7 août 2013 Les Echos Paris
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Si l’appel à l’expertise du Fonds monétaire international a permis de sauver l’euro au plus fort de la crise, l’implication de la BCE et la création d’outils financiers spécifiques rendent à présent inutile le recours à l’institution de Washington, estime un économiste.
Stéphane CosséLa décision du Brésil et d’un certain nombre d’autres pays de ne plus soutenir le programme du FMI en Grèce est venue opportunément reposer la question du soutien du FMI aux Etats membres de la zone euro.
Rappelons d’abord que l’intervention du FMI au sein de la zone euro ne va pas de soi. En effet, le FMI vient normalement en soutien d’un pays qui connaît un fort déséquilibre de sa balance des paiements, qui se traduit le plus souvent par une fuite des capitaux étrangers, une baisse des réserves de la banque centrale et une dépréciation de la monnaie nationale.
En venant prêter à nouveau des réserves, via un programme de soutien sous condition de réforme, le FMI vient rassurer les investisseurs et réinverser les flux vers le pays en crise. Or la balance des paiements de la zone euro est équilibrée et l'euro est une monnaie forte, ne justifiant donc en rien une intervention du FMI. C’est d'ailleurs, ce qui avait conduit Jean-Claude Trichet, en tant que gouverneur de la BCE, au début de la crise en 2010, à indiquer que le recours au FMI serait un échec pour la zone euro.
Des mécanismes propres
Le FMI est finalement intervenu dans la zone euro (Grèce, Irlande, Portugal, Chypre) pour trois principales raisons. L’une est simplement que rien n’avait été prévu pour faire face à une situation de faillite budgétaire d’un Etat de la zone euro. Le FMI était le seul outil financier disponible pour venir au secours des Etats faisant face à des besoins de financement à très court terme.
L’autre était politique : le FMI devait jouer son rôle de bouc émissaire, l’institution qui exige les conditions impopulaires du redressement, ce que les Etats de la zone euro n’étaient pas prêts à faire seuls. Enfin, ajoutons que l’expertise du FMI pour construire des programmes économiques en quelques semaines est incontestable et justifiait également un tel appui dans une situation chaotique.
Au cours des trois dernières années, la zone euro s’est toutefois mise en ordre de marcheAu cours des trois dernières années, la zone euro s’est toutefois mise en ordre de marche. D'une part, elle a mis en place les outils financiers de solidarité nécessaires. La BCE s’est dotée de l’OMT (outright monetary transactions), qui lui permet de venir apporter le financement d’un Etat à très court terme, justifiant ainsi l’expression du gouverneur Mario Draghi selon laquelle la BCE s’engage à faire “tout ce qui sera nécessaire” pour préserver l’euro.
Les instances de la zone euro ont par ailleurs créé le Mécanisme européen de solidarité (MES), qui de facto joue le rôle d'un Fonds monétaire européen, un instrument financier de prêts aux Etats les plus fragiles. Enfin, politiquement, les Etats les plus solides, à commencer par l’Allemagne, assument de mieux en mieux leur position, exigeant les mesures de redressement tout en se montrant solidaires (à travers, par exemple, des fonds d’aide aux jeunes ou aux PME).
Une option à mi-chemin existe
Dans ce contexte, n’est-il pas temps pour la zone euro de dire qu’elle peut se passer du FMI ? La seconde monnaie de réserve au monde ne peut-elle recouvrer son entière souveraineté et montrer qu’elle est capable d’être pleinement solidaire et protectrice vis-à-vis des siens ? Ne pas recourir au FMI aurait une double conséquence.
Financière, d’abord. Il faudrait combler les décaissements, d’ores et déjà marginaux toutefois, du FMI en Grèce, au Portugal et à Chypre. Or ces fonds sont maintenant disponibles via le MES. Politique ensuite, la zone euro serait laissée à elle-même et à ses faiblesses, notamment la faible convergence des économies au Sud et au Nord.
Mais les gouvernements ont voulu montrer ces dernières années que cette zone n’était pas seulement une union monétaireMais les gouvernements ont voulu montrer ces dernières années que cette zone n’était pas seulement une union monétaire, mais aussi un acte politique. Et le geste serait fort : après un passage difficile, la zone euro affirmerait être prête à affronter ses enjeux par elle-même (comme par exemple l’annulation ou non d’une partie de la dette souveraine de la Grèce, qui fait l’objet d’une divergence entre le FMI et la zone euro).
Avant de ne plus recourir au FMI, une option à mi-chemin pourrait toutefois être mise en oeuvre. Comme il le fait dans certains pays, le FMI pourrait signer avec les pays sous programme au sein de la zone euro des accords dits de précaution, et cela de concert bien entendu avec les instances de la zone euro. Il s’agit d’accord sans aide financière, mais sous forme de blanc-seing sur la conduite de la politique économique.
Ainsi, la zone euro préserverait son autonomie financière, tout en mettant à contribution l’expertise du FMI. Il s’agirait d’une première étape. Car la zone euro doit, au final, s’affirmer politiquement.
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- Article original – Les Echos fr
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- Les Echos