Il n’y a sans doute pas de mépris, peut-être une méprise. Savons-nous ce que nous venons voir ? La Cour d’Honneur et deux noms de la danse contemporaine. Ah oui, il y a aussi Bach. Et, en matière de musique, il faut bien avouer que ce n’est pas forcément très populaire, et cette Partita 2 n’est pas d’une grande évidence. C’est d’ailleurs pour cela que la chorégraphe l’a choisie, pour travailler sa danse en regard de cette musique, construite sur des rythmes de danses traditionnelles, sur des pas qu’il s’agit de réinventer. Je suis au tout dernier rang des gradins, le rang ZE ! Je verrai la violoniste (Amandine Beyer) et les deux danseurs comme j’ai vu il y a longtemps les personnages de Michal Rovner (au Jeu de Paume, en 2005). Mais, au début, il n’y a rien à voir : la violoniste joue la composition de Bach dans le noir de la nuit tombée. Et, à présent, je me dis que c’était cela le spectacle : la nuit tombée, et la musique qui en émerge, seule, pure (avec un peu les cigales). Car que feront les danseurs, sinon essayer, essayer encore, et répéter des mouvements dans une tentative de dialogue avec la musique. Et plus ils essaieront, plus ces mouvements me paraîtront de trop, non pas inutiles, mais exigeant le retour à la musique. Une porte reste ouverte, à jardin, par où reviendra la violoniste, une porte qui ne se refermera pas. Un rayon de lumière va balayer le mur de la Cour d’Honneur, s’arrêtant au premier rang des spectateurs, de ce fait exclus du spectacle.
J’ai bien conscience de m’éloigner de la chorégraphie d’Anne Teresa de Keersmaeker, mais, repassant dans ma mémoire ce que j’ai vu (et ce que je n’ai pas vu), réécoutant la Partita 2 de Bach, ce sont ces images là qui me viennent, floues, de trois silhouettes tentant dans un espace trop grand de dessiner des formes abstraites en marchant, seulement en marchant, en allant chercher dans une musique composée il y a trois siècles pour un violon seul leurs propres pas, aujourd’hui.
Photo du spectacle : Christophe Raynaud de Lage