Durant l’été, nous vous proposons de découvrir ou redécouvrir certains articles « à succès » publiés cette année sur le blog Finance & Stratégies.
La mondialisation a accentué le caractère global de certains risques, nouveaux ou en cours de développement. Changements climatiques, nanotechnologies, ondes électromagnétiques des téléphones portables, bisphénol A, risques cyber, terrorisme, résistance bactérienne aux antibiotiques‌
tous font partie des risques dont on connaît mal les conditions de survenance et le niveau d’impact.
Ces risques émergents se distinguent par leur devenir non prévisible. Dans un monde à évolution ultra rapide, ils représentent un enjeu considérable le secteur de l’assurance car c’est elle qui porte les risques en dernier recours, via la responsabilité civile employeur, la responsabilité produit, ou encore la responsabilité environnementale ‌
L’amiante en a certainement été l’exemple le plus significatif. Largement utilisé pendant tout le XXe siècle comme isolant, ses effets nocifs ont été rendus publics à la fin du XXe siècle, entraînant de nombreuses reconnaissances en justice de cancers comme maladies professionnelles.
L’industrie, et par extension l’industrie de l’assurance, a donc été largement touchée, avec des montants de sinistres cumulés s’élevant à plusieurs milliards d’euros, poussant même certaines compagnies à la faillite.
Pour les assureurs, la question est donc aujourd’hui d’être en mesure de déterminer quel sera l’amiante du futur et d’en anticiper sa survenance et ses conséquences, à la fois pour la sécurité de leurs assurés et par extension pour leur stabilité financière.
Le panorama des risques émergents : La « méta-cartographie » du World Economic Forum
Le Global Risks Survey du World Economic Forum a établit un panorama des risques émergents. Cette « méta-cartographie », établie chaque année sur la base d’un sondage réalisé auprès d’experts, en constitue un panorama exhaustif.
Ces risques sont répartis en cinq catégories : économiques, technologiques, environnementaux, géopolitiques et sociétaux. Ils sont caractérisés par leur impact potentiel et par leur probabilité de survenance. Le tableau ci-dessous recense les cinq risques présentant la combinaison (impact-probabilité) la plus importante au sein de chaque catégorie.
Les enjeux assurantiels des risques émergents
Pour un assureur, les risques émergents ont des caractéristiques fondamentales spécifiques :
- leur existence ne peut pas toujours être démontrée de manière certaine
- ils sont très évolutifs dans le temps
- le lien entre risque et sinistre est souvent difficile à démontrer (par exemple pour les risques entraînant des cancers après plusieurs années)
- leur impact financier peut être important (sinistres dus à l’amiante estimés à plus de 8 milliards d’euros sur la période 2009-2040 au Royaume Uni)[1]. Cet impact ne peut pas être quantifié de manière précise, les techniques actuarielles de gestion des risques étant difficilement applicables.
L’absence de données historiques rend impossible toute prévision chiffrée d’impact, ce qui constitue un défi de taille pour l’assureur au moment de la souscription et surtout de la tarification des risques.
Le suivi des risques émergents est une exigence réglementaire
La gestion des risques émergents doit faire partie intégrante du processus de gestion des risques (ERM Enterprise Risk Management) et constitue un critère de notation pour Standard and Poor’s dans le cadre de sa revue ERM des assureurs.
De plus, dans le cadre de la mise en application de la directive Solvabilité II, les autorités de contrôle devront disposer des moyens, méthodes et pouvoirs appropriés pour évaluer les risques émergents détectés par ces entreprises et susceptibles d’affecter leur solidité financière (Section 2 – Article 41-5).
Les approches du suivi des risques émergents sont diverses
Les principaux acteurs de l’assurance et de la réassurance ont mis en place des dispositifs de suivi, à travers des équipes dédiées dans l’identification, la priorisation et l’anticipation de ces risques. Compte tenu de leur nature, la gestion des risques émergents doit reposer sur une double approche à la fois qualitative et quantitative.
L’approche qualitative repose sur un processus de veille visant à détecter et suivre les risques émergents. Cette veille peut être effectuée en interne (via des échanges continus avec les souscripteurs ou les directions techniques). La veille peut également être menée en externe via des outils de veille numérique afin de détecter rapidement la survenance d’événements susceptibles de faire évoluer les risques, publications scientifiques, décisions de justice, évolutions réglementaires, changement de la perception des risques au sein de la société… Les risques peuvent ainsi être priorisés et cartographiés en continu. La constitution de groupes de travail composés d’experts peut ensuite permettre de réfléchir sur les règles de souscription et/ou sur les stratégies de réassurance à envisager.
L’approche quantitative du processus de gestion des risques émergents est délicate car ils sont par définition difficilement quantifiables. L’élaboration de scénarios peut permettre de suivre leurs poids financiers mais, compte tenu de la forte approximation de l’exercice, c’est surtout la tendance sur plusieurs années qui sera analysée et surveillée.
C’est l’assureur qui détermine ensuite sa politique de communication en interne et en externe sur ces risques ainsi que la gouvernance correspondante, notamment pour tout ce qui va concerner les stratégies de réassurance ou de limitations d’exposition.
Depuis 2005, les principaux assureurs et réassureurs ont constitué un groupe de travail au sein du CRO Forum (Emerging Risks Initiative), afin de partager leur connaissance sur les risques émergents et d’approfondir les risques les plus sensibles. Un Position Paper est ainsi publié chaque année, donnant une vision de l’industrie de l’Assurance sur un risque émergent donné. Les dernières publications étaient liées au vieillissement de la population, aux nanotechnologies, à la responsabilité environnementale et aux risques de blackout électrique‌
La gestion des risques émergents est une source d’opportunités à long terme
Enfin, une gestion des risques émergents performante peut être synonyme d’opportunité à long terme pour un assureur. En effet, dans le cas où les risques émergents sont bien identifiés et anticipés, les assureurs peuvent alors saisir l’opportunité d’innover en créant des nouveaux produits adaptés aux demandes naissantes des assurés (cyber assurance‌).
Ce sont alors les assureurs ayant anticipé au mieux les risques émergents et ayant adapté en conséquence leurs produits qui seront en mesure de répondre efficacement aux futurs besoins du marché‌
[1]UK Asbestos Working Party Update 2009
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