La thésaurisation n’est pas en elle-même un fléau. Au contraire, elle est un outil naturel de régulation économique.
Par Brice Rothschild.
Dans le scrutin mondial et permanent qu’est l’économie, je vote avec mes unités de monnaie. Quand je consomme, je vote pour exploiter davantage la structure de production existante. Quand j’investis dans une entreprise, je vote pour allonger la structure de production, c’est-à-dire pour créer, inventer de nouveaux détours de production qui permettront à terme de fabriquer plus avec moins ou de fabriquer quelque chose de nouveau, engendrant la croissance économique.
Quand je thésaurise, je m’abstiens dans le vote sur la façon d'utiliser les ressources. On pourra rétorquer que si personne n’investit et que tout le monde thésaurise, il n’y aura plus de croissance économique. C’est vrai. Mais cela est hautement improbable car moins il y aura d’investissement par rapport à la consommation, plus l’investissement sera rémunérateur, simplement parce que ce qui est rare et demandé est cher.
De plus, la diminution de la circulation de la monnaie générée par la thésaurisation a pour effet de faire baisser les prix, selon l’égalité de la théorie quantitative : Quantité de monnaie × Vitesse de circulation de la monnaie = Niveau des prix × Production. En particulier, thésauriser au lieu d’investir va faire baisser les prix des biens de capitaux, car ces biens sont ceux achetés par les investisseurs. En conséquence, l’espérance de rentabilité augmentera, ce qui incitera ceux qui détiennent de la monnaie à investir.
On voit ici que, dans le cadre d’un marché libre, un équilibre thésaurisation/investissement s’installe. Examinons maintenant l’impact des politiques publiques.
La taxation des revenus du capital aura tendance à augmenter la thésaurisation de la monnaie et la consommation au détriment de l’investissement, et finalement à augmenter le rapport consommation/investissement, faisant baisser la croissance économique. Ironie du sort, cela aura aussi pour effet d’augmenter la rémunération du capital investi, renforçant ainsi dans un cycle infernal la volonté de taxation, réduisant encore les perspectives de croissance économique, et augmentant de nouveau les revenus du capital investi pour restaurer le retour sur investissement après impôt.
À l’inverse, la création monétaire opérée par les Banques Centrales décourage les épargnants de thésauriser, car la monnaie perd alors de sa valeur jour après jour. Ils sont donc enclins à investir en bourse ou dans l’immobilier, trop souvent de manière inconsidérée. Comme si les épargnants devaient voter même s’ils n’ont pas d’opinion. Ce phénomène génère des bulles, du moins il les amplifie. Les emprunts d’États sont également un refuge pour les épargnants, sous l’effet d’une réglementation qui favorise ce placement : l’investissement est alors essentiellement improductif et gaspille donc des ressources. On peut d’ailleurs craindre l’éclatement prochain d’une bulle des dettes d’État, sous une forme ou sous une autre.
Nous avons vu que la thésaurisation n’est pas en elle-même un fléau. Au contraire, elle est un outil naturel de régulation économique. La dérégulation de l’économie vient de sa manipulation par les pouvoirs publics. D’une part, ils la favorisent par la fiscalité. D’autre part, ils la découragent par la politique monétaire. Malheureusement, ces deux interventions ne se compensent pas : il en résulte à la fois une baisse structurelle de la croissance économique et des formations de bulles à répétition. En définitive, ces politiques ne font que changer l’emploi des ressources en en retirant à ceux qui sont capables de les exploiter au mieux pour en confier au pouvoir politique, à ses proches, ou au commun des mortels qui ne sait pas comment les utiliser.
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