Il faut dire que ses passages dans les maisons les plus prestigieuses comme le Crillon ont précédé sa propre installation, dans un endroit au nom qui est à lui seul une promesse, Thoumieux, au 79, rue Saint-Dominique, dans le 7ème arrondissement.
La façade extérieure est stricte, peu engageante. Mais les dorures de l'intérieur font contraste. Depuis que j'avais chroniqué son Art de manger j'avais très envie de mettre un pied dans son restaurant gastronomique, situé au premier étage.
Chaque table reçoit d'emblée un plateau avec un pain tout chaud, à peine sorti du four, du beurre demi sel, un pot de sel de mer (comme si ...) et un dip de sardines servi dans sa boite dont le serveur donne la recette spontanément : sardines écrasées avec de la Vache qui rit. Ouh là ... quand on connait la composition de cet ingrédient, à partir de pâtes pressées, (type emmental, comté, gouda) auxquellles est ajouté du lait écrémé, du beurre, des protéines de lait, et des sels de fonte à savoir polyphosphates, citrates, diphosphates et phosphates de sodium, on se demande quelle histoire ce plat là est censé nous raconter. Quelque chose qui tient probablement de l'enfance et de la régression ... Alors on se régale sans sourciller davantage. On prend le temps de choisir sans subir de pression.
Les tomates étaient bonnes mais sans révéler des goûts inconnus. Sans doute ai-je la chance d'avoir un bon maraîcher ... L'intitulé promettait un vieux vinaigre et du basilic. J'ai vu les petites feuilles de ce condiment.
Les couteaux ont une ligne épurée. Ils sont siglés et ont été dessinés spécialement pour Thoumieux par Robert David, coutelier à Thiers depuis 1919. Mais la viande est si tendre qu'on pourrait la sectionner à la fourchette.
Voici venu le temps du dessert. On nous débarrasse les assiettes et les couverts. Rien d'autre. Je veux pas faire ma chocotte mais on nous laisse les monticules de miettes de pain. Pouah ! Déjà que je devais faire gaffe de pas maculer les coudes de mon chemisier avec le beurre fondu qui avait coulé de la tartine (chaude) depuis le début du déjeuner ... S'il y avait foule et si nous étions dans un bistrot je comprendrais mais ici ... chez quelqu'un pour qui la mise en scène des repas est essentielle c'est incompréhensible.
Ils ont été servis avec de la sauce chocolat (dont elle ne voulut point), de la glace vanille (délicieuse). Peut-être aurait-elle apprécié le sucre peta zeta qui pétille en bouche et qui est annoncé ... en théorie, mais qui fut absent aujourd'hui ...
Pas de déception en conclusion, avec une addition d'environ 140 € pour 3 personnes, en ayant consommé juste de l'eau en carafe mais pas un souvenir mémorable non plus. Si on ne savait pas qu'on se trouvait chez le grand jury de Top chef, celui qui vise constamment l'excellence, on n'aurait pas deviné. Parce qu'il n'y avait rien de véritablement exceptionnel.
L'homme qui répète qu'un plat doit raconter une histoire ... et qui collectionne les compliments tiendra-t-il longtemps sans remise en cause ? Nous étions une petite quinzaine ce midi là. Est-ce un début de réponse ?
Même mes enfants, qui sont moins exigeants que moi, ont été surpris de l'absence de geste dit commercial pour faire oublier les 40 minutes d'attente de la barbue. Ils s'imaginaient naïvement que le café serait offert. La serveuse avait sans nul doute déjà oublié (aussi) sa bévue.
Coté décor, joli marbre, dorures en surcharge mais on le savait. La brasserie est telle qu'elle apparait sur les photos. Thoumieux est toujours difficile à lire. Cela devient un jeu pour tromper l'attente. Comme de chercher à voir le trèfle, le haricot ou autre chose dans le logo. Beaucoup de miroirs, des glaces comme à Versailles, un service discret, pas trop appuyé, c'est le moins qu'on puisse dire, du pain toujours renouvelé et bon, de l'eau en carafe qui est tout à fait correcte.
Bon point aussi pour les toilettes avec le gel lavant Aesop à l'écorce de mandarine, au romarin, et au cèdre. Avec sa crème assortie. Un vrai soin pour les mains des convives. C'est rarissime et l'apanage des palaces. C'est le sens du détail de JFP. Il faut dire qu'on fait toilettes communes avec le restaurant à propos duquel je me demande (toujours) si la promesse d'y dîner de façon fabuleuse est un mythe ou une réalité. L'expérience de ce midi ne m'encourage pas à tenter celle de la règle du jeu.