L'article 18 de la loi 2012-409 du 27 mars 2012 a modifié l'article 707-1 du code de procédure pénale ainsi : " La prescription de la peine est interrompue par les actes ou décisions du ministère public, des juridictions de l'application des peines [...] qui tendent à son exécution ". Je rappelle qu'en règle générale, au-delà d'un certain délai, une peine est prescrite et donc n'a plus à être exécutée. Afin que les temps consacrés par la justice à ces actes ou décisions ne soient pas au bénéfice du condamné, le texte cité ci-dessus stipule que ces temps viennent s'ajouter au délai normal de prescription.
Ce texte avait déjà fait l'objet d'un décret signé le 15 décembre 2004 par Dominique Perben, garde des sceaux à l'époque. Ce décret a été rendu caduc par un arrêt de la Cour de cassation du 26 juin dernier, la mesure stipulée relevant de la loi et non d'un décret. En conséquence, les personnes emprisonnées entre décembre 2004 et mars 2012 sont donc susceptibles de l'avoir été suite à un allongement du délai de prescription réalisé sans aucune base légale. Ce décret ayant eu pour conséquences d'emprisonner des condamnés dont la peine était prescrite, on ne saurait, comme certains l'ont fait, dire qu'il résultait d'une politique pénale laxiste.
Selon l'Express.fr, Jean-Claude Marin, directeur des affaires criminelles et des grâces au ministère de la Justice, avait pris une part très active à la rédaction de ce décret. D'après d'anciens membres du cabinet de Dominique Perben, c'est Laurent Le Mesle, le directeur decabinet, qui aurait pu veiller à la conformité de ce décret. Celui-ci se défend en affirmant : " Je ne suis absolument pas à l'initiative de ce texte. Il s'agit d'un décret technique ". Est-ce que ce magistrat pourrait avoir l'obligeance de nous indiquer ce qu'est un décret technique ? Veut-il signifier par là qu'il ne relève pas de la responsabilité d'éminences infaillibles mais que de tels décrets techniques sont abandonnés à des petites mains incompétentes de son ministère ? Poursuivons, dans un autre domaine, ce genre de raisonnement : la vérification de l'état des rails du réseau ferré est une opération bassement technique, donc de faible importance. Les dirigeants de la SNCF et de RFF ne sont donc en rien concernés par des opérations aussi insignifiantes.
Précisons que, aujourd'hui, MM. Marin et Le Mesle siègent tous deux à la Cour de cassation. En des temps où l'on ne cesse de nous chanter les vertus de la compétitivité, quand donc nos élites, épargnées par la concurrence, comprendront-elles que ce n'est pas déchoir que reconnaître ses erreurs ? Cela leur permettrait, au contraire, de progresser vers l'excellence que les citoyens sont en droit d'attendre d'elles.