Les modèles économiques Light MVNO et Full MVNO
J’ai pensé qu’il était utile de bien comprendre les différences fondamentales entre les deux modèles économiques d’opérateurs mobiles virtuels que sont les modèles Light MVNO et Full MVNO. Les différences que je mets en lumière peuvent paraître comme une présentation taillée à la serpe, mais je cherche avant tout à faire comprendre les différences clés à un public non spécialiste.
Définition
Qu’est-ce qu’un MVNO : un MVNO est un opérateur virtuel, c’est à dire qu’il gère et distribue une offre de téléphonie mobile sous sa ou ses marques en utilisant des ressources réseau, au moins celles de transmissions mobiles d’un opérateur mobile tiers qui a de telles capacités, car il a une licence dans le pays pour déployer de tels équipements de transmission. UN MVNO a donc une relation contractuelle à long terme avec au moins un opérateur mobile physique hôte pour pouvoir livrer des services télécoms mobiles. Cependant le degré de sous-traitance d’un MVNO auprès de son opérateur hôte varie selon le modèle économique avec lequel il opère.
Le Modèle Light MVNO en pratique
Ce modèle a été le seul permis en France par les opérateurs mobiles hôtes (les trois opérateurs historiques) jusqu’à mi-2011 : il consiste schématiquement à sous traiter toute la partie opérationnelle du service à l’opérateur hôte, le MVNO se contentant de la relation client, du marketing et de la facturation : le MVNO s’interface avec l’opérateur hôte pour que l’opérateur hôte entre dans son système (le cœur du réseau mobile, son cerveau, le HLR ou Home Location Register) les informations sur les clients du MVNO et les services auxquels ils ont accès, et pour récupérer les informations de facturation pour que le MVNO puisse éditer ces factures. Ce modèle a peu changé depuis le milieu des années 2000, même si quelques évolutions sont apparues comme la possibilité pour les MVNOs de gérer par eux-même le trafic vers l’international.
Le modèle full MVNO en pratique
Le modèle Full MVNO n’est pas récent : c’était d’ailleurs le seul possible dans certains pays nordiques dès le début des années 2000, mais il n’a été autorisé par les opérateurs hôtes français qu’à partir de mi-2011. La responsabilité technique du MVNO est là bien plus importante car il met en place un cœur de réseau centré sur un HLR en propre : en fait le full MVNO utilise principalement les relais radio de son opérateur hôte (qui lui a le spectre de fréquence GSM, 3G, 4G) pour permettre l’accès aux terminaux de ses clients, mais gère les autres aspects d’une opération mobile : en gérant son propre HLR, le MVNO gère en direct sa base clientèle et les services associés et produit ses propres cartes SIMs indépendantes de l’opérateur hôte.
Les acteurs et les interactions.
Les deux modèles reposent sur un contrat de services multi-annuels entre le MVNO et son opérateur hôte. Des prestataires SSII, MVNE (Mobile Virtual Network Enabler) ou MVNA (Mobile Virtual Network Aggregator) peuvent assurer les prestations techniques de la responsabilité du MVNO – le MVNA développant une infrastructure commune à de multiples petits MVNO qui individuellement n’auraient pas la taille pour assurer ces prestations.
Les implications marketing
La démarche du marketing du MVNO est radicalement différente selon le modèle choisi. Généralement un light MVNO adresse une niche de marché que son opérateur hôte n’adresse pas bien. Le Light MVNO n’ayant pas la main sur ses services (pas de HLR), son offre est généralement construite sur la base des briques de base de l’offre de l’opérateur hôte (les variations éventuelles sont couteuses et prennent beaucoup de temps, la vraie liberté est pour le trafic international). Les light MVNO ont donc généralement une offre basée sur un sous ensemble de l’offre de l’opérateur hôte, la variable d’ajustement marketing étant la tarification. Les SIMs distribuées par le light MVNO ne sont activables que sur le réseau de l’opérateur hôte- les SIMs doivent être répertoriées dans le HLR de l’opérateur hôte.
Un full MVNO maitrisant son propre HLR, définit complètement son offre de service, indépendamment de son opérateur hôte. Les cartes SIMs qu’il produit lui sont propres, indépendantes de son opérateur hôte.
Les implications techniques
Par construction, le full MVNO a une responsabilité technique bien plus importante que le light MVNO. IL doit construire et opérer son cœur de réseau, le HLR et les principaux commutateurs centraux (voix, data, SMS ) : bien entendu les prix de transferts entre l’opérateur hôte et le MVNO doivent refléter le fait que le full MVNO effectue plus de prestation, de valeur ajoutée par lui-même. Le full MVNO doit aussi gérer ses interconnexions avec les autres opérateurs – il reçoit d’ailleurs du revenu des autres opérateurs pour la terminaison d’appel- , alors que le light MVNO s’en remet à son opérateur hôte.
Les implications capitalistiques
Vous conclurez aisément que ces deux modèles ont des profils capitalistiques très différents. : la mise en place et l’opération d’un cœur de réseau nécessitent des investissements importants, en contrepartie de la liberté qu’il octroie. Cependant le poids et le risque de tels investissements peuvent être limités : ou bien le MVNO élargi son marché adressable, comme par exemple en étant présent avec le même cour de réseau sur plusieurs pays, ou bien un partenaire technique MVNE ou MVNA assume ce risque en mettant en place un cœur de réseau partagé entre plusieurs MVNOs.
Les implications en terme de pérennité
Le modèle light MVNO est de loin le plus répandu : il nécessite peu d’investissement et il correspond souvent à un intérêt bien compris où le MVNO adresse une niche difficile à approcher par l’opérateur hôte. Le light MVNO est donc la mise en place d’un écosystème entre les deux entités. ET on peut se demander si la seule évolution de ce modèle est le rachat ou la reprise du MVNO par son opérateur hôte, comme l’histoire récente nous l’a montré. A moins peut-être de l’évolution du light MVNO en full MVNO si les conditions le lui permettent.
Le Full MVNO, au prix d’investissements plus élevés, maîtrise mieux son destin : en contrôlant son HLR, il peut changer d’opérateur hôte, et donc conserve un puissant pouvoir de négociation avec tous les opérateurs mobiles. Il pourrait même avoir plusieurs opérateurs hôtes en parallèle et ainsi optimiser ses coûts et ses services.
Les perspectives
Ces modèles se sont développé sur les 15 dernières années, et sont désormais institutionnalisés notamment dans le cadre des régulations télécoms nationales en Europe, qui tendent à s’harmoniser. Ils sont donc structurant pour appréhender l’évolution des offres et des acteurs lors du développement à venir des services basés sur la 4G.
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