Suite à mon article d'hier, deux femmes sont venues me parler de certains commentaires. L'une m'a demandé d'enlever certains commentaires qui la rendaient malade. L'autre m'a dit ne pas être en sécurité ici et se sentir agressée, mal à l'aise dans un espace "non safe".
Une autre commentatrice me dit : "Mais punaise, une fois qu'on a conscience de cette socialisation des hommes a étouffer la parole des femmes, et des femmes a les écouter jusqu’à douter de leur propre vécu on a du mal (enfin moi en tout cas) a ne pas vouloir un peu plus d'espaces safe. Les gars, vous avez le droit de parler et de débattre et si c'est dans le but de vous éduquer grand bien vous fasse. Mais vous avez aussi le droit de vous taire et d’écouter."
Qu'est ce déjà qu'une espace féministe safe ?
C'est un espace où l'on peut parler sans machisme. Les crétins ne manqueront pas de dire "oui vous refusez toute contestation" ; pour qui a déjà fréquenté un espace uniquement fréquenté par des féministes, il/elle comprendra le ridicule de cette assertion. Non un espace safe c'est un espace sans entendre qu'une fille violée l'a cherchée, qu'on est misandre, qu'on est des salopes, que je mérite d'être violée, bref un paquet de réactions qu'on lit ici. C'est ne pas devoir à chaque post sur le viol, devoir consoler des mecs qui sont persuadés qu'on les traite de violeurs alors que des témoignages de femmes violées sont postés dans l'indifférence quasi totale de ces grands humanistes. Je l'ai déjà dit 500 fois. Rendez-vous compte qu'à CHAQUE post sur le viol, on doit perdre plus de temps à dire à des hommes que non ils ne sont pas des violeurs sans plus parler une seule seconde des personnes violées.
Un espace safe est un espace où lorsqu'une femme témoigne de sa souffrance, personne ne la relativise, personne ne lui dit qu'elle est malade, qu'elle n'avait qu'à ou qu'elle aurait du.
Je m'adresse ici aux personnes de tout genre qui sont venues chier sur des témoignages. Je me contrefous que vous m'attaquiez franchement. En revanche, si quelqu'un prend la peine de poser ses tripes sur la table, poser 5 minutes sa souffrance, ne vous sentez surtout pas obligé de parler. Attendez. Réfléchissez.
Vous le savez pour certains, je fais un métier qui me confronte régulièrement à la saloperie humaine, je suis donc relativement blindée face à ce genre de propos. J'ai donc pour charte de blog de rejeter les injures entre commentateurs/commentatrices et les propos hors la loi. Et c'est tout. Depuis le temps que je parle de féminisme, je suis toujours partie d'un constat. Moi, je parlerais surtout aux non-féministes. Cela m'a souvent valu la réputation d'être trop conciliante avec les machos, de perdre du temps avec eux mais je l'assume et ce, pour une raison simple. Les féministes sont une minorité. Nous n'avons pas le pouvoir ni social, ni économique, ni politique, ni rien. Le mec ou la fille qui viennent dire ici qu'une femme violée l'a cherché DOIVENT être convaincus du contraire ainsi et surtout que tous ceux et toutes celles qui lisent et sont d'accord avec lui. Celles et ceux qui viennent nous expliquer cela seront les mêmes, ou les copains de ceux qui nous harcèleront, détourneront les yeux quand on nous met une main au cul, nous paieront moins, nous traiterons avec paternalisme. Je voudrais bien ne pas faire avec mais j'y suis obligée.
Je laisse donc quasi tous les commentaires, y compris les plus violents car OUI quand vous remettez en cause un témoignage, oui quand vous alimentez la culture du viol avec des propos violents, vous n'imaginez pas derrière que des gens, hommes comme femmes d'ailleurs, se paient un sacré retour de bâton et revivent leur trauma.
Je le sais cette méthode a fonctionné ; j'en ai eu qui sont venus me dire "écoute j'ai compris ce que tu voulais dire sur la culture du viol" "au fait tu sais mon mémoire... ben je vais le faire sur l'inégalité de salaire entre hommes et femmes". Il n'y a pas à tortiller, je continuerais donc à parler aux sexistes (qui sont de tout sexe, allez je vous rassure un peu là des fois que l'accusation de misandrie surgisse).
Donc est ce que Crêpe Georgette peut être un espace safe pour les féministes qui le souhaiteraient ? Non, parce que cela irait contre mes buts. Alors est ce un but louable de vouloir avant tout convaincre des gens sexistes que de laisser s'exprimer des non sexistes ? Je n'ai pas la réponse à cette question.
Maintenant une note pour tous ces gens qui débarquent, squattent les commentaires, pensent arriver avec des idées originales.
Le féminisme comme toute discipline, tout militantisme nécessite un socle de connaissances commun qu'on a appris en lisant, en parlant en échangeant peu importe. Mais surtout on a beaucoup écouté et on s'est beaucoup tu.
Vous ne vous en rendez pas compte mais arriver avec
"les hommes et les femmes sont différents"
"vous êtes misandre"
"les hommes ne sont pas tous des violeurs"
"occupez vous des vrais combats"
"éduque moi"
"écoute moi"
"ma part animale"
"on a des instincts"
provoque chez la plupart d'entre nous une fatigue incommensurable parce qu'on l'a entendu 500 fois et qu'on fatigue un peu à lire ces poncifs balancés par quelqu'un persuadé d'avoir inventé l'eau chaude.
Il n'y a rien de mal à poser des questions. Rien de mal à se taire trente secondes et à écouter. Quand une personne poste un témoignage compliqué, qu'elle n'a d'ailleurs peut-être jamais dit ou écrit ou que ce soit, il convient de lui apporter une réponse à elle. Si on ne se sent pas de le faire on se tait, au lieu de repartir sur "oui mais moi c'est pas pareil donc ton témoignage ne vaut rien".
Chaque post écrit ici m'apporte par mail ou en commentaire des écrits douloureux, des témoignages de souffrance. Avant de penser à ce que cela VOUS procure (malaise, sentiment d'être pris pour un violeur ou que sais-je) pensez trente secondes à celles et ceux qui les ont écrits.
Enfin. Si vous constatez que certains posts vous mettent trop mal à l'aise, vous semble trop agressifs, mon mail est là pour en parler.