Champagnes à Table par Patrick Faus
Pour l’immense majorité, ce sont des 100% chardonnay issus des terroirs au sud d’Epernay, la fameuse Côte des Blancs mais ils peuvent aussi côtoyer, sur certaines terres, les cépages « noirs ». Majoritairement des bruts non millésimés, il y a comme toujours des exceptions avec l’arrivée des Extra-Brut. L’assemblage se fait à partir d’une origine unique, mais également à partir des différents crus de chardonnay (Avize, Chouilly, etc.) ou avec d’autres cépages blancs de l’appellation (arbanne, pinot blanc, etc.). La ligne claire de l’expression de ces vins, sans préjuger de leur évolution due au terroir, à l’année, ou au vigneron, est la minéralité et la fraîcheur.
Deux chefs d’œuvre dès la dégustation : le Terroir 2009 de Pascal Agrapart (35 € environ) tout en arômes floraux avec une pointe de citron, une bouche tout en finesse et en fraîcheur pour un très grand Blancs de Blancs à déguster sans attendre. Le Clos d’Oger 2002 de Claude Cazals (40 € environ), issu d’une parcelle familiale vinifiée à part, est plus sur la rondeur et le gras, pour un champagne presque crémeux mais avec une fraîcheur persistante. Un vin très élégant.
Les accords mets et vins ont été travaillés en amont par Anne-Marie Chabbert, Guy Savoy et son sommelier Sylvain Nicolas, un art toujours très difficile et fragile. On retiendra le champagne Pierre Launay Blanc de Blancs Extra Brut (25 € environ), élégant, fruité, franc, net, soyeux avec une belle finale, servi sur un subtil Merlan aux œufs de saumon, langoustine comme un tartare, gelée au citron, où le vin crée le lien avec tout ce beau monde. À noter également que le Clos d’Oger 2002 de Claude Cazals s’est parfaitement comporté avec une Pintade pochée, mousserons & riz basmati, un plat pour le moins riche, à la sauce généreuse et goûteuse. Les bonnes surprises des Blancs de Blancs.
Questions à Anne-Marie Chabbert
Quand et comment avez-vous démarré « Champagnes à Table » ?
Je suis œnologue de formation et mon but est d’aller chercher la part du vin dans les champagnes, ce qui n’est pas évident pour tout le monde. J’ai travaillé au Comité des Vins de Champagne sans être champenoise car je suis originaire du Languedoc. Je suis tombé dans le vin et dans le goût assez jeune et j’avais des prédispositions pour le champagne. Quand je suis arrivé en Champagne avec l’esprit très ouvert, on ne parlait pas de vins de Champagne et j’ai mis du temps à faire admettre cette notion. Ma volonté est de fédérer la cause du champagne autour de la notion de vin et de lui redonner ses lettres de noblesse en le mettant à table avec la gastronomie. Il faut affirmer aussi que le champagne est un vin qui vieillit et qui vieillit bien.
Il y a un bon goût et un mauvais goût en Champagne ?
Oui, absolument… et peut-être plus en Champagne qu’ailleurs. C’est lié à la culture, à l’argent, et surtout à l’argent facile. Il faut remettre en avant la viticulture, le terroir, l’exposition, le type de sol, et tous les éléments fondateurs.
Comment faites-vous connaître tout cela ?
Je vais chercher des exhausteurs de goût car toute seule je ne suis rien. Des personnes que l’on reconnaît comme des professionnels du goût : les chefs et parfois les sommeliers. Je choisis des chefs sincères, connus, respectés, car je cherche de la valorisation. Je me présente au chef comme une foldingue du champagne, je lui fais goûter les bouteilles avec son sommelier. J’ai le final cut pour les accords plats/vins. Nous en avons organisé une quinzaine à ce jour.
Vous favorisez certains champagnes ?
Je m’attaque surtout aux à priori sur le champagne. Je mets en avant des vignerons plus que des marques qui ont moins besoin de moi pour se faire connaître. Je ne veux pas avoir d’étiquette. Ce qui m’intéresse avant tout c’est de savoir ce qu’il y a dans la bouteille et comment faire pour que l’expression du vin ne soit pas l’expression d’un simple style qui va gommer le terroir.
Votre position sur le dosage ?
C’est un outil qui est à prendre avec précaution et qu’il faut bien maîtriser. Ce n’est pas une affaire de beaucoup – pas beaucoup, et les champenois sérieux font des essais de dosage qu’ils ne faisaient pas avant. Par exemple, avec un vin un peu poreux on peut combler cette porosité par le dosage. Le dosage peut apporter une patine, et une finition du vin. Il ne faut surtout pas de mode ni de dictature. Le pire est le vin « naturel » avec absence de SO2 qui est une hérésie.
Quels sont les chefs qui vous ont impressionné par leur connaissance du champagne ?
Alain Passard, un homme de cœur qui adore le champagne. Alain Dutournier, également remarquable. Mais cependant, la majorité des chefs ne connaît pas bien le champagne. C’est un avis très personnel.
Un champagne qui vous bouleverse ?
Dernièrement, en dégustation à l’aveugle, un Clos Cazals 1995. J’aime les vieux champagnes. Ils ont moins d’effervescence mais elle est encore là, utile au goût, et viennent s’installer des notes oxydatives surtout dans les récemment dégorgés. Il y a des marques qui me font tomber par terre comme Delamotte, Salon, Bollinger, Krug, Selosse…
Contact : anne-marie.chabbert@wanadoo.fr
Tél : 06 74 64 23 58
57, avenue Jean-Jaurès
51190 Avize
www.champagne-agrapart.com
Champagne Pierre Launay
11, rue Saint-Antoine
51120 Barbonne-Fayel
www.champagne-launay.fr
Champagne Claude Cazals
28, rue du Grand Mont
51190 Le Mesnil-sur-Oger
www.champagne-claude-cazals.net