Quelqu’un disait un jour que si les opérations de reboisement étaient vraiment efficaces, le Burkina serait aujourd’hui une forêt. En effet, depuis les indépendances, des millions d’arbres sont plantés. Cette année, des millions d’arbres vont encore être plantés dans tous les coins et recoins du Burkina, mais hélas, combien d’arbres vont subsister ? La réalité sur le terrain est que, malgré des dizaines d’années de reboisement, le désert avance et la forêt continue de perdre du terrain. Ainsi, environ 105 000 ha de forêts disparaissent chaque année (chiffres du ministère de l’Environnement et de l’Eau en 2002). De 1980 à 2000, la superficie des formations forestières du Burkina Faso est passée de 15,42 millions d’hectares à 11,29 millions d’hectares (FAO, 2000).
Alors, il ya nécessité de se poser des questions sur la façon dont les campagnes de reforestation sont menées au Burkina depuis des décennies. Il est vrai que le discours quelque peu novateur du ministre en charge de l’environnement, Salif Ouédraogo, présageait d’une nouvelle approche, mais sur le terrain, les vieilles habitudes reprennent rapidement le dessus. Comme d’habitude, certaines personnalités profitent de cette période pour faire leur publicité sans se soucier réellement de la nature. Il y a aussi toutes ces associations en léthargie durant toute l’année qui ne se réveillent brusquement que durant ces périodes pour aller planter quelques arbres et replonger dans leur sommeil. A l’occasion de ces camps de reboisement, de grandes cérémonies sont souvent organisées, des véhicules et des cars sont convoyés dans les villages, polluant même davantage la nature.
A y voir de près, il y a lieu de se poser certaines questions. Au-delà des théories, des slogans et des concepts, travaillons-nous vraiment pour la protection de l’environnement ? Planter un arbre est-il devenu simplement une question de mode ou une volonté réelle de sauver la forêt ? Pensons-nous sérieusement aux générations futures où plantons-nous simplement des plants pour les caméras et les objectifs des photographes ? Autant de questions qui prouvent qu’il va falloir changer de méthodes. Pourquoi ne pas promouvoir davantage la pratique de la Régénération naturelle assistée (RNA). La RNA est une approche agro-forestière dont le but est de provoquer ou de stimuler la régénération naturelle d’espèces ligneuses à buts multiples et / ou leur développement et leur intégration dans l’espace agricole (champ) de façon qu’elles puissent augmenter le rendement total de cet espace (UICN, 2009). Elle constitue une pratique séculaire consistant à épargner et à entretenir dans la parcelle de culture, les régénérations naturelles spontanées à des densités désirées. Les régénérations spontanées sont aussi occasionnées par les graines d’arbres contenues dans la fumure organique, notamment celles des petits ruminants (ovins, caprins). Cette technique a fait ses preuves dans des pays comme le Niger où selon le Dr Edwige Botoni du Comité permanent inter-Etats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS), au moins 5 millions ha ont récupérés en 20 ans (une moyenne de 250 000 ha/an).
Cette méthode est d’autant plus intéressante qu’elle ne demande pas la mobilisation d’experts donnant des leçons aux paysans car déjà connue par les communautés. Ainsi, Dr Botoni indique que les coûts d’investissement et d’entretien du capital arbre sont faibles (3500 F/CFA à 11 000 F CFA/ha). Par ailleurs, la RNA valorise les essences locales bien adaptées aux conditions du milieu et qui font l’objet de multiples usages et de contourner les interdits fonciers (notamment l’interdiction de planter sur les terres empruntées.) Au plan environnemental, la RNA permet de conserver, d’améliorer les terres de culture, de conserver la fertilité des sols, d’accroître la productivité de l’espace agricole, de réhabiliter des terres dégradées et de reconstituer le couvert forestier (zaï forestier).
Economiquement, ces méthodes traditionnelles assurent des revenus non négligeables aux paysans. On estime par exemple qu’en 5 ans, un paysan pourra vendre plus de 100 000 FCFA de bois, soit pour le bois de chauffe et de service, sans compter l’exploitation des produits forestiers non ligneux et l’augmentation des rendements agricoles. Au vu de ces avantages, l’Etat burkinabè gagnerait à intégrer la RNA dans les politiques et orientations nationales en matière de reforestation, car cette méthode constitue dans certains cas une alternative solide au reboisement, puisqu’ayant des résultats plus consistants et plus durables.
Raphaël KAFANDO