Vous
ne pouvez plus reculer. Il est trop tard. Dans les 6300 m2 du
théâtre Mogador la lumière s’est tamisée jusqu’au noir et le volume sonore des désagréables
commentaires de votre voisine a considérablement diminué, pour le moment ...
Vous voilà pris au piège ! Hisser les voiles est illusoire. D’ailleurs, les
larges portes grenat sont closes depuis quelques minutes. Et déjà, alors que la
scène s’égayait à peine des chants du sage singe Rafiki, éléphant et
éléphanteau, oiseaux, antilopes et autres animaux de la savane envahissent les
allées de la salle, puis les 260 m2 de la scène. De toute façon,
vous êtes déjà conquis ... La comédie musicale « Le Roi Lion »
a pris ses aises dans le décor doré de Mogador votre sourire aussi. Le ton est
donné d’emblée. Les frissons se font sentir dès les premières minutes des 2h40
de représentation. Il est en ainsi, à Paris, en version française, depuis le 04
octobre 2007, et à travers le monde, depuis plus de dix ans.
Voilà
plus de deux cent fois que Simba, le lionceau héros de ce conte tremble dans
les bras de Rafiki, les pieds dans le vide du haut du Rocher aux Lions sortit
de la scène. Il y découvre son futur royaume et ses sujets à quatre pattes.
Malgré les huit représentations hebdomadaires, dont deux le week-end, l’expression
peinte sur le visage de ce lionceau de papier mâché trahit le malaise. A ses
pieds se prosterne une vingtaine d’espèce animale, dont les impressionnantes
girafes de 7,90 mètres. C’était sans compter le millier de spectateurs,
éparpillés sur trois étages. Depuis mars 2008, plus de 300 000 français, tout âges confondus, ont assisté à
cette comédie musicale made in Broadway. Dans la pure tradition du musical
américain, la troupe n’assure aucune tournée en France, à l’instar de ces
passages australien, allemand, japonais ou anglais. Mais devant l’engouement
des français pour cette adaptation théâtrale du dessin animé éponyme de Dinsey
sortit en 1994, l’exploitant de cette œuvre théâtre contemporaine a prolongé
les représentations jusqu’au 03 août au 25, rue Mogador.
Julie Taymor, metteur en
scène et entre autre costumière, a gagné son pari. Depuis plus de dix ans, 45
millions de paires d’yeux ébahis ont déjà assisté aux représentations du « Roi
Lion », dans neuf mégalopoles et en cinq langues différentes. Un
phénomène ! Récompensé six fois par des Tony Awards, nominé trois fois à la
22e cérémonie des Molières (résultat ce lundi 28 avril), à l’affiche
du Théâtre Minskoff, à New York depuis fin 1997, cette mise en scène osée se
cesse de faire parler d’elle. 400 costumes, 200 masques, 100 instruments, 100
marionnettes, des dizaines de tableaux et de décors … A chaque représentation
115 personnes, dont 40 artistes, 17 musiciens, 50 techniciens et 8 membres du
personnels administratif s’activent sur la scène ou en coulisses.
Mais
ce dimanche soir, de cette fourmilière, le public ne saisit que les fresques
hautes en couleur, le timbre vibrant des rôles principaux, l’humour des choix
chorégraphiques, de la mise en scène d’herbe ou de marionnettes ou des
subtilités contemporaines des dialogues. De siège en siège interprétations et
exclamations vont bon train. Certains chantonnent aussi les reprises de titre
du dessin animé et s’enthousiasment de la liesse, parfois un peu gauche, des
deux jeunes interprètes de Simba et Nala. Grâce à la taille humaine du théâtre,
chaque auditeur devient partie prenante du show. Proximité et implication
mènent la danse. Les comédiens jouent avec tout l’espace, se moque des
délimitations de la scène. Et même les percussions ont pris place au balcon. Tout
Mogador rugit. Après chaque tableau important, les applaudissements
retentissent. Dans un zénith ou une plus grande salle parisienne, cette contiguïté
et cette complicité de l’audience n’auraient pas été possibles. Le spectacle
est donné pour le public, qui le reçoit de plus fouet et ne manque pas de
manifester son contentement. Un réel dialogue, où lorsque le babouin, Rafiki
interprété par Zama Magudulela, rit, le public s’esclaffe.
La
première partie, qui retrace l’enfance fougueuse de Simba semble séduire
davantage les spectateurs que la seconde, où une certaine philosophie du
courage, le sens du devoir s’imposent au futur roi de la jungle. Les scènes
sont moins mouvementées, peut-être moins colorées également, les tirades plus subtiles
malgré les boutades de Timon et Pumbaa toujours prêt à lancer leur
incontournable « Hakuna Matata ».
Le
mariage entre innovations technologiques (comme les mises au point de masques
amovibles pour les protagonistes) et recours aux traditions et à l’artisanat
africain (comme les marionnettes), entre spectacle grandiose et petite salle
chaleureuse, entre mise en scène d’un parcours initiatique universel et
anecdotes ou références contemporaines françaises, interpellation directe du
public, donne un ensemble des plus complets. Certains personnages de chair et
d’os disparaissent au profit des animaux qu’ils incarnent. Immersion garantie. Ce
musical traîne dans son sillage la magie des chants et contes africains, des
histoires qui font rêver et qui pourtant sont faites de trois fois rien, de
bric et de broc, de vie, et la grandeur des super productions américaines. Le
public parisien de ce dimanche soir ne s’y est pas trompé. Il a fini debout, applaudissant
à tout rompre, acclamant la troupe au complet.
Le Roi Lion, mise en scène
par Julie Taymor.
Site web du spectacle : http://www.leroilion.fr/
Jusqu’au 03 août 2008 au
Théâtre Mogador. Paris.
Site web du théâtre : http://www.mogador.net/
Distribution :
Rafiki : Zama Magudulela
Mufasa : Jee-L
Scar : Olivier Breitman
Simba (adulte) : Jérémy
Fontanet
Nala (adulte) : Léah
Vincent
Zazu : David Eguren
Timon : Christian Abart
Pumbaa : Fabrice de la
Villehervé
Shenzi : Céline
Languedoc
Et les 40 autres
comédiens, danseurs, chanteurs …
Julie Taymor, costumes et
co-création des masques et marionnettes, paroles et musiques aditionnelles.
Michael Curry, co-création des masques et marionnettes.
Garth Fagan, chorégraphie.
Richard Hudson, décors.
Elthon John et Mark
Mancina, musique.
Time Rice, paroles.
Stéphane Laporte,
adaptation du livret et des paroles pour la version française.
Michael Ward, création des coiffures et des maquillages.
Crédit photos : Théâtre Mogador / Roi Lion