La tempête peut bien s'abattre, les vents peuvent bien souffler, les mauvaises langues peuvent bien persifler : il n'en reste pas moins que la France offre, c'est sûr et certain, un ensemble de systèmes, sociaux, politiques et pour tout dire philosophiques que le monde entier nous envie.
En effet, comment ne pas déclencher l'envie lorsqu'on voit ce que propose ce beau pays ?
Tenez (fermement, je vous prie), prenez la gestion de l'emploi en France. C'est tout un poème, surtout depuis que la Hollandie est devenu l'autre pays du chômage. Eh bien mes petits amis, en regardant ce qui s'y passe, il n'y a aucun doute : c'est du velours. Pôle Emploi, magnifique fleuron d'aide aux ressources humaines à l'échelle de tout un pays, s'acquitte tous les jours d'une tâche ô combien ingrate mais avec un brio qu'il est difficile de lui contester.
Qui n'est pas pris d'un petit trémolo dans la voix lorsqu'il constate le dévouement du personnel de Chômemploi Paul Employ, qui va jusqu'à donner des formations d'informatiques à des informaticiens, pour leur apprendre à allumer leur ordinateur et aussi à se servir d'un butineur internet pour y découvrir le -- justement merveilleux -- site de Pole Employ ?
Qui ne se sent pas le cœur étreint de fierté devant les messages courts à tendance buzz qu'émet joyeusement la vénérable institution, lorsqu'elle annonce modestement que son site internet, chôm-emploi.fr, est en tête des sites préférés des Français, avec ce petit soupçon d'humour noir qu'un croque-mort remerciant dans la rubrique nécrologique ses nombreux clients ne dénigrerait pas :
Le site pole-emploi.fr reste cette année en tête des sites préférés des français dans sa catégorie > http://t.co/zu1vLqW38Q v/ @harrisint_fr
— Pôle emploi actu (@pole_emploi) July 18, 2013
Bien sûr, les mauvaises langues turbolibérales ont tôt fait de déverser leur fiel putride sur cette belle réalisation de l'administration française en notant méchamment que cette dernière est surtout une administration qui aura trouvé un emploi à des gens dont le job est d'en chercher pour les autres, sans pour autant rivaliser, même de loin, avec des cabinets de recrutement dont l'historique et les performances sont autrement plus impressionnantes, pour un prix un tiers moins élevé... Ou ces mêmes sites rappelleront sans pitié qu'après 800 millions d'euros en 2011, l'établissement public a versé près de 812 millions en trop aux chômeurs l'an passé, suite à des erreurs d'estimations du montant de l'allocation (oh, zut alors !) ou par simple négligence, quand notamment les chômeurs ne font pas trop attention à leurs déclarations de périodes de travail...
Que voulez-vous, ces critiques acerbes sont la rançon d'un succès évident et la marque d'une jalousie mal contenue, à l'évidence. Et si Pôle Emploi déclenche fierté et patriotisme chez le Français qui se respecte, il en va de même avec la gestion de sa retraite, si finement ouvragée et mise en place de façon si pertinente alors que la situation n'était pas facile facile, dois-je vous le rappeler, puisque c'est le GrrRrrand Maréchal Pétain qui spolia utilisa les réserves de retraites par capitalisation dans les années de guerre pour passer à cette merveille de retraite par répartition que le monde entier nous regarde, envieux, utiliser avec tant de succès.
Bien sûr, il faudra faire quelques ajustements, ici et là, répartis à raison d'un tous les deux ans, dans les cris, la douleur, les valses de ministres et l'alourdissement sensible, répété et irréfrénable de la législation correspondante. Il faudra en passer par une réduction des pensions, une augmentation stratosphérique des cotisations au moment où, justement, le coût du travail en France est déjà au beau fixe, et un accroissement plus que sensible de la durée de ces cotisations, le tout dans le sabir confus d'une ministre largement dépassée par le domaine. Bien sûr.
Mais le résultat en vaudra la chandelle ! Tous les calculs sont formels : ce sera bientôt une explosion de bonheur pour tous les retraités et tous les cotisants, vous allez voir, et les excellentes solutions de François Hollande laissent espérer le meilleur !
On pourrait en profiter pour parler de cette Sécurité Sociale que le monde nous envie à un point qu'il n'est pas bon d'en parler à l'étranger, de peur de se faire dépecer de jalousie et de frustration. Ainsi, qui, dans le reste du monde, peut se targuer d'avoir des hôpitaux aux services d'urgence si bien gérés et sans délai d'attente ? Qui peut prétendre à nos administrations si finement huilées comme par exemple le RSI, celle qui s'occupe du recouvrement des cotisations des indépendants ? Qui aura le cœur de rappeler les microscopiques erreurs de ces chaleureuses institutions et de pointer leurs petites dérives ? Tout le monde sait que lorsqu'il y a un problème avec elles, tout se passe très bien, voyons ! Tout y est si parfaitement géré qu'il n'y a aucun risque de blocage de comptes des URSSAF par des cotisants excédés de se faire harceler par ces incompétents.
Et tant qu'on parle sécurité (sociale ou plus générale), autant parler justice ! Chaque mois qui passe en Hollandie nous offre tant et tant d'exemples d'un fonctionnement idoine et bien calculé, grâce au travail de sape fond d'une Taubira experte en la matière : il n'y a pas de problème de justice en France, elle est rendue à la fois sereinement et efficacement, et lorsque les prisonniers sont relâchés sans avoir fait leur peine, c'est pour d'excellentes raisons. Et puis c'est tout. Circulez, il n'y a rien à voir. Et si vous ne circulez pas, vous irez en prison. Si on vous trouve de la place.
Pour nos élites, c'est sûr : le monde entier a le regard braqué sur la France. Cette vision du monde était exacte, il y a seulement cent ans. Mais progressivement, sur ces cent années, la France a perdu chacun des attributs qui pouvaient lui faire espérer rester dans le haut du panier. Au début, bien sûr, la descente dans le classement fut lente, presque majestueuse et posée. Elle s'explique d'ailleurs autant sinon plus par la montée des autres puissances que par la perte réelle d'influence et de pouvoir du pays. Mais à mesure que la France s'est confite dans ses certitudes, que ses élites se sont auto-reproduites en conservant toujours à l'esprit que nos systèmes sociaux, institutionnels, moraux ou philosophiques étaient excellents voire indépassables, la descente s'est faite plus rapide, moins tranquille.
On atteint maintenant le petit trot : plus aucune journée ne passe sans qu'on découvre, à mi-chemin entre la consternation et l'hilarité, que tout part en sucette sous les applaudissements d'une foule ignorante, bercée des illusions que lui servent ces élites, politiques, médiatiques, journalistiques si surannées. Ce pays qui voulut jouer le rôle de phare du monde moderne n'est plus qu'une petite LED clignotante.
Et la pile qui l'alimente montre à présent des signes de faiblesses : ce pays est foutu.
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