On les avait prévenus, on le savait, mais le gouvernement n’en a pas tenu compte : à force de raconter des bêtises, des bobards et des âneries, les Dieux du FAIL allait finir par tomber amoureux de la France. Hollande et son équipe doivent maintenant composer avec une situation économique dont tout indique qu’ils ne sont pas équipés pour la comprendre.
Et il n’y a pas besoin de fouiller très loin pour trouver les traces des bavouseries enfantines laissées par nos truands en culotte courte. Comme une nappe de table encore tachée de Nutella, les articles de presse sont encore chauds dans les quotidiens et dans les flux RSS des lecteurs numériques, et ils ne laissent aucun doute sur l’impérieuse incompétence de nos dirigeants.
Ainsi, c’est presque de la joie ou, tout du moins, du soulagement lorsqu’on lit que le déficit commercial de la France vient de repasser sous la barre des 30 milliards d’euros ce mois-ci. Bien évidemment, on attendra sagement que les analystes nous expliquent si cette baisse provient d’une augmentation des exportations françaises (parce qu’ils le valent bien et tout ça) ou si c’est, de façon moins amusante, parce que la consommation de biens d’importation s’est un peu gamellée, laissant entrevoir une situation bien plus morose où la France exporterait toujours vaguement autant (c’est-à-dire, pas assez) et n’importerait plus parce que son peuple n’a plus une thune…
Ainsi, c’est presque avec de la gourmandise que le gouvernement reçoit les dernières déclarations du FMI, que leur interprétation très particulière permet de faire passer pour une bonne aubaine. Du reste, dans la vision délicieusement keynésienne de nos énarques et autres pisse-copies de journaux subventionnés, si le FMI demande une pause dans l’austérité, c’est parce que les « efforts » entrepris sont suffisants ; l’austérité, ça va bien, mais bon, tout de même, les enfants, calmez-vous. Dans les petits gribouillages maladroits que Libération fait passer pour des articles, cela se traduit par « la France devrait ralentir son rythme de réduction du déficit public ». Dès lors, on ne pourra s’étonner, devant cette vision presque caricaturale des recommandations réelles du FMI, que l’actuel minustre en charge de ce qui reste d’économie et de finances du pays, un certain Pierre Moscovici, soit justement en phase avec cette interprétation.
Il ne sera pas fait mention (ou alors, à la marge, caché dans des formules rhétoriques stérilisantes) du fait qu’en pratique, le FMI dénonce la pluie d’impôts et de taxes qui s’est abattue sur les Français, et rappelle au gouvernement que la réduction des déficits publics passe aussi par les réformes structurelles et surtout par la baisse des dépenses de l’État. Je le redis : il n’y a pas d’austérité réelle et crédible tant qu’il n’y a pas de baisse effective et concrète des dépenses de l’État. Et le rapport est parfaitement clair à ce sujet :
« Adjustment should also be rebalanced toward expenditure containment » – « Les ajustements (économiques) doivent aussi porter sur la maîtrise des dépenses »
Or, actuellement, si la giboulée de vexations fiscales bat son plein, les réformes structurelles sont, dans le meilleur des cas, anémiques et en réalité, parfaitement absentes. Et la réduction des dépenses étatiques, elle, n’est même pas au programme. Que du contraire, même : les collectivités continuent grand train, et l’État vous pète au nez parce que les unes et l’autre n’ont, au fond, absolument rien à faire de vos jérémiades de contribuables meurtris.
Moyennant ces excellentes nouvelles, et l’aveu par contraste que le gouvernement tient la bonne piste (puisque le FMI le dit, voyons, suivez un peu !), Hollande peut se permettre quelques déclarations lénifiantes (comme à son habitude, en fait). Ponctuées de « heu… » fermes et assurés, dans un empilage de petits procédés rhétoriques faciles, il nous annonce donc qu’il y a un frémissement. Sans doute aura-t-il inspiré les pigistes des rédactions, seuls sur le pont alors que les seniors sont à la plage, puisqu’on trouve, immédiatement après l’introduction de ce joli terme, quelques articles relatant justement tout plein de frémissements rigolos : dans le marché de l’automobile française, celui de la construction de logements, et puis un peu dans le recrutement des cadres, par exemple. Youpi, youpi, quoi.
Tout ceci, en juillet/août, peut faire un peu sourire, mais pour Hollande, en tout cas, l’affaire est évidente : si nous fûmes dans une passe délicate, tout ceci est enfin terminé ! Cela frémit. On sent comme un début d’amorce d’un petit quelque chose qui pointerait le bout de son nez que je ne te dis que ça et quand il sera là, ça va dépoter sévère.
Enfin, sévère, sévère, c’est vite dit : pour chaque frémissement, on peut facilement trouver un petit réflexe glutéal correspondant qui relativise le premier. Et si ces frémissements n’étaient que les spasmes annonciateurs d’un truc moins rigolo ?
Parce qu’en fait de « reprise » et de frémissement, le chômage, lui, continue d’augmenter. Du côté des marchés, les taux concédés aux bons français à 10 ans (les emprunts d’Etat sans lesquels la France se retrouverait immédiatement en faillite générale) augmentent régulièrement depuis plusieurs mois. Ce n’est pas terrible non plus.
Du côté des comptes publics et des institutions sociales, on continue d’enregistrer des pertes record ; la sécurité sociale (depuis la maladie jusqu’au chômage, en passant par la retraite) ne montre aucun signe d’amélioration. Les atermoiements récents sur les retraites (et les énièmes bricolages pour tenter de sauver l’insauvable) n’autorisent aucun optimisme.
François Hollande est donc, encore une fois, dans le pipeau. C’est du pipeau posé, calme, presque pondéré, marqué de ces petites hésitations haletantes qui sont la marque de fabrique du président le plus indécis de la Vème République, et ce pipeau serait peut-être assumé si l’incompétence évidente de nos élites n’écartait cette possibilité : pas un mot n’a été lancé pour une réduction du train de vie de l’État, et ce, depuis qu’il est aux commandes. Pas un mot sur l’absolue nécessité de réduire le périmètre de l’intervention publique, partout, pour enfin redonner aux Français une petite latitude qui, sur un coup de bol, un malentendu, une folle espérance, que sais-je … , pourrait se traduire par une vague création de richesse.
Mais autant François est dans le pipeau, autant les Français le savent. Ils ne croient pas à l’inversion de la courbe du chômage : 9 sur 10 voient plus le joueur de flutiau que le capitaine (fût-il de pédalo). Ils n’ont jamais été spécialement optimistes, mais actuellement, leur pessimisme râleur est à son maximum. Et pire que tout : les économistes doutent, eux aussi, de la reprise annoncée par un président indécis, confus et engoncé dans des certitudes de plus en plus ridicules. Quant au pays vu depuis l’étranger, il déclenche surtout la pitié, quelques articles sans fard, voire l’hilarité lorsqu’on le rebaptise « Frankrupt », signe que sa situation économique réelle est connue et ne trompe plus grand-monde.
Oui, les enfants, cela frémit : remontée des taux, chômage qui explose, rentrées fiscales qui baissent et tensions qui s’accumulent, vraiment, cela frémit. En septembre, tout indique que la Fed va nettement ralentir son injection de monnaie sur les marchés. Je ne serais pas surpris que cela fasse encore joliment frémir la planète.
Pas de doute : ce pays est frémissant.
…
À ce sujet, n'hésitez pas, dans les commentaires, à me faire part de vos plus belles expériences de frémissement de la France au niveau local, cela doit être rapidement très coloré. Je parie que vos frémissements n'ont rien à envier à ceux de la brochette de clowns qui nous gouvernent.