'est le jeu !
Avant de repartir sur Marseille, un soudain besoin de consumérisme nous envahit à la place d'aller voir la mer. On s'arrête au McDo, nous promenons dans un Babou, nous arrêtons dans un Cash Converters où Antoine s'achète un synthé en midi, puis enfin avant de sortir de la ville on croise un Emmaüs duquel on ressort avec un drap 2be3 et une valise pour ranger du matos. Ça y est, la voiture est bien pleine, on est encore en retard, on peut repartir sur le prochain concert, et celui-ci on s'en rappelle.
Déjà l'arrivée dans cette ville, l'autoroute qui s'engouffre entre les HLM, les voitures aux vitres cassées, une tension palpable sous un ciel gris. On se dirige vers le quartier de la Belle de Mai où l'on joue dans un festival de soutien à des mecs en taule. On n'en sait pas vraiment plus, c'est Mathieu de l'asso l'Improbable qui nous a trouvé le plan sachant qu'il y aurait pas mal de public. On le retrouve devant les locaux de tournage du feuilleton Plus Belle la Vie qui, apprend-on, est en fait tourné exclusivement ici en studio. Heureux de l'apprendre ! Il nous amène donc au squat où la soirée doit se dérouler, et là, c'est Mad Max !
Des voitures éventrées dans la rue, un portail immense en métal oxydé, des bidons en feux, des enfants poussiéreux qui courent sur la terre battue, des carcasses de véhicules rouillés, des bâtiments immenses et décrépis... Là encore c'est une ancienne caserne militaire mais de dix fois la taille des Pavillons. On visite tout l'endroit, il y a plusieurs bâtiments, des caves au grenier, tout est exploité pour cette soirée. L'endroit où on joue avec Hugo est justement le grenier de la caserne, une pièce immense de cent mètres par vingt et autant de plafond, sous les toits, avec un écho hallucinant. Cette pièce était d'ailleurs appelée la Kathédrale. On se sent un peu petit, seuls chacun au milieu de cet espace. C'est même un peu stressant pour le concert niveau son et occupation de l'espace. Pas de balance, l'organisation est un peu chaotique pour synchroniser l'ensemble. Il doit y avoir une dizaine de salles où se passent des choses, entre concerts, performances et théâtre. Mirage, lui, joue au rez de chaussée dans la salle où se trouve le bar, parfait pour jouer sa techno pendant que les gens peuvent boire des verres et danser.
Après Moondawn, un mec seul à la guitare folk, Regis joue. On voit que le début est un peu dur pour trouver ses marques devant un public épars au milieu de cette salle immense avec en fond derrière les gens des cracheurs de feu qui accentuent encore plus l'aspect post-apocalyptique. Mais finalement, il s'y fait et ça prend. Il n'y a pas de sono et on joue sur des amplis. Je choisi de mettre mes boites à rythmes sur un ampli basse et la guitare sur un de guitare. Avec la réverbération du lieu, le son est fou, l'accueil des gens est cool, ça prend super bien.
Au final malgré l'appréhension pré-concert, c'était une sacrée expérience de jouer dans un tel endroit. Après nos lives, on redescend en bas pour ne pas abandonner Mirage. Pendant qu'il joue, les gens dansent, parlent, peignent les murs, l'ambiance est top, seul le froid du Mistral glacial nous attaque.
En tout cas, tout ça est rassurant car on arrive à entrevoir qu'il y a sûrement quelque chose après l'apocalypse !
Ayant dormi dans les sleeping de l'Embobineuse, une très bonne salle de concert de Marseille, on passe la journée dans le quartier, n'ayant pas de concert ce jour-là. C'est dimanche et il n'y a pas grand chose à faire. On va voir notre pote Riton la Mort qui surveille une expo pas loin et qui nous montre les locaux de l'excellente maison d'édition Le Dernier Cri. Y sont entassées nombre de fanzines et affiches sérigraphiées, ainsi que des pochettes de disques et jaquettes de cassettes de toute beauté. Finalement on restera quand même pas mal de temps à l'intérieur de l'Embobineuse, moi à réparer mon problème de boite à rythme de Montpellier, et les autres à dormir et tester des nouveaux sons. Le soir c'est pizza cheap et quelques épisodes de Pour être Libre pour se relancer !
SEMAINE DEUX
Lundi, la deuxième partie du tour commence sous la fatigue de la coupure du jour off. Il est temps de repartir pour Pierre-Châtel, près de Grenoble, où l'on doit jouer chez un pote à Antoine. Cette fois, ce sera une maison comme une petite ferme dans la campagne couverte de neige de là-bas. Camille, le pote d'Antoine, nous accueille et nous fait visiter l'endroit. Ils sont une huitaine là-bas, certains dans la maison, d'autres dans des caravanes dans le jardin derrière. L'endroit est super, ils font plein de trucs d'eux-mêmes, de la sérigraphie, de la bière, des couteaux, des outils, leur propre essence à l'huile, ils ont des poules, ils veulent encore faire leur miel et leur fromage... L'autogestion ! L'ensemble est assez fascinant.
Mais là tout à coup, regardant la pleine lune se lever derrière les montagnes, de la fumée noire se met à voiler le spectacle en montant dans le ciel. Une des filles habitant là-bas s'avance regarder la lune de plus près et voit tout d'un coup une des caravanes se mettre à flamber ! Tout le monde se jette sur des seaux et se relaie pour amener l'eau jusqu'à réussir à éteindre le feu… sacrée histoire encore ! On aura vraiment tout vu sur ce tour. Résultat, une caravane toute noire, des fringues brûlées, des vinyles gondolés, l'état des lieux est moins pire que redouté. Après ça, l'ambiance est assez bonne au repas mais pas vraiment prompte aux concerts, que l'on fait quand même dans l'atelier. Certains sont crevés, d'autres pensent à l'incendie, cette date était pour dépanner et surtout pour passer leur rendre visite, c'est vrai qu'on aurait pu juste se voir sans jouer. Mais ce fut tout de même un moment marrant et totalement hors contexte pour un concert.
Ensuite, direction la Suisse pour notre deuxième jour sans date (et oui, pas aisé d'avoir des dates surprises tous les jours). Sur le chemin, on fait une halte par Annecy pour rendre visite aux copains d'AB Records à l'école des Beaux-Art de là-bas. On y boit un café à la bibliothèque, on discute et on repart avec plein de cds cadeau entre les mains ! On met un temps fou ensuite à arriver en Suisse jusqu'à Vevey chez ma copine Charlotte, où l'on va enfin pouvoir prendre une vraie douche dans une salle de bain chauffée, et se poser tranquillement à manger un Rösti, et goûter la bière artisanale offerte la veille par Camille. Là on commence à sentir la fatigue avec ces jours off qui cassent le rythme plus qu'ils nous reposent. Antoine et Hugo dormirons des heures avec des bouts de canapé sur eux en guise de couverture.
Et bien sûr encore une fois, on part au dernier moment pour aller jouer à la Chaux-de-Fonds, ville perchée dans les monts du Jura, avec des tas de neige de deux mètres sur les bords des routes en plein centre ville. Étant en retard, on prend l'autoroute sans vignette, nous reposant sur la merveilleuse idée d'Accou de mettre un papier de chocolat bleu sur le pare-brise pour en faire une fausse. Heureusement que l'on n'en aura pas eu besoin..
C'est donc le début de notre escale suisse où l'on doit jouer à la Chaux-de-Fonds, Lausanne et Fribourg. C'est un peu un nouveau départ avec ces trois derniers jours sans réels concerts. Mirage et Regis Turner en profitent pour changer leur configuration d'instruments. Antoine utilise son nouveau synthé acheté à Montpellier et Hugo utilisera ma guitare pour changer de sa mandoline.
La salle de ce soir-là est un bar africain appelé Le Centraf'. Étrange contraste de passer du froid et de la neige du dehors à l'ambiance chaude et colorée de ce bar exotique. Bab, de l'asso Burning Sound Records arrive, on met en place le matos, on teste le son sur les énormes caissons d'enceinte de la sono du lieu qui doit héberger de sacrées grosses soirées dancehall, le son y est bien présent, bien fort ! Le temps de manger un truc puis on se met à boire des cocktails de bière au gingembre qui tournent la tête, en attendant le public. Il n'y aura pas beaucoup de monde ce soir-là. On essaye à nouveau de faire jouer Mirage en premier. Il se place derrière la cabine de mix, surélevé au-dessus de la piste, mais, encore une fois, avec sa techno encore plus prononcée, le début est un peu difficile, surtout au volume auquel il joue. C'est d'ailleurs ce soir-là qu'il se défoncera les oreilles avec des énormes acouphènes pour tout le reste de la tournée. Régis et moi jouons au sol chacun de notre côté, ce qui nous permettra de finir pour la seule fois en impro tous les trois après qu'Accou pose ses beats sur ma guitare et que Hugo nous rejoigne avec sa guitare/basse bidon. Un sacré carnage, pauvres tympans, mais ça aura été un super moment. Et les organisateurs Dany, Bab et autres auront vraiment été géniaux ! Ils nous ont même laissé leur appart pendant que eux partaient à 3h du mat' sur Bruxelles pour commencer leur tour ! Joli ! Encore plus à l'arrache que nous !
Direction Lausanne ensuite où l'on passe vite fait visiter l'Ecal, froide école d'art de là-bas, où j'ai fini mes études. Très peu accueillante envers les visages non familiers, du coup nous partons vite en ville pratiquer notre passe temps favoris qui est de faire les magasins de seconde main. Puis nous faire un kebab spécial avec frites qui serait apparemment "à la française" d'après le chef.
Ce soir on joue au squat Turbo Mongol, une super maison peinte de fond en comble, apparemment ancien salon de coiffure d'après l'enseigne encore en place. L'endroit est vraiment cool, les gens sont sympas, on mange puis on s'installe. Antoine est achevé avec ses acouphènes, il ne peut rien faire et dort un moment. Les gens arrivent, pratiquement que des gens que je connais de l'école. Chose un peu flippante et étrange dans cet endroit dans lequel peu viennent en temps normal. C'est quand même agréable de voir que les gens sont là pour supporter. Et si ça peut les faire revenir par la suite..!
En tout cas, ce sera un des meilleurs concerts de la tournée. Regis Turner, dont j'avais parlé à pas mal de gens déjà, commence en faisant je pense son meilleur live du tour, la salle est pleine et tout le monde rentre dans la musique bricolée d'Hugo, acclamation ! Ensuite vient mon tour, pas mon meilleur concert mais étant donné que beaucoup dans le public étaient des potes, ça passait nickel. Enfin Mirage plus ou moins remis sur pieds a fait un live de deux heures non stop de grosse techno parfaite pour faire la fête, et ça a marché royalement ! Vraiment une des meilleurs dates du tour. Apparemment Hugo aura fini complètement saoul et je n'ai pas idée de ce qu'il s'est passé ensuite pour Antoine…
C'est aussi la première fois que l'on nous file un défraiement de trajet dans un gobelet, rempli exclusivement de pièces.
Le lendemain à Fribourg était un peu plus mitigé, quant à la salle en tout cas.
Après une bonne heure à se perdre dans cette étrange Fribourg faite de collines et vallées séparant la ville en plusieurs morceaux, nous finissons par arriver devant le Le Mouton Noir. Cette salle est en temps normal un club de musique electro qui ne fait pas de concert mais qui ce soir accueillait la soirée de soutien du fanzine Torchon dans laquelle on jouait, et le patron en semblait assez stressé. C'est cette très chère Anne-Valérie du webzine ci-présent qui nous a aidés à trouver la date. Elle et Joe la Noïze y jouaient d'ailleurs aussi avec leur groupe les Schtroumpfs. Après un rapide tour du lieu, on attend de pouvoir faire les balances avec le patron. Il tient à faire attention à son matos et n'est pas très motivé à nous laisser faire. Au bout d'une heure, ça devient un peu pesant de devoir l'attendre pour brancher nos deux ou trois bricoles dans sa table de mix qui passe à travers une dizaine de machines bouffant le son et le vomissant au volume d'un cd de Cat Power sur une mini-chaîne de salon. Finalement il vient et les Schtroumpf font leur soundcheck. Tout le monde semble perplexe quant au niveau sonore. Mauvais pressentiment... On part manger vite fait chez Albertine, une pote à Anne-Valérie chez qui on dort et qui habite à côté. L’accueil y est bien meilleur mais malheureusement on doit déjà repartir moi et Hugo pour faire nos balances. Les miennes sont tout aussi étranges, et Regis qui commence fait ce qu'il peut sur un volume très très raisonnable. Les gens apparemment peu habitués à ce type de musique semblent perplexes, ou intrigués. Timing précis oblige, le public vient de sortir mais c'est déjà mon tour... hum... ok, je vais donc jouer devant trois personnes. Je commence et notre cher ingé son / patron de bar se décide à refaire les balances. Il coupe les basses, coupe les aigus, rajoute les basses, les médiums, baisse le volume... J'arrête le morceau en plein milieu, je lui dis que c'est bon en espérant son départ pour pouvoir faire ça moi-même. Loupé, il reste et fait de même sur les autres. On entend même mes cordes à vide. Je remonte le son de mon côté mais rien n'y fait, il tient bien sa défense et rebaisse à son tour sur sa table. Au troisième ou quatrième morceau, devant les six ou sept personnes ayant supporté de rester pendant cette étrange performance, Bagarre est battu, mieux vaut tout arrêter. Au moins, ça fera plus de temps dans la soirée pour les autres. Dommage que ça tombe sur cette date…
Les Schtroumpf eux, ont semble-t-il réussi à monter le son et envoient leur noise métal pipi caca électronique criarde, maquillés de bleu de la tête aux pieds, des espèces de schtroumpf vraiment sous substances étranges. Mirage et les dj sets qui suivent arrivent enfin à un bon volume. À part ce souci, la soirée était vraiment pas mal et je me suis rattrapé sur les boissons offertes avec grand plaisir. Des gens se rasaient la tête, pendant que les autres dansaient. On a fini la soirée entre de la techno d'Accou, des vidéos de Cauet à la radio chez Albertine et le dernier clip de Lorie salement érotique, qui semble vraiment en mauvaise voie.
Après un petit déj' et une vidéo des Backstreet Boy, nous voilà repartis pour la France, une amende de stationnement sur le pare-brise... raaa, ce sera pour la vignette tiens. La poste est fermée, on file l'argent à Albertine qu'on recroise dans la rue. (En espérant qu'elle l'ait payée depuis !)
Dernier jour off, mais il faut qu'on se rapproche un peu de Clermont-Ferrand pour le lendemain. Nous décidons donc d'aller sur Lyon voir des concerts (en plus c'est des copains qui jouent) pour rester dans le rythme et profiter du sleeping du regretté Grrrnd Zero, squat immense du septième arrondissement de Lyon, qui a vu passer les meilleurs des meilleurs groupes des huit dernières années. C'est en plus la première fois que l'on y met les pieds, mais aussi la dernière suite à sa fermeture le mois dernier... Après huit heures de route (les distances se rallongent avec l'avancée d'une tournée ?!?) on arrive crevés devant les immenses entrepôts du 40, rue du pré Gaudry. Il commence à faire nuit. On retrouve les Deux Boules Vanille avec qui j'ai fait une tournée en décembre, Dean du projet solo House of John Player qui nous invite à dormir là. Dans la salle se trouve aussi une pote de classe d'il y a deux-trois ans et qui m'annonce jouer ce soir dans un groupe avec Dean ! Grosse surprise ! Puis aussi Jean-François de Pied Gauche, et encore Luca Ventre de Biche de Strasbourg qui joue dans La Course à La Mort, et qui tient aussi le label Maison de Retraite. Que du beau monde dans ce merveilleux endroit !! Trop pour finir sobre en tout cas... Antoine ne verra pas grand chose, trop abattu par son acouphène, et Regis et moi oublierons une bonne partie de la soirée malgré des concerts géniaux de Stignoise et des 2 Boules Vanille. Mal de tête au réveil en début d'aprem, nous voilà repartis après un gros ménage dans la Panda qui aura subi notre état d'ébriété avec un rétro cassé et un bordel infernal à l'intérieur.
Dernier jour, dimanche 3 mars. Le trajet n'est pas énorme jusqu'à Clermont-Ferrand. Nous sommes tout de même exténués. Contents mais aussi un peu triste de finir. Départ vers 15h, arrivée vers 18h, on prend le temps de laver la voiture dans une machine à rouleaux automatiques avec mousses tricolores pour faire plaisir à Accou. Le concert se passe à l'Hôtel des Vils (ville des squats à jeux de mots, avec l'autre squat à concerts de Clermont : le Raymond Bar), on retrouve les copains : Sophie, Hélène, Thomas, Claire, Théo... Théo joue seul des machines dans Panchos Orchestra, nom occasionnel imposé par Mirage pour ce soir, et Claire et Hélène jouent dans les Shugs, un duo avec des jouets bandés, des chants faux, et des claviers. Sophie qui nous a organisé la date nous fait comme d'habitude la meilleure bouffe de concert au monde, les bières sont artisanales, que du plaisir. Cette soirée est chez nous, plein de copains arrivent, elle est top, ça restera intime et on s'y sera beaucoup amusé ! Après ça, deux bons jours de repos et tout ira bien.
Finalement, seuls trois jours sans date, des concerts supers, d'autres mauvais, assez d'argent pour faire la route sans même vendre nos fanzines oubliés et froissés sous nos bagages au fond du coffre, des endroit géniaux et presque tous aussi fous les uns que les autres, pleins de copains... On se sera au final pas trop mal démerdés !
Alors bookez-nous pour le futur pour de nouvelles aventures !!!
Affiche par Lise Trinquand, Photos par Arthur Raby.
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Arthur, répugnateur de thé et membre unique du one boyz band Bagarre. Designer avorté retranché dans les méandres de la musique tapageuse, partisan du pseudo-label Indian Redhead et force éminente rationalisante de ce gang de chien fous.