Les nouveaux médias ont transformé la lecture à l’écran. Ils nous imposent une opération de préparation, d’avant-lecture, où le lecteur est seul maître.
Les marketeurs, communicants et experts en éditorial digital le savent (parce qu’ils ont les compétences, l’expérience et les outils pour l’éprouver dans leur pratique quotidienne): le lecteur est roi.
C’est lui qui choisit quoi lire, quand lire, et… comment lire. Le « comment lire » impliquant à la fois le dispositif (le support: tablette, ordinateur, papier imprimé, …) mais aussi l’organisation de l’activité de lecture elle-même. Explications.
L’écran d’ordinateur avait déjà imposé un écart entre le texte/médium, interdisant au lecteur d’entrer directement en contact avec la matière (lire: le texte et non le support, en fait). C’est un sujet souvent débattu sur ce blog, dont nous examinons régulièrement les aspects formels et rédactionnels.
Le Web a fait mieux pire: la multiplicité, la variété des médias (sans parler des dispositifs) oblige définitivement le lecteur (désormais appelé utilisateur, du reste) à préparer sa lecture, comme une sorte de premier degré d’exécution de l’appréhension de l’information. Sans quoi la lecture proprement dite ne se fera pas.
N’avez-vous pas, vous-même, lu d’abord le titre, observé l’image, puis parcouru le chapeau (l’introduction, si vous préféré) voire même scruté les alentours de l’interface qui abrite cet article (pour les primo-arrivants surtout) avant que de lire ces lignes.
L’avant-lecture, ou la mise en place par le lecteur
N’avez-vous pas surfé, scanné, balayé l’écran avant que de décider de prendre quelques minutes (cela se compte, aujourd’hui: il existe même des petites machines pour calculer et vous indiquer le temps de lecture des textes en ligne) et de lire cet article?
Cette opération initiale est connue des rédacteurs Web, donc, qui la nomment balayage. Je préfère le terme pré ou avant lecture. Car, dans cette 1ère opération, le lecteur est déjà actif: il produit, véritablement un texte à lire. Il agrège et organise les étapes, la progression, la quantité de la matière à appréhender.
Les auteurs ne sont-ils donc que des esclaves?
« Il est l’OR, MonseignOR… Il est l’OR… » de lire mon histoire, voudrais-je paraphraser. Si le lecteur est souverain, s’il décide comment organiser la lecture à l’écran – d’ailleurs, lisez-vous encore cet article? -, c’est dire le peu de place que l’auteur tient dans cette histoire.
Du reste, Barthes ne disait-il pas le siècle dernier: « L’auteur n’est jamais rien de plus que celui qui écrit, tout comme je ne suis autre que celui qui dit je : le langage connaît un ’’sujet’’, non une ’’personne’’, et ce sujet, vide en dehors de l’énonciation même qui le définit, suffit à faire ’’tenir’’ le langage, c’est-à-dire à l’épuiser » (in Les bruissements de la langue).
Autrement dit, ce n’est pas l’auteur, mais le lecteur qui donne vie au texte et lui procure une dimension conversationnelle (avec soi ou l’autre): un sujet de réflexion, un prétexte au partage, …
Mais on le sait: dans le couple Maître et Esclave, on se demande souvent qui pilote l’autre, et les rôles et le pouvoir alternent sans cesse.
Le marketing au secours des auteurs?
Dès lors que le Web permet une réelle interactivité avec le consommateur, les marques et leurs équipes de marketing optimisent les échanges constamment avec les lecteurs, et programment des interactions à toutes les étapes de leur engagement.
Autrement dit, l’auteur n’incarne peut-être il pas son texte, mais il peut influencer le lecteur dans ses opérations et le guider dans ses interactions. C’est même un devoir pour peu qu’il agisse comme prestataire, producteur de contenu pour ces équipes de marketing. Que dis-je: c’est un métier.
Et vous, auteurs, et vous lecteurs, exprimez-vous: montrez à votre humble serviteur que vous êtes bien vivants! Une belle et bonne journée?
L’auteur n’est jamais rien de plus que celui qui écrit, tout comme je ne suis autre que celui qui dit je
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A propos de Muriel Vandermeulen
Directrice de l'agence We Are The Words, Muriel prône un Web utile, attrayant et durable grâce notamment à une meilleure gouvernance éditoriale. Aujourd'hui, ses compétences sont largement reconnues auprès des groupes de presse (Le Monde, L'Avenir.net, ... ), de grands comptes (Fnac, CDC, Unilever, Toyota), ou encore de hautes écoles et ministères belges et français. Muriel intervient aussi régulièrement dans des colloques et manifestations dédiées à la stratégie de contenu Web.
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