Ce n'est pas un secret, j'adore Isis, le porte-monnaie mobile sans contact des opérateurs de télécommunication américains, pour son indéfectible capacité à accumuler erreurs et faux-pas à chaque étape de son développement… L'annonce récente d'un partenariat avec American Express sera-t-elle le signe d'une rédemption tant attendue ?
Revenons d'abord un instant sur les errements du passé. Il y a d'abord eu les délais et retards, sans parler des promesses qui n'ont toujours pas été tenues : dès le début, le consortium promettait (fin 2010) un lancement sous 18 mois, il aura finalement fallu attendre 2 ans, pour une expérimentation singulièrement limitée.
Du côté des limitations, justement, la plupart de celles qui étaient présentes alors n'ont pas été levées un an plus tard : un nombre de téléphones supportés se comptant sur les doigts d'une main, l'intégration de seulement quelques cartes de crédit de 3 institutions financières (American Express, déjà, Capital One et Chase), le déploiement restreint à 2 villes moyennes (Austin et Salt Lake City)…
Seule amélioration notable, 4 000 commerçants seraient désormais équipés de terminaux compatibles NFC (la technologie utilisée pour le paiement sans contact). Évidemment, il n'échappera à personne que ce volet (important) du projet n'est pas réellement sous le contrôle d'Isis...
Plus récemment, une prise de conscience de sérieux problèmes de qualité sur l'application mobile elle-même semblait avoir conduit à des mesures drastiques. A en croire les commentaires visibles sur l'Android Market (et les appréciations majoritairement à 1 étoile), ils n'ont cependant pas été corrigés, 5 mois plus tard. Au point que les utilisateurs qui s'expriment ainsi en viennent à réclamer avec insistance l'accès au Google Wallet, aujourd'hui verrouillé par les opérateurs à l'origine d'Isis.
Pourtant, du côté du consortium, tel le majordome de la proverbiale marquise, tout va très bien. Tellement bien qu'il révélait, il y a quelques jours, que le déploiement national serait effectif avant la fin 2013. Même en prenant en compte l'inévitable retard qui affectera cette échéance, cette nouvelle avait de quoi laisser sceptique : une immense majorité de marchands américains n'étant pas équipée de terminal de paiement compatible, l'utilisation du porte-monnaie mobile risque fort de rester marginale…
En fait, l'explication est arrivée cette semaine, sous la forme d'un communiqué d'American Express : l'application d'Isis va simplement embarquer la technologie de Serve, sa solution de "compte virtuel". Ainsi, non seulement les problèmes d'acceptation du paiement sans contact disparaissent mais de nouvelles options viennent enrichir l'offre : transferts d'argent P2P (de "pair à pair"), règlement électronique de factures, chargement depuis n'importe quelle carte…
Mais, bien entendu, il y un hic : une fois la technologie sans contact écartée, que reste-t-il pour les achats de proximité, en boutique ? Une bonne vieille carte en plastique, en l'occurrence celle qui est systématiquement proposée aux utilisateurs de Serve ! Et tant pis pour le paiement via le téléphone. Le seul gagnant possible de l'opération est donc American Express, qui va tenter d'exploiter le peu de notoriété d'Isis pour développer celle de son propre porte-monnaie virtuel.
Au fur et à mesure des "progrès" d'Isis, les opérateurs qui l'ont fondée donnent l'impression qu'ils perdent de vue leur objectif initial de prendre position sur le marché des paiements, afin de trouver un relais de croissance à leur métier d'origine, dont les marges s'effritent. Pour ce faire, ils devaient absolument contrôler un élément essentiel de la chaîne de valeur (c'est aujourd'hui l'élément de sécurité intégré dans la carte SIM). De ce fait, plus ils s'écartent du "sans contact", plus leur "légitimité" est douteuse…