Une atmosphère étouffante. « La chaleur », qu’on se dit, et cet été brûlant aurait facilement pu nous servir d’alibi, mais il y a autre chose dans l’air que ces effluves de houblon réchauffées. C’est assez absurde, cette excitation, alors qu’on sait pertinemment que ce qui va suivre nous clouera sur place, plutôt que nous faire nous agiter dans nos t-shirt déjà mouillés. Une ambiance pesante qui sent (fort) l’impatience, et une nervosité à peine contenue.
Sur l’estrade également. A tel point qu’il faut partir à la recherche de l’ingé’ son qui s’est fait la malle et que merde, faut que ça commence, là.
Une rapide intro, et très vite, « Slides By ». Pour ceux qui n’attendaient qu’elle, la voilà, le paradoxe même, qui conjugue à la perfection la finesse du verbe et l’imposante présence de James P. Honey, la légèreté de sa déclamation et le lourd silence qui règne dans l’assistance.
Quelques mots adressés au public, mais c’est à se demander s’ils le sont vraiment, tant les morceaux se suivent promptement, comme interrompant une discussion qui n’a de toute façon pas lieu d’être. Une verve incontrôlable, qui nous prend vite au ventre, d’une drôle de manière, presque malsaine. « F. Breavman », « Cello Dub », « Stuffing A Chest », entre autres, mêlant accords doucereux de guitare, violon et violoncelle.
Certains apparenteront peut-être les mains de Honey, agrippant désespérément son t-shirt, à un certain maniérisme. Mais les sentiments qui émanent de cette poésie incisive, soyez-en certains, ne peuvent être feint. Je me serais bien moi-même arraché le haut, si ça n’aurait pas été tout bonnement indécent, me contentant de rejoindre le perchoir du DNA, pour reposer mes jambes chancelantes.
Derrière chaque morceau ; les chœurs. Le DNA n’avait certainement jamais connu de robes aussi longues que celles de ces jeunes femmes, mais fort est à parier qu’il n’avait non plus jamais entendu d’aussi harmonieux accompagnements vocaux, réels catalyseurs d’émotion, soutenant avec grâce l’énergie sourde du devant de la scène.
Les titres davantage teintés de folk sont « jolis », certes, mais ne sont pas aussi corrosifs que les autres, car force est de constater que les morceaux les plus impressionnants sont ceux qui sont parlés, si pas crachés, bruts, cassants, d’une agressivité mêlée à un calme apparent désarçonnant. On les gardera tout de même pour les jours sans bourbon.
Au milieu de tout ça, un grondement de tonnerre, une bagarre, un roulement de tambour, des éclats de verre et de voix. Le groupe, pénétré, ne semble pas vraiment s’en rendre compte, si bien qu’on se demande si tout ce bruit ne fait pas partie intégrante du concert. Probablement pas, mais qu’importe, A Band Of Buriers a réussi à absorber ce fracas, à le retenir à l’intérieur de son propre son, comme il l’a fait pour notre souffle.
Review : Elisabeth Debourse
Photos : Pablo Fleury