Destruction ou tentative de destruction d’espèces protégées en bande organisée

Par Baudouindementen @BuvetteAlpages

Dans son communiqué de presse "Battues à l’ours… Avis aux braconniers" daté du 5 août 2013, FERUS se réjouissait d'une nouvelle loi "bienvenue face au comportement outrancier des opposants aux grands prédateurs" précisant que la loi française a évolué et qu'il existe désormais un nouveau délit pour notamment « destruction ou tentative de destruction d’espèces protégées en bande organisée« , puni de 7 ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende.

La Buvette publie le compte rendu intégral des débats de la scéance du 27 mai 2013.

Article additionnel après l’article 10

M. le président. L'amendement n° 28, présenté par M. Dantec et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 2 du chapitre V du titre Ier du livre IV du code de l’environnement est complétée par un article L… ainsi rédigé :
« Art. L. …. – Le fait de commettre les infractions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 415-3 en bande organisée, au sens de l’article 132-71 du code pénal, est puni de sept ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende. »

La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Cet amendement est essentiel par son enjeu.
Mes chers collègues, nous le savons tous, le trafic d’animaux a pris aujourd’hui une immense ampleur à l’échelle internationale, au point de représenter quelque 7 milliards d’euros. Ce chiffre est comparable au montant des trafics de drogue ou d’armes.
Il y a une extrême urgence à lutter contre le trafic d’espèces protégées. De fait, ce fléau, qui sévit en Europe et dans le monde entier, se développe extrêmement vite. Le cas des rhinocéros en fournit aujourd’hui un exemple particulièrement parlant.
Ainsi, le présent amendement tend à insérer un nouvel article dans le code de l’environnement, pour punir les infractions visées aux 1°, 2° et 3° de son article L. 415-3 et commises en bande organisée. Il s’agit de réprimer très sévèrement – par des peines pouvant atteindre sept ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende – ce trafic tout à fait criminel.
Je le sais, l’Assemblée nationale a déjà consacré un débat à ce sujet. Si le groupe écologiste du Sénat dépose à son tour un amendement de cette nature, c’est bel et bien pour insister sur l’extrême urgence à agir pénalement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Odette Herviaux, rapporteur. Comme souvent, je souscris à la philosophie qui sous-tend les arguments de M. Dantec. Je suis donc relativement compréhensive au sujet de cet amendement. Néanmoins, Mme la ministre a d’ores et déjà annoncé le dépôt d’un projet de loi-cadre relatif à la biodiversité.
Sans se prononcer sur le fond de cette disposition, la commission souhaite reporter l’examen de ce type de mesures à la discussion de ce futur texte, afin de garantir la véritable cohérence de nos débats à venir.
En conséquence, j’émets un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Delphine Batho, ministre. Monsieur Dantec, j’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer, la disposition que vous défendez via le présent amendement figure déjà dans le projet de loi-cadre relatif à la biodiversité. Ce texte renferme une série de mesures destinées à renforcer les sanctions contre un certain nombre de trafics, notamment le trafic d’espèces protégées, que vise votre amendement.
Vous l’avez souligné, ce trafic est considérable – il représente quelque 2 milliards d’euros selon les Nations unies. Il est déjà réprimé par des amendes allant jusqu’à 15 000 euros et par des peines de prison allant jusqu’à un an. Néanmoins, nous devons encore introduire la notion de trafic en bande organisée pour pouvoir faire appel à un certain nombre de techniques d’enquêtes contre ces réseaux.
Cela étant, même si je reconnais la pertinence de votre amendement, je préfère que cette disposition prenne place dans le projet de loi-cadre relatif à la biodiversité. En effet, cette solution permettrait de garantir la cohérence d’ensemble du renforcement des sanctions pénales face à un certain nombre de trafics.
Pour illustration – je le déclare publiquement pour la première fois –, ce futur texte comportera des dispositions renforçant la lutte contre le trafic de pesticides interdits. Il s’agit là d’un sujet très important. De fait, ces substances font l’objet d’un certain nombre d’actes délinquants qui, aujourd’hui, ne sont réprimés qu’au titre de l’atteinte portée aux règles de commercialisation des pesticides : à ce jour, nous ne disposons d’aucun moyen juridique de lutter contre le trafic de pesticides prohibés.
Vous le constatez, sur ce point, la logique n’a pas conduit à introduire un amendement au titre de ce projet de loi. Il me semble préférable de garantir cette cohérence d’ensemble
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement.

M. le président. Monsieur Dantec, l’amendement n° 28 est-il maintenu ?

M. Ronan Dantec. Madame la ministre, j’entends bien vos arguments. Toutefois, l’urgence est telle face à un certain nombre de trafics qu’une action immédiate s’impose : il faut inscrire dans le code de l’environnement la notion de trafic en bande organisée, vous l’avez vous-même souligné. Je ne vois pas ce qui empêche d’adopter tout de suite cette disposition, quitte à l’introduire, demain, dans le projet de loi-cadre.
Je le répète, l’urgence est extrême. Voilà pourquoi je maintiens mon amendement, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Delphine Batho, ministre. Monsieur Dantec, je comprends votre position. Je suis réellement favorable à cette disposition. En somme, la question qui s’impose à nous relève essentiellement de l’organisation de nos travaux, en vue de la cohérence globale du régime de sanctions pénales.
Par conséquent, si vous décidez de maintenir votre amendement, le Gouvernement s’en remettra à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28.
(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 10.

Article 10 bis (nouveau)

Le code de l’environnement est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa du I de l’article L. 332-20 est ainsi rédigé :

« I. – Les agents des réserves naturelles sont habilités à rechercher et constater, sur le territoire des réserves naturelles dans lesquelles ils sont affectés, ainsi que sur leur périmètre de protection, les infractions aux dispositions du présent chapitre. » ;

2° Au premier alinéa de l’article L. 415-1, les mots : « définies à l’article L. 415-3 » sont remplacés par les mots : « aux dispositions du présent titre et des textes pris pour son application ». – (Adopté.)