Pour mémoire et pour rappel…
Dans une conférence sur « La profession et la vocation de politique » de 1919, Max Weber, distingue « éthique de conviction » (ou « éthique absolue ») et « éthique de responsabilité ». Selon Weber, « l’éthique absolue ne s’interroge précisément pas sur les "conséquences" », là où « le devoir de vérité » y « est inconditionnel ». Á l’inverse, pour l’éthique de responsabilité, « on doit assumer les conséquences (prévisibles) de son action ». Ce qui sépare ces deux éthiques, c’est donc l’attention ou pas aux effets de ce qui est dit et fait.
Il n’en fallait pas davantage pour que d’aucuns se précipitent et saisissent la balle au bond : après la realpolitik (1) voici donc la réal-sociologie !
Merci Monsieur Weber !
Dorénavant, qu’on se le tienne pour dit : « Ce qui est… n’est pas… ou plus ! » Désormais, ce qui importe n’est pas ce qui est mais ce qui doit être car dans les faits, ce devoir de responsabilité n’a qu’un souci : faire en sorte que celui qui le dise puisse continuer de prospérer socialement et professionnellement ; pour le dire autrement : qu’il n’ait pas d’emmerdes !
Réal-sociologie donc… sociologie responsable qui, si elle n’en pense pas moins, taira néanmoins la partie qui pense… et ce afin de conjurer les démons de la tentation d’un soi-disant fascisme toujours à l’affût… vieille lune d’un faux-gauchisme soucieux de ne pas faire le jeu d’un « tous pourris » socialement dévastateur… et cela va sans dire mais mieux en le disant : sociologie complaisante à l’idée de ménager tous les acteurs, hommes et institutions d’une mondialisation sans scrupules (2) au détriment de la vérité des conditions de vie d’êtres humains qui, privés d’échappatoire, sont dans l’obligation d’assumer toute leur vie durant ce qu’on appelle « le principe de réalité »… le tout empaqueté dans une sociologie d’Etat qui n’est qu’un gigantesque euphémisme car, si à mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde, à ne plus rien nommer du tout ni personne, c’est sans aucun doute ajouter non seulement à l’incompréhension de ce même monde mais c’est aussi ajouter à toute la lâcheté dont un être humain est capable face à sa responsabilité vis-à-vis de ses frères humains qui, eux, triment dans des emplois sans avenir et sans âme et qui à terme auront raison de leur santé mentale et physique - sang versé par le travail au capital ; responsabilité a pour objet : qui fait quoi, où, à qui, pourquoi, comment et pour le compte de qui.
Mais alors, aujourd’hui, où finit l’éthique de responsabilité et où commence, en sociologie comme dans d’autres disciplines (l’histoire ?), la quête d’une réussite sociale aux titres universitaires ronflants, aux postes prestigieux, aux invitations sans nombre dans les médias, aux publications estampillées « PUF » ou Presse de sciences-po, sans oublier le « must » absolu : les grandes et prestigieuses écoles étasuniennes réservées aux fils de millionnaires ?
Ne déranger personne et surtout pas ceux qui ne vous pardonneront pas de les avoir sortis de l’ombre dans laquelle ils se complaisent à l’abri des regards indiscrets de leurs victimes qui se comptent par dizaines de millions...
En ce qui concerne le dernier né de cette sociologie de responsabilité, un dénommé Philippe Corcuff, plus aucun doute n’est permis : son éthique de conviction finit là où son éthique de responsabilité dont il recommande vivement l’exercice, commence ; éthique qui cache mal le désir d’intégrer, en ce qui le concerne… passé le cap de la cinquantaine d’une bonne espérance qui ne cesse d’espérer en des jours meilleurs, voire… prospères, le gratin des discoureurs et des bavards médiatico-universitaires.
Car enfin… dites-moi dans le domaine de l’analyse critique quelles sont vos cibles et je vous dirai quel avenir social et professionnel vous convoitez !
Or, notre Corcuff pour lequel toutes les critiques qui lui sont adressées sont systématiquement rangées dans la case « ressentiment »(3), a pour cibles récurrentes : les essayistes Michéa et Badiou, le mensuel Le Monde diplomatique, les dissidents qualifiés par les médias dominants de « conspirationnistes », les pourfendeurs de l’alliance PS-EELV, le péril fasciste orchestré de préférence par le PS, Mélenchon, les anti-Européens du traité de Lisbonne, tous autant qu’ils sont… grands exploiteurs du monde salarié – cela ne nous aura pas échappé ! -, suppôts haïssables et acteurs d’une idéologie du profit et de la guerre des salaires tête-pensante d’un marché mondialisé triomphant qui aura bientôt tout emporté : Etats, démocratie, nations, peuples, liberté, indépendance ; des milliards d'êtres humains livrés à la logique d'un monde économique, un monde sans morale et sans esprit autre que mercantile et qui, à terme, n'habiteront plus aucun monde.
Ces cibles, tous les Corcuff de ce lumpenprolétariat-intellectuel le savent, sont la condition sinéquanone pour quiconque souhaite s’intégrer dans le paysage intellectuel, comme par exemple, voir ses « papiers » acceptés par Libé et le Monde, hauts lieux de la dissidence et de la critique de cette mondialisation sans honneur ni justice comme chacun sait… tentation auquelle notre Corcuff de référence résiste rarement.
Car enfin, dites-moi quels lecteurs vous cherchez à toucher et je vous dirai quelle conscience pénétrante accompagne chacune de vos publications.
Ancien membre du NPA, notre Corcuff maintenant emblématique se dit « libertaire » membre de la fédération anarchiste ; autant dire que cet individu complaisant avec lui-même qui n’a de cesse de singer ses pairs - « monkey see, monkey do » -, leur syntaxe et leur vocabulaire indigent et désincarné , a fini comme tant d’autres, par botter en touche avant d’aller à la pêche à la ligne, maintenant inoffensif, voire… anecdotique et trivial, tout en mettant dans le mille socialement : en effet, rien n’est plus sympathique qu’un libertaire même anarchisant.
Ramasse-miettes d’un système qui n’a qu’une seule exigence, la soumission, en péripatéticienne d’une réalité aux fesses écartées, pour une meilleure exposition, orifice grand ouvert, sociologie buccale aussi… et quand elle avale… là… mon Dieu, alors là ! Cette réal-sociologie ne connaîtra pas de repos : on la sollicitera jour et nuit, dimanches et fêtes...
Pour tous les Corcuff de la planète « Je pense donc je suis », libertaires de surcroît, la Banque et les marchands de canons donc (rapport à leurs publications dans la presse) ; et en ce qui concerne notre Philippe Corcuff en particulier, la philosophie de comptoir d’un Onfray dont il se dit proche ainsi qu’un soutien inconditionnel, servile et béat en tant qu’abonné passe-plats au journal Médiapart qui n’a pas que des défauts et dont la vocation première consiste à nous éclairer sur les frasques d’une partie de notre classe politique et économique comme autant d’os qui lui sont donnés à ronger – mais que voulez-vous, personne ne choisit ses informateurs sans lesquels rien n’est possible pour les journalistes comme pour les flics -, car pour le reste : les analyses économiques et géopolitiques de ce journal en sont encore à un stade embryonnaire, et dans le meilleur des cas : stade infantile.
Prêté pour donné et rendu, là encore, sans doute ce journal sait-il jusqu’où ne pas aller trop loin, un peu à l’image de sa groupie qu’est Philippe Corcuff et avec lui tous les Corcuff tâcherons d’une sociologie croupion et absconse à dessein ; en effet, leurs analyses et publications à tous n’ont qu’une seule raison d’être : la carrière, la carrière, la carrière, encore et toujours la carrière… une carrière en forme de trou de balle pour mange-merde et autres schtroumpfs d’une intellectualité au service d’une organisation de l’existence qui ne récompense que la soumission même et surtout libertaire et anarchisante.
Mais alors... qui demain acceptera de se coltiner ce réel, lieu de tous les risques, de tous les dangers et parfois aussi, lieu de tous les interdits et tous les refus, là où l’on ne vous remettra aucun palme pour l’avoir fait, là où il n’y a que des coups à prendre et là aussi où tous les coups sont permis de la part des détracteurs d’une lecture du réel vertigineux.
Qui trouera la peau et le cul de ce réel-là ?
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1 - Tout ce qui ne nous sera pas accordé d'espéer ni de vivre et que l'on n'arrachera pas non plus à une organisation de l'existence dont le contrôle nous échappe pour le plus grand bonheur d'une oligarchie mondiale vorace qui n'en a jamais assez de notre sueur, de nos larmes et de notre sang.
2 – On a caché les crimes staliniens pour ne pas désespérer Billancourt - celui d'une classe ouvrière qui votait communiste. Aujourd’hui, aux sociologues, il est fortement conseillé de cacher un autre fascisme, taillé sur mesure celui là, et dans le marbre, jour après jour, nation après nation, culture après culture, être humain les uns après les autres… à savoir, le fascisme d’une mondialisation contrôlée par les multinationales et la pègre ; un fascisme loi d’airain du fric et du pilonnage permanent des humbles et des relégués au nom d’une justice sociale emballée dans les cartons d’une science économique sans visage, sans morale et sans honneur ; loi qui ordonne la fin des toutes les controverses et de tous les débats.
3 – Dites-moi où vous placez le ressentiment et je vous dirai si oui ou non vous avez déjà commencé de vous vautrer dans une éthique de responsabilité qui n’est dans les faits que de l’arrivisme sociale et professionnelle.
Et à ce sujet, on ne questionnera sans doute jamais assez comment en trente ans on est passé de la critique légitime et reconnue comme salutaire, une critique au service de la justice sociale, à ce qu’il est maintenant convenu d’appeler « le ressentiment » pour disqualifier toute analyse critique de ces mêmes rapports sociaux ? Détournement pratiquée en priorité par cette "gauche" qui toujours trahit et par ses pique-assiettes.
Et puis ceci encore : comment Nietzsche, penseur profondément et essentiellement anti-politique, voire a-politique, a-t-il pu servir de référence et point d’appui dans ce domaine ?
Concomitance troublante, on ne manquera pas de noter que ce détournement concerne aussi le terme « conspirationniste » pour discréditer toutes les tentatives d’investigations d’une réalité que l’on voudrait nous cacher.
Ressentiment contre justice sociale, conspiration paranoïaque contre investigation... la boucle est maintenant bel et bien bouclée. A quelle fin ? Devinez !