Pascale Reynaud est responsable de la recherche et de la sélection de programme vivant pour la radio Rire et Chansons. Rencontre avec cette femme pétillante passionnée par son métier.
Pascale Reynaud : Au départ j’étais professeur de portugais pendant quatre ans. J’adore l’enseignement et la pédagogie. J’ai fait beaucoup d’intérim pour gagner ma vie. Un jour dans le cadre de mon intérim, j’ai eu une mission à RTL et je me suis retrouvée au standard. Le jour où j’ai mis les pieds à Pacific FM je me suis dit : « C’est bon j’arrête de chercher je ferai n’importe quoi pour travailler dans une radio ! » Bien sûr ça a mis longtemps et quand en 1990 la radio a été rachetée par le groupe NRJ, elle est devenue Rire et Chansons et je suis restée.
YH : Ca fait donc 23 ans que vous travaillez chez Rire et Chansons. Beaucoup d’humoristes toujours présents actuellement ont commencé plus ou moins en même temps que vous. En avez-vous découvert ?
PR : On n’a pas découvert quelqu’un. Je n’aime pas ce mot découvrir. Pour tout vous dire, quand Rire et chansons a commencé à émettre, Dany Boon, Anne Roumanoff Chevalier et Laspalès, Muriel Robin, Les Vamps, Elie Semoun et Dieudonné, ils débutaient tous ! Pour vous donner un exemple, si à l’époque où Florence Foresti débutait, ou encore Gad Elmaleh il y a 10 ans, on ne les avait pas programmé on n’aurait pas fait notre boulot. Ce n’est vraiment pas une question de qui a découvert qui… On ne les a pas découvert, c’était eux et nous, parce que à l’époque, il n’y avait pas autant de choix que maintenant, donc forcément la rencontre entre eux et nous était inévitable. Je dirais plus qu’on a grandi avec eux et ils ont grandi avec nous.
YH : J’imagine que pour renouveler la programmation des sketchs diffusés sur la radio c’est un travail colossal. Comment le faites-vous ?
PR : C’est une autre partie de mon travail, qui est très importante en terme de temps. Je suis dehors tous les soirs pour voir des spectacles de gens que je ne connais pas. Je fais les festivals de l’humour et il y en a beaucoup en France. J’écoute aussi ce qu’on m’envoie à la radio, ce qu’on m’envoie par internet, ce qu’il y a sur youtube. Je fais de la recherche sur toutes ces formes.
Tous les mois, grâce à ces recherches, je fais les OPEN DU RIRE. Ce sont les 5 artistes que j’ai sélectionné dans ma recherche pendant le mois qui vont sur la scène du Grand Point Virgule et ils jouent chacun 10 minutes, tout en étant enregistrés. Une fois les sketchs montés, je les donne à la program
YH : Il n’y a pas la même demande avec un sketch pour la scène et un pour la radio. Qu’est-ce que vous avez besoin exactement pour qu’un sketch fonctionne à la radio ?
PR : Les contraintes radiophoniques sont énormes en plus de mes exigences. Faut pas que le sujet ait été traité 50 fois chez nous ou alors faut qu’il soit fabuleux avec un angle personnel ! Il ne faut pas de visuel, pas de comique de situation. Je me repère grâce à la salle, parce que moi si je ne rigole pas ce n’est pas le plus important. Mais si la salle rigole et que ce n’est pas trop vulgaire et pas trop agressif, ça me va !
YH : Comment expliquez-vous cela aux humoristes que vous choisissez ?
PR : C’est tout simple ! Je leur dis : « l’auditeur il est en voiture, il zappe sur rire et chansons, il n’a pas écouté le début du sketch, si ça le fait chier il n’ira pas jusqu’au bout et il est distrait par la circulation. En une minute il doit comprendre la situation, il doit rigoler même sans connaître le début et il ne doit pas attendre la fin pour rigoler. T’es capable de me fournir ça en 4 minutes ? » S’ils en sont capables, c’est bon pour moi !
YH : Avec la télévision, on le sait, tout va très vite ! Que pensez-vous de l’émission de Jamel Debbouze « Jamel Comedy Club » qui permet à des jeunes humoristes de se faire connaître ?
PR : Je suis hyper partagée. Le « Jamel Comedy Club » s’améliore parce que avant je trouvais ça vraiment communautaire, hyper segmentant, moi parler du « wesh wesh » toute la journée, ça me parle pas. Je résonne radio et surtout Rire et Chansons, il faut que ça parle à tout le monde. Donc si c’est systématiquement des trucs communautaires on s’enferme, nous il faut qu’on soit ouvert au maximum. Jamel Debbouze a pris un super virage, parce que la programmation est de plus en plus large. Ce sont des gens qui sont beaucoup moins communautaire, je pense que ça c’est super, parce que déjà il leur offre une scène, de la visibilité et tout le monde peut y aller. Après qu’est-ce que ça rapport aux humoristes ? Ca les aide à remplir leurs salles.
Le « Jamel Comedy Club » c’est sur canal. Ce n’est pas France 2, ça ne s’adresse pas au même personne et ça ne s’adresse surtout pas au même nombre de personne.
YH : Et celle de Laurent Ruquier « On n’demande qu’à en rire » sur France 2, qui a été arrêté en version quotidienne depuis fin juin ?
PR : Encore une fois le principe est bon, ça donne de la visibilité à des artistes qui n’en ont aucunes à la télévision. Au contraire du « Jamel Comedy Club » car tout le monde n’a pas Canal +, ONDAR passait aux heures de grandes écoutes sur France 2. Les spectateurs pensaient découvrir des gens talentueux qui pour moi avaient tous 5 ou 10 ans de boulot derrière eux : Arnaud Tsamère, Arnaud Cosson, Garnier et Sentou, Nicole Ferroni, Olivier de Benoist, Jeremy Ferrari. Tous ceux qui ont fait le succès des deux premières sont des mecs qui ont un spectacle béton. C’est des gens qui étaient déjà bons. Voilà la force des deux premières années. Après ils sont tous plus ou moins partis, je ne sais pas ce qui s’est passé avec Laurent Ruquier, mais lors de la dernière saison que je regardais, j’ai trouvé ça plus mauvais. D’ailleurs il y en a très peu que j’ai mis sur mes OPEN DU RIRE : Sacha Judaszko, Artus, Ahmed Sylla. Ce que je trouve triste c’est qu’ils ont gâché une carte terrible pour les humoristes en faisant une programmation moyenne. Pour moi, la dernière saison ressemble plus une scène ouverte qu’à un programme solide comme ils nous avaient habitués lors de deux saisons précédentes.
PR : Oui ! Que ce soit le « Jamel Comedy Club » ou « On n’demande qu’à en rire » c’est à double tranchant. Si on te donne une visibilité et que tu donnes envie au gens de venir te voir parce que t’es bon, mais qu’une fois qu’ils sont dans la salle ils ne rigolent pas ! C’est pire que tout, le buzz est raté.
YH : Quels sont vos conseils pour les jeunes humoristes qui percent ou qui veulent percer dans ce milieu ?
PR : Le travail et des qualités humaines importantes ! Tu as des gens qui ne sont pas doués mais à force de travail, d’intelligence, d’humilité, d’ouverture d’esprit, de générosité, un ensemble de qualité humaine qui font qu’ils évoluent, qu’ils progressent et au final ça marche.