Pour cette deuxième semaine d’août, Case Départ vous propose sa sélection d’albums de la semaine. Parmi ces dernières nouveautés, il y a pour vous quelques petites merveilles : un fantastique album sur l’adolescence et le harcèlement avec Orignal; L’atelier Mastodonte un atelier fictif d’auteurs autour de Lewis Trondheim, un album jeunesse pétillant Princesse Capucine, Batman aux prises avec La cour des Hiboux;Jack Joseph soudeur sous-marin, un album introspectif sur le mal être d’un futur père et le huitième album de la série Luuna, un retour aux sources pour un nouveau cycle. Bonnes lectures !
Orignal : un album fort et sensible
De nos jours. Dans le grand nord canadien. Comme tous les matins après avoir pris son petit déjeuner, Joe doit aller à l’école mais il refuse de prendre le bus scolaire. Il préfère couper à travers bois que de se retrouver aux côtés de Jason, qui le martyrise dans le car ou même à l’école. Cette pause enchanteresse au milieu de la nature est de courte durée, Jason l’attend, tapis dans l’ombre, pour l’humilier encore plus, en le frappant ou en lui volant son sac. Mais ce que redoute le plus l’adolescent, c’est le retour à la maison. Le chemin du retour dans le car est un calvaire, une horreur : Jason et sa bande de copain redouble de cruauté pour le martyriser.
Joe, discret et transi par la peur, ne parle pas de sa situation ni à ses parents ni à ses professeurs. La seule qui commence à comprendre, c’est l’infirmière de l’établissement, qui le pousse mais le jeune garçon se referme toujours plus sur lui. Dans ce sanctuaire que devrait être l’école, les adultes ne comprennent pas sa souffrance ; ils iront même jusqu’à le réprimander, pensant que tout le chahut dans la classe vient de lui.
L’adolescence dépeinte par Max de Radiguès dans Orignal est très finement observée. Délicat et presque tabou, le sujet est traité avec subtilité mais une très grande force et une grande justesse, ne tombant jamais dans le côté «donneur de leçon». Le personnage discret et timide de Joe inspire tout de suite de la sympathie de la part du lecteur. Le trait épuré en noir et blanc renforce le sentiment de malaise du héros mais magnifie aussi les vastes décors canadiens. La force du récit est atteint dans un dénouement final très original et très réussit. Un sujet sensible remarquablement mis en images par l’auteur de Cowabanga, dont Case Départ vous avez parlé.
- Orignal
- Auteur : Max de Radiguès
- Editeur: Delcourt, collection Shampoing
- Prix: 13,95 €
- Sortie: mai 2013
L’atelier Mastodonte : attention fiction !
Bienvenue dans L’Atelier Mastodonte, un lieu qui réunit sept auteurs de bandes dessinées connus : Lewis Trondheim, Alfred, Guillaume Bianco, Julien Neel, Cyril Pedrosa, Tébo et Yoann. Cet endroit fictif permet à ces auteurs de discuter de leurs travaux respectifs, mais pas que…
Lors d’une séance de dédicace dans un festival, Lewis Trondheim propose à Yoann de le rejoindre dans son futur atelier. Le dessinateur de Spirou suggère à alors à Alfred de venir les rejoindre. Dans le même temps, le créateur de la série Donjon soumet son idée à Guillaume Bianco et Julien Neel qui acceptent la proposition. Puis, Cyril Pedrosa est accueilli dans les locaux. Enfin, alors qu’ils sont bien installés, les 6 auteurs voient débarquer Fred Tébo. Dans un premier temps, ils sont réticent mais une somme énorme donnée par l’auteur de Capitaine Biceps, finie par les convaincre.
Pourtant, tout n’est pas simple dans L’Atelier Mastodonte ! Il faut tout gérer : les déplacements pour les festivals, le grand week-end à Angoulême, le loyer, le rangement, le papier toilette. Et que penser des nouveaux auteurs qui s’installent ! Pedrosa et ses manies bio, le chien péteur de Yoann, Lewis Trondheim véritable petit caporal dictateur, les obsessions scatologiques de Tébo ou Romuald la marionnette bleue. Guillaume Bianco, auteur de Billy Brouillard, et Trondheim s’invectivent par case interposée : un très beau duel à fleuret moucheté.
Pré-publié dans Spirou, L’Atelier Mastodonte, est jubilatoire. Les auteurs font preuve de beaucoup d’auto-dérision. L’album, publié sous un format à l’italienne, est construit comme un véritable ping-pong, sorte de cadavre-exquis, où un auteur répond à un autre par un gag en une demi-planche. Les private joke et les runing gags rythment parfaitement le récit. Ils ne s’interdisent rien et égratignent gentiment le petit monde de la bande dessinée : les festivals, le rédacteur en chef de Spirou, les maisons d’édition, mais aussi les petites manies de chacun. L’ambiance sympathique et bon enfant de cet atelier fictif est réjouissant. C’est d’ailleurs assez improbable parce que les auteurs ne sont pas ensemble mais bossent chacun de leur côté dans la vraie vie. A noter que l’album accueille aussi des invités prestigieux dans ses pages : Guillaume Bouzard, Bastien Vivès, Stan & Vince, Benoît Féroumont et Libon. Quant à la couverture magnifique, elle est signée par Bilal.
- L’atelier Mastodonte
- Auteurs : Lewis Trondheim, Alfred, Guillaume Bianco, Julien Neel, Cyril Pedrosa, Tébo et Yoann
- Editeur: Dupuis
- Prix: 14.50 €
- Sortie: juin 2013
Au pays pétillant de Princesse Capucine
Le père de Capucine est antiquaire. Dans sa boutique, il vend un très beau miroir. La jeune fille se poste devant et son reflet change : elle se voit habillée en princesse. Celui-ci bouge et parle comme elle. Et pour cause. Il s’agit du reflet d’une véritable princesse : Margaux. Les deux jeunes filles se ressemblent comme deux gouttes d’eau. Pourtant Margaux s’ennuie dans son royaume. Elle aimerait bien passer une journée dans le monde de Capucine et Capucine se rêve en princesse. Elles souhaiteraient échanger leur vie pour une journée. Pour cela rien de plus simple, il suffit de prononcer le mot Cucumber ; ce que Capucine fait par erreur.
Margaux, va vivre au milieu d’une famille simple et aimante, entourée par un groupe d’amies. Elle découvrira le sèche-cheveux ou le téléphone portable.
Accompagné de son chat Momo, Capucine, happée par le miroir, se retrouve dans un monde féerique. Une belle vie de princesse l’attend : le beau palais, les belles robes, la calèche, le roi, la reine et les serviteurs. Mais Capucine va vite découvrir que la vie de princesse n’est pas exactement comme dans les contes et que Margaux n’a aucune envie de reprendre sa place. En plus, Momo parle et son comportement a changé. Karine, la femme de chambre et Millais, le professeur de danse, ont des doutes : la princesse est trop gentille et trop polie avec eux. Le plus délicat pour Capucine, c’est de leurrer la Cour et son fiancé Sigour pour que son secret ne soit pas découvert.
Rythmé et rafraîchissant, le récit de Mari-Paz Villar-Lopez est plein d’humour et intelligent, un bel hommage au roman Alice au pays des merveilles. Les personnages qui entourent Capucine sont attrayants et souvent drôles. Le trait de la jeune auteur, proche des mangas et des dessins animées des années 80, ravira les jeunes filles.
- Princesse Capucine, tome 1 : L’apprentie princesse
- Auteur : Mari-Paz Villar-Lopez
- Editeur: Hugo BD
- Prix: 10.45 €
- Sortie: 22 août 2013
Batman :
La Cour des Hiboux sème le trouble à Gotham City
La Cour des Hiboux prend son envol, et la nuit à venir pourrait bien signer la mort de Gotham City elle-même. Dans ce deuxième tome de Batman, dans la Collection DC Renaissance, La nuit des Hiboux, le piège se referme sur les notables de la ville et plus particulièrement sur Bruce Wayne, alias Batman.
Dans le tome précédent, Batman est aux prises avec un société secrète La Cour des Hiboux. Au cours de l’une de ses sorties, le chevalier noir découvre un homme poignardé avec un message funèbre annonçant la mort de Bruce Wayne. Attaqué plusieurs fois par un Ergot, il découvre que les nids de ses ennemis sont situés au treizième étage de chaque immeuble financé par la famille Wayne. Kidnappé et drogué par les Hiboux, il prend conscience de la réalité de cette organisation criminelle. Après un dur combat, il réussit à se sortir des griffes de la Cour.
Dans ce deuxième tome, les Ergots parviennent à entrer dans la maison de Bruce Wayne et même à pénétrer dans le repère de Batman. Pour faire fuir les criminels, Bruce revêt son armure. Après le combat victorieux, Alfred, le majordome, décrypte une puce électronique, dans laquelle il découvre une liste de notable de la ville, visés par la Cour des Hiboux, des cibles potentielles à abattre. Ces personnes influentes tombent tour à tour sous les coups des malfrats. L’un des derniers sur la liste étant Bruce Wayne en personne. Pour parvenir à enrayer cette vague de crime, le Chevalier Noir fait appel à ses alliés actuellement à Gotham City.
Bien menés, les récits de Scott Snyder sont rythmés, avec beaucoup d’actions et l’intrigue est dense. Le dessin est confié à plusieurs auteurs, ce qui pourrait surprendre les lecteurs car les univers graphiques sont très différents (mais cela est fréquent dans les comics) et tous s’en sortent très bien. Quant à l’histoire bonus en fin d’album, le back up, il est très abouti et ravira les fans de comics.
- Batman, tome 2 : La nuit des Hiboux
- Auteurs : Scott Snyder, Greg Capullo, Rafael Albuquerque, Jason Fabok, Becky Cloonan, Andy Clarke et James Tynion IV
- Editeur: Urban Comics
- Prix: 19 €
- Sortie: avril 2013
Jack Joseph en plein doute
Jack Joseph est soudeur sur une plate-forme pétrolière au large de la Nouvelle-Écosse, au Canada. Son métier consiste à plonger et replonger en mer pour réparer les fondations immergées. Le jeune homme va connaître un bonheur particulier, celui de devenir père. Mais ce bonheur va devenir petit à petit un véritable enfer. En effet, personne ne l’a préparé à cette nouveauté. Agé de 33 ans, il a exactement le même âge que celui de son père lorsqu’il est décédé, le soir d’Halloween. Cette disparition étrange, remonte à la surface : la date anniversaire, le fait d’être père sans avoir le sien mais aussi l’accouchement imminent de sa femme. Cette dernière sent son changement de caractère. Pourtant Jack la rassure.
Alors qu’il devrait rester aux côté de sa femme, il préfère aller travailler. Plonger, lui permet de fuir ce quotidien oppressant. Lors d’une descente, une voix mystérieuse le guide vers une montre à gousset. Remonté à la surface, inconscient, le médecin le renvoie chez lui. Mais l’appel du large est plus fort que tout, il n’a qu’une idée en tête : retrouver cette montre.
Cette montre n’est pas inconnue pour le jeune homme. C’est celle que son père lui a offert, il y a plus de vingt ans et qui lors d’une colère paternelle avait fini au fond de la mer. D’ailleurs quelques jours après, son père, dans un état d’ivresse avancée, disparaissait dans le port. De ce drame, l’enfant ne s’est jamais remis, ne rêvant que de retrouver son père ou de le rejoindre sous l’océan. Rongé par une culpabilité enfouie, Jack Joseph revisite son histoire pour enfin comprendre ce qui s’était passé.
Ce roman graphique introspectif de Jeff Lemire met en scène un anti-héros, un personnage simple, empli de doutes et de douleurs. D’emblée, le lecteur éprouve de l’empathie pour ce jeune homme qui veut fuir son quotidien. Une plongée entre le réel et la quatrième dimension, un sentiment de déjà vu et vécu par Jack Joseph. Le temps qui ne s’égraine pas où les époques se mélangent, une sorte de monde de l’entre-deux. Le trait en noir et blanc de l’auteur canadien renforce le côté oppressant et la lourdeur de l’ambiance. Un album fort et très réussi.
- Jack Joseph soudeur sous marin
- Auteur : Jeff Lemire
- Editeur: Futuropolis
- Prix: 26 €
- Sortie: juin 2013
Retour aux sources pour Luuna
L’attrapeur de rêves est le huitième tome de la série Luuna, créée par Nicolas Keramidas et Didier Crisse. Ce dernier passe la main sur le scénario à Jean-David Morvan, qui ouvre avec cet album, un nouveau cycle. Luuna revient aux sources : le jour de son initiation, le jour où tout a commencé.
Après un long voyage géographique, temporel et introspectif, Luuna est de retour parmi les Paumanoks. Elle est revenue au jour où tout a commencé : le jour de son initiation. Les sachems maudits ont décidé de réveiller le terrible démon Unkui. Ce dernier, par sa puissante magie noire, doit troubler le totem de Luuna, un totem dont la dualité est forte, avec un côté bon et un côté mauvais. Mais elle connaît la suite et veut infléchir sa destiné. Pour cela, elle repousse les sachems et le mauvais sort est rompu. Enfin, le croit-elle. Le cœur de la forêt lui adjoint un loup gris.
Puisqu’elle est revenue du futur, elle connaît donc ce qui va se produire, notamment le massacre de sa tribu Paumonok par les Vikings. Mais elle éprouve les pires difficultés à les convaincre de partir avant le déferlement meurtrier des hommes du Nord.
Le scénario de Jean-David Morvan semble moins fort et moins dense que ceux de Didier Crisse. Peut-être a-t-il besoin d’un peu de temps pour bien maîtriser cet univers riche ? Pour autant, le récit est rythmé par beaucoup de rebondissements. L’attrapeur de rêves devait être le tome qui boucle la boucle mais de fait, il s’ouvre sur un autre cycle en deux tomes. Le dessin maîtrisé de Nicolas Keramidas est toujours aussi majestueux, agréable à l’œil.
- Luuna, tome 8 : L’attrapeur de rêves
- Auteurs : Jean-David Morvan et Nicolas Keramidas, sur une idée de Didier Crisse
- Editeur: Soleil
- Prix: 13,95 €
- Sortie: juin 2013