L'inversion de la fourche

Publié le 10 août 2013 par Christian Cottet-Emard

Le paysan en deuil du blé

planta sa fourche dents en l'air

entre le sillon et l'ornière.

Il libéra les emmurés :

« Si je n'avais semé que des épouvantails ? »

hésita-t-il en invitant les passereaux

et toutes les divinités qui font ripailles

pendant que l'ingénieur travaille du chapeau.

« Foin des villages ancillaires,

ta moisson s'engrange à l'envers ! »

riaient les fleurs dans les épis

en défiant tous ses outils.

Ce jour-là se vengeant des siècles d'esclavage,

la fourche s'envolait trop haut dans les nuages

et tous les clavelins de son vin de gelée

ne purent épingler le paysan au pré.



Extrait de mon recueil : Le Pétrin de la foudre, éditions Orage-Lagune-Express, 1992.

Ce poème a aussi été publié en ouverture de plusieurs numéros de la revue Le Croquant, notamment le numéro anniversaire des vingt-deux ans de la revue (n°57-58), à l'initiative de son directeur fondateur Michel Cornaton.

Illustrations : fourche prise ici. Clavelin pris ici.