Il y a des billets qu’on hésite à écrire. Certains ne sont jamais publiés, ni même écrits. Pour toutes sortes de raisons. Depuis ce matin, j’hésite. Parfois, j’ai pensé qu’il valait mieux me taire, garder cela pour moi. Et puis, voilà, en fin de journée, j’écris. Il y a 68 ans exactement, mes parents se mariaient, juste à la sortie de la guerre. Depuis lors, ils ont toujours fêté ensemble cet anniversaire. Sauf cette année. Parce qu’ils ne sont plus là.
En moins d’un an, ils sont tous les deux partis pour le dernier voyage. Quoi de plus normal quand on a 96 ou 98 ans et une vie bien remplie ? Quoi de mieux pour le survivant des deux de ne pas s’être trop attardé dans sa solitude ? Quoi de plus symbolique d’être parti avant de célébrer seul un anniversaire de mariage qui ne l’aurait plus été tout à fait ?
Néanmoins, mine de rien, cette journée fut difficile. Pour la première fois depuis ma naissance – tout comme mes frères et sœur plus âgés que moi – nous n’avons pas pu célébrer ces noces de granit. Peut-être est-ce aujourd’hui que j’ai vraiment pris conscience que c’était fini. Qu’il n’y avait plus personne au-dessus de moi dans l’arbre généalogique. Plus personne de vivant. Seules des lignes, des dates, des photos, voire des peintures.
Heureusement, aujourd’hui, pour la première fois, j’ai pu tenir dans mes bras mon premier petit-fils. Il a déjà 15 jours, mais les choses de la vie se font petit à petit, sans se presser. La chaleur, la douceur et l’abandon de ce corps tout menu m’ont envahi dans ce geste simple et naturel. Lorsque j’ai senti cette vie se blottir contre moi, j’ai inévitablement pensé à l’amour de mes parents. Ni l’un ni l’autre n’auront connu cet enfant – leur cinquième arrière-petit-enfant – mais la boucle était définitivement bouclée aujourd’hui.
La vie et l’amour continuent !