Finance internationale: Pas de place pour Jean-Martin Aussant au Québec

Publié le 14 août 2013 par Fabien Major @fabienmajor

Nos grandes banques et caisses de retraite ont-elles intentionnellement levé le nez sur la candidature de Jean-Martin Aussant en raison de ses convictions politiques? C’est possible. Il peut bien y avoir un peu d’étroitesse d’esprit, mais davantage d’étroitesse de postes compatibles à ses compétences. Ne nous le cachons pas, la finance d’envergure mondiale est quasi-absente chez nous. À mes yeux Aussant est surqualifié pour les institutions québécoises.

Le charismatique politicien Jean-Martin Aussant quitte non seulement Option Nationale et la vie politique, mais également la province qu’il a tant chérie. Lui qui réclamait ardemment un pays, il prend la direction de Londres. On ne peut pas lui en vouloir. Dans son champ de spécialisation, il n’existe probablement aucun emploi de ce calibre chez nous.

Hier après-midi, dans un bref échange sur Twitter, il m’a expliqué qu’il a accepté le poste de directeur exécutif au sein du groupe EMAI (Europe, Moyen-Orient, Asie et Inde) pour le groupe mondial Morgan Stanley. Il retourne finalement dans la même entreprise qui l’employait au milieu des années 2000. Et Londres, il connaît bien. Il y a passé les années 1991 et 1992 au Aston Business School. Il a aussi été consultant pour Barra de 1997 à 1999 puis il a été VP chez Morgan Stanley de 2003 à 2005. Le créneau d’Aussant est le centre nerveux des grandes banques d’affaires et des fonds de couverture. Jean-Martin Aussant a développé très tôt une expertise en finance quantitative. De 1999 à 2003, Il oeuvrait auprès d’Addenda capital comme directeur de la recherche quantitative.

Pour votre information, la finance quantitative c’est l’équivalent des Jeux olympiques pour les athlètes de la finance. Pour espérer s’y faire une place, les professionnels doivent avoir une solide formation scientifique avec triple compétence en mathématique, informatique et ingénierie. Les gestionnaires de finance quantitative créent des algorithmes et modèles mathématiques qui intègrent des milliers de données sur les marchés. Ceux-ci visent à exploiter les failles et écarts de prix.

Financiers et politiciens

J’ai parcouru les biographies de nos députés de l’Assemblée nationale. Les avocats sont encore bien représentés. On trouve de nombreux politiciens ayant eu une carrière dans l’enseignement ou dans les affaires sociales. Quelques-uns proviennent du monde des médias et d’autres avaient des postes administratifs.

Hier sur les médias sociaux j’ai lancé un appel général pour connaître les noms de politiciens actifs ou retraités qui ont connu une carrière en finance et en économie. Je cherchais à savoir si d’autres avaient le calibre professionnel de Jean-Martin Aussant. Bien sûr, il y a de nombreux enseignants ou chargés de cours comme les Bernard Landry, Jacques Parizeau, Alain Therrien et même Nicolas Marceau.

L’histoire nous a donné plusieurs exemples comme, Daniel Paillé, François Legault et Christian Dubé qui ont des formations de comptabilité et de gestion jumelées à une solide expérience en entreprise. Pour ce qui est d’une carrière dans les valeurs mobilières ou bancaires, il y en a très peu.

Le député de Drummond-Bois-Francs, Sébastien Schneeberger a une formation de gestion agricole, mais gagnait sa vie comme conseiller pour London Life et encore récemment, pour le Mouvement Desjardins. Raymond Bachand a été président du Fonds de solidarité de la FTQ. Raymond Garneau fut cadre à la Laurentienne, à la Banque d’épargne puis PDG de l’Industrielle Alliance. Clément Gignac, l’ancien stratège en chef de la Banque Nationale a été ministre sous le gouvernement Charest et il a accepté en 2013 le poste d’économiste en chef pour l’Industrielle-Alliance.

Exception faite des fonds de syndicats, on ne peut pas dire que les souverainistes et le monde financier font bon ménage. C’est plutôt le contraire. Le monde des affaires, du droit et de la finance sont étroitement liés aux libéraux et aux caquistes.

Fuite des cerveaux

A voir le curriculum de Jean-Martin Aussant, il est très difficile de croire qu’il n’y avait pas d’emploi pour lui à la BMO, chez RBC, chez Standard Life, à la Banque Nationale ou au Mouvement Desjardins. Aussant n’avait pas la langue dans sa poche et défendait ses positions politiques farouchement. L’industrie de la finance n’aime pas beaucoup la controverse. Malgré son parcours professionnel exemplaire, je crois qu’ils se sont abstenus de lui offrir quelconque poste à sa hauteur de peur de froisser les «gros clients» à la couenne sensible.

Il y a une part de malaise dans le fait qu’Aussant n’ait pas reçu d’offre de nos institutions. Cessons de jouer à l’autruche, la haute finance de calibre mondiale occupe un espace réduit au Québec. On en trouve un peu à Toronto. Mais la «game» se joue à Wall Street et dans la City à Londres.

En affaires c’est la même chose. Des grosses pointures de la gestion se sentent bien trop à l’étroit chez nous et, ce n’est pas d’hier. Pensons à Louis Chênevert qui dirige United Technologies, Patrick Pichette, directeur financier de Google et maintenant Stephane Gonthier (Dollarama) qui dirigera 99centsOnly en Californie. Le Québec et même le Canada sont trop petits pour les gestionnaires d’exception. Dommage.

Aussant à la Caisse de dépôt?

Mais, pourquoi madame Pauline Marois n’a pas utilisé son veto pour lui dérouler le tapis rouge à la Caisse de dépôt et placement? Après tout, Aussant a toutes les qualités requises pour s’y retrouver. Dans son prestigieux CV, on observe que de 2005 à 2007, il a même été gestionnaire de portefeuille principal chez Investissements PSP. Oui, l’entité qui gère les fonds de pension des fonctionnaires fédéraux «canadiens». En quittant le parti québécois et en déclenchant les hostilités publiquement envers son ancienne équipe, Aussant a commis un crime de lèse-majesté. Visiblement madame Marois a oublié l’adage qui dit» «Garde tes amis près de toi, mais garde tes ennemis encore plus près.»

Selon vous, a-t-il bien fait d’accepter l’offre de MSCI? Où l’auriez-vous vu?