Les droits de l’homme sont un incontournable slogan de la politique internationale. C’est en leur nom que les pays occidentaux condamnent la répression chinoise dans les régions du Tibet, ou que l’opposition démocrate blâme l’usage de la torture par l’armée américaine. Car ils sont désormais l’idéal des sociétés occidentales.
Or, de quel droit précisément imposer les droits de l’homme aux autres nations ? N’est-ce pas de l’ethnocentrisme ? Comme si une civilisation, la nôtre, voulait faire passer son idéal pour le seul possible et légitime. Les droits de l’homme seraient alors porteurs d’un impérialisme culturel et politique suspect. Est-ce le cas ?
On peut remarquer que ces valeurs humanistes ont l’admirable propriété de se retourner aussitôt contre celui qui les brandit. Toute nation reprochant aux autres de léser la liberté d’expression ou de conscience s’expose aux mêmes accusations. C’est ainsi que parmi les patries historiques des droits de l’homme, la France et l’Amérique se voient critiquer au nom même de leur idéal.
En ce sens, cet idéal d’humanité est supérieur aux pays qui le proclament, puisqu’il s’impose à eux et se détache pour ainsi dire de son lieu de naissance. De là une sorte d’impartialité anonyme. Encore faut-il remarquer que ce sont les pays occidentaux qui sont aussi ceux qui l’ont le plus interrogé. Or un tel doute est significatif : le fait que nous puissions mettre en question la valeur de notre propre idéal révèle que nous n’en sommes pas prisonniers.
Ce simple questionnement montre, comme disait Leo Strauss, que l’homme occidental n’est pas asservi à son idéal mais qu’il peut et doit juger sa société aussi bien que les autres sociétés.