Avec un premier album, Forty Eight Hours, où il navigue entre électro eigthies, new-wave pour un résultat de cold-pop époustouflante, Yan Wagner s’est rapidement fait un nom sur une scène électronique pourtant déjà surpeuplée. Il se démarque facilement de la multitude de groupes new-wave par des beats glacés originaux et originels et des DJs en tout genre par une voix profonde de crooner.
Signé chez les éclectiques et réputés Pschent Music, Yan Wagner délivre une pop résolument froide, distante et pourtant catchy et dansante. Impossible de ne pas se jeter sur le dancefloor lorsque résonnent les premières notes de synthé de Recession Song. Impossible de résister aux impulsions répétées et si tentantes de Changed ou Follower. Un album hypnotique et grand, premier d’une grande série ? On le pense et l’espère très fort.
On a eu la chance de pouvoir lui poser quelques questions aux Vieilles Charrues : entretien avec un esprit électronique si humain.
« Je crois pas au pionnier, à ce mec qui d’une main de fer va révolutionner la musique, ça n’existe pas ça. C’est des phénomènes de sociétés, des évolutions technologiques etc. »
ATD. Tu peux te présenter rapidement ?
Yan Wagner. Je suis Yan Wagner (rires), je suis musicien et je fais de la musique électronique, de la pop électronique avec des influences techno et disco, et new wave aussi. J’ai fait beaucoup de musique avant, d’autres projets et depuis 4 ans je fais ça sous mon nom. C’est conçu au départ comme quelque chose de vraiment solo, j’ai tourné seul pendant ces 4 années, mon premier disque (Forty Eight Hours, ndlr) est sorti en octobre. J’ai recruté ensuite les deux types là (rires, ils avec nous, ndlr), Alexandre aux « machines » et percussions électroniques et Remy qui fait les cœurs et claviers en live. Je pense que ça permet de faire vivre les morceaux un peu plus en live. On travaille ensemble depuis presque un an maintenant.
ATD. Tu joues aux Vieilles Charrues cet après-midi, est-ce que tu penses que c’est plus dur de jouer ici où les gens vont pas forcément te connaître que devant ton public lors de tes lives ?
Yan Wagner. C’est plus difficile c’est sûr. Quand tu joues devant ton public tu as quelque part fait la moitié du boulot. Après tu peux les décevoir, ça nous est pas encore arrivé, on a généralement un accueil plutôt bon sur nos dates à nous. En festival, il y a un vrai défi qui est de faire venir les gens et de les garder parce qu’ils se passent d’autres trucs à côtés. Mais c’est hyper excitant. On a fait Montreux, Musilac et les Francofolies la semaine dernière et c’est vraiment excitant comme expérience.
ATD. Qu’est-ce que tu penses, ou que tu aimerais, que les gens fassent en écoutant tes chansons ?
Y.W. Ils peuvent faire plein de choses…danser déjà. S’ils dansent, même tout seul chez eux c’est déjà une réussite. Ils peuvent faire des bisous (rires) …plein de choses. Si ça leur donne envie de faire des choses, c’est bien. Si ça leur éveille des images, si ça leur éveille des érections, ça c’est bien aussi (rires). On la garde pas mais tu vois ce que je veux dire.
ATD. Ta musique est assez influencée par les années 1980 et c’est quelque chose que l’on retrouve beaucoup depuis longtemps mais de plus en plus aujourd’hui j’ai l’impression.
Y.W. Je trouve que cette décennie est vraiment importante pour la musique parce que tu as la techno qui est née à ce moment-là, la house aussi, le synthé qui est vraiment devenu un instrument majeur de la musique populaire. Et comme moi je suis d’abord un grand fan de son, de synthé, j’adore les machines, je pense que c’est ça qui m’a poussé à faire ce genre de musique. J’ai jamais été excité par la guitare ou ce genre de choses alors que les sons électroniques m’ont toujours parlé depuis mon adolescence. Après de manière plus générale, c’est quelque chose qui revient régulièrement, il y a 15 ans avec l’electroclash de Miss Kittin, The Hacker etc, c’est déjà revenu. Je trouve que ça fait maintenant vraiment partie de la musique et que ça ne part et ne revient pas, c’est juste là, ça fait partie de la grammaire musicale, du vocabulaire qu’on peut utiliser
ATD. Et qu’est-ce que tu penses qui différencie les groupes qui se contentent de copier ces sons des groupes qui vont réussir à les utiliser mais en ajoutant leurs propres touche et ainsi faire « avancer » la musique?
Y.W. Ça c’est vraiment difficile d’y répondre. Difficile parce que, déjà je ne pense pas qu’il y a beaucoup de musiciens qui commencent la musique en se disant : « j’vais faire quelque chose qui va tout révolutionner ». Je pense que c’est quelque chose qui se fait de manière totalement inconsciente et quand ça arrive, c’est par courant. Je ne crois pas au pionnier, à ce mec qui d’une main de fer va révolutionner la musique, ça n’existe pas ça. C’est des phénomènes de sociétés, des évolutions technologiques etc. Je pense qu’il n’y a pas de réponse à cette question, seulement plein de possibilités.
ATD. T’as une voix assez particulière, grave et profonde, est-ce que ça a influencé la musique que tu composes ? Tu t’es déjà dis « t’façon j’pourrais jamais faire ça » ?
Y.W. Je me complais pas mal dans mon timbre naturel, je vais pas forcément chercher plus haut, chose que j’aimerais peut-être faire un peu plus tard. Mais c’est sûr que comme ce projet était fait pour des chansons, les compositions se font pour qu’il y ait de la place pour la voix à cette hauteur-là donc ça influence forcément ma musique.
« Retravailler un morceau folk avec des synthés, avec cette sensibilité électronique est très intéressant »
ATD. On a parlé des années 80 dont tu t’inspires, c’est quoi tes principales influences ?
Y.W. Elles ne sont pas forcément des années 80 justement. Il y a évidemment New Order mais aussi la techno de Détroit donc t’es déjà à cheval entre les années 80 et 90. J’suis un grand fan de Juan Atkins et d’Underground Resistance. Il y a aussi la techno allemande mais elles s’étendent vraiment plus loin. Le funk avec George Clinton et ce genre de musique et des choses encore plus anciennes, des chanteurs comme Lee Hazlewood qui m’influencent d’une certaine manière sans que ça se ressente vraiment dans la musique.
ATD . Ok, très large donc. Tu composes mais tu remixes aussi. Aujourd’hui, il y a beaucoup de musiciens de la scène électro/house qui se font connaître par leur remixes, tu penses que c’est une étape obligatoire ?
Y.W. Nan pas du tout, ça peut même devenir un travers, le mec qui fait que des remixes et sort son album trois ans après, c’est pas évident. Je pense que tu peux t’enfermer dans un truc de remixes et avoir beaucoup de mal après pour composer tes propres morceaux. Après, je peux pas parler pour les autres, pour moi c’est un bon moyen d’améliorer mes capacités. Il y a une certaine exigence qui va avec, tu dois rendre ça à l’heure, tu peux pas rendre quelque chose qui sonne mal donc en terme de production c’est quelque chose qui me fait progresser. Tu es aussi obligé d’utiliser des parties des morceaux qui sont imposées, c’est un vrai exercice mais sans réelle méthode.
ATD. Tu parles de remixes qu’on t’a demandé de faire, parce que tu peux aussi choisir de remixer tel ou tel morceau.
Ouais, après pour moi, la plupart du temps, c’est des demandes qu’on me fait, de labels ou d’artistes directement. Parfois on me laisse le choix entre trois morceaux et tu choisis celui qui te plait le plus, ou celui qui te plait le moins, ça peut être intéressant aussi. Quand tu t’attaques à un morceau qui est déjà génial, tu as peur de le remixer, tu sais pas quoi faire de plus. Le dernier remixe que j’ai fait, c’est Alex Rossi un chanteur français qui chante en italien, le morceau s’appelle « Ho Provato Di Tutto ». Pour celui-là c’est moi qui me suis proposé de le faire, je voulais absolument essayer parce que la chanson me parlait et que j’avais envie d’en donner ma version.
ATD . Tu me disais que t’as enchaîné les festivals dernièrement, t’as eu le temps de voir qui jouais ici ? Quelqu’un que tu veux voir ?
Y.W. Neil Young qu’on a tous les trois très envie de voir, on va rester jusqu’à deux/trois heures je pense pour ça. C’est vraiment quelqu’un qu’il faut voir je trouve.
ATD. T’as sorti cet album en octobre 2012, là tu tournes pas mal, c’est quoi la suite pour toi ? T’as des projets précis en vues ?
Y.W. La suite c’est l’album 2 dont l’enregistrement va surement commencer à la rentrée. Ce sera assez différent je pense, il y aura toujours des synthés etc, mais différent. On n’a pas commencé l’enregistrement du tout donc je peux pas trop t’en dire plus pour le moment.
ATD. Ok, cool ! Est-ce que tu peux me dire quelque chose que personne sait sur toi ?
Après quelques minutes à chercher et trouver des trucs qu’il préfère finalement garder sous silence.
Y.W. La chartreuse, j’adore la chartreuse, on va prendre ça même si ça commence à se savoir (rires).
ATD. Tu peux te décrire avec une chanson ?
Y.W. Oh la vache, c’est impossible. Attend, une chanson de Lee Hazlewood je pense, Some Velvet Morning avec Nancy Sinatra que je trouve magnifique. On a fait une reprise et je pense que ce serait ça même si c’est évident que tous les ans on a une chanson ou deux qui nous marque, même beaucoup plus souvent en fait. Attends, ça pourrait être aussi «When I Was Seventeen It Was A Very Good Year » de Frank Sinatra, magnifique chanson.
ATD. Et ce genre de chanson, t’aimerais les remixer ?
Y.W. Carrément ouais. Justement, reprendre Lee Hazlewood qui est vraiment sixties, un peu folk etc et le retravailler avec mon attirail, les synthés et cette sensibilité électronique, j’ai trouvé ça vraiment intéressant. Et Sinatra j’adorerais aussi, une chanson aussi magnifique.
ATD. Pourquoi tu le fais pas alors ?
Y.W. Je l’ai fais pour Lee Hazlewood et je vais le faire pour Sinatra, faut me laisser le temps bordel (rires). Mais c’est vraiment quelque chose dont j’ai envie, de pouvoir totalement changer de contexte c’est super, j’adore.
On espère qu’elle arrive vite alors cette reprise, ou ce remix qui sait.
Merci à Yan, Alexandre et Remi pour avoir été super cool pendant l’itw et à pour avoir réussi à nous la caler.