L'allocation universelle, une immoralité ?

Publié le 05 août 2013 par Copeau @Contrepoints

L'allocation universelle divise chez les libéraux. Pour Alain Wolfensperger (Sciences Po), elle est même immorale.

Par Alain Wolfelsperger(*).

On appelle « allocation universelle » une somme d'argent périodiquement versée par l'État à chacun des membres de la société considérée sans aucune condition relative à ses revenus, ses besoins, l'exercice ou la recherche d'une activité économique (notamment salariée), la nature de ses relations (maritales, par exemple) éventuelles avec d'autres personnes, etc. En fait, dès que la société considérée n'est pas l'ensemble de la communauté humaine dans le monde, il y a au moins une condition de nationalité ou de résidence à remplir pour y avoir droit (d'où le nom de « revenu de citoyenneté » que certains, comme le philosophe Jean-Marc Ferry, lui donnent). On pourrait certes soutenir que l'universalité qui apparaît explicitement dans la manière de désigner l'allocation implique cette inconditionnalité quasi-parfaite mais on pourrait aussi imaginer que tout le monde n'ait droit à quelque chose que sous certaines conditions. C'est pourquoi, si ceci n'avait pas l'inconvénient d'alourdir encore la formule, il serait préférable de parler systématiquement d'allocation universelle inconditionnelle car cette caractéristique est essentielle.

On donne aussi à cette allocation universelle (ou AU dans ce qui suit) les noms de revenu de base, revenu d'existence, dividende social, etc. mais je m'en tiendrai à l'appellation la plus courante dans notre pays.

Concrètement on peut imaginer que cette allocation universelle prenne la forme d'un chèque que, jusqu'à la fin de ses jours, chacun recevrait à son domicile ou d'un versement fait automatiquement sur son compte en banque au début de chaque mois sans avoir à faire rien d'autre que d'avoir un jour signalé sa qualité de citoyen ou de résident du pays considéré.

"AU" et "projet d'AU"

J'appelle « projet d'AU » l'ensemble des mesures que l'État envisagerait de prendre de manière intégrée et simultanée par rapport à la mise en place de l'AU. Ainsi l'AU ne serait que la pièce maîtresse d'une politique de portée plus générale. J'insiste sur l'importance de faire porter la discussion sur l'ensemble du projet en ce sens et pas seulement sur les avantages et les défauts de l'AU considérée isolément. Plus précisément un projet d'AU doit comporter les trois types d'information suivants:

1. Il faut d'abord spécifier ce que l'on ajoute et ce que l'on fait disparaître non seulement dans le dispositif actuel d'intervention de l'État en matière d'aide sociale au sens large mais encore dans l'ensemble des mécanismes politiques, économiques et sociaux qui caractérisent le fonctionnement actuel de la société. Il importe, autrement dit, de définir, pour employer une formule modeste pour désigner une politique qui pourrait être de grande ampleur, les « mesures d'accompagnement » de la mise en place de l'AU. Il ne s'agit pas seulement de donner la liste des diverses allocations publiques actuellement distribuées auxquelles l'AU se substituerait. Il faut aussi préciser si une institution comme le SMIC sera ou non conservée, si la place officiellement reconnue au syndicalisme sera revue, si la garantie d'emploi dont jouissent les fonctionnaires sera maintenue, si la constitution ne devrait pas être modifiée dans un sens restrictif en ce qui concerne la possibilité du gouvernement et du parlement d'intervenir dans le fonctionnement du système économique, etc. Pour nombre de ses partisans, en effet, Le projet d'AU n'a pas la nature d'une réforme de détail et encore moins d'un gadget technocratique supplémentaire dans le dispositif d'intervention de l'État dans l'économie. C'est le moyen essentiel de transformer profondément l'ensemble du système social. Il est destiné à ouvrir une voie inédite vers la « bonne société » en proposant un dépassement de la classique opposition capitalisme-socialisme dont personne ne voit plus aujourd'hui la signification depuis la déconfiture non seulement du communisme mais aussi de la social-démocratie traditionnelle. Évidemment toutes les personnes séduites par l'AU ne sont pas obligées d'envisager des perspectives aussi grandioses et des changements aussi profonds. Mais c'est chez ceux qui y voient l'occasion d'une sorte de substitut de l'improbable révolution auxquels ils continuent de rêver que le projet d'AU révèle le mieux ses aspects les plus significatifs.

2. A côté des mesures d'accompagnement l'autre aspect important du projet d'AU à bien préciser concerne le montant prévu de l'allocation. Ce n'est évidemment pas une question de détail. Il est clair que, selon que son niveau permettrait ou ne permettrait pas de vivre « correctement » (selon les normes actuelles) sans autres ressources, l'AU n'aurait pas du tout la même portée et donc le même sens. De plus cette question est évidemment liée à la suivante.

3. Le troisième élément du projet d'AU est constitué par le financement du prélèvement. En principe, tout revenu ou toute autre base choisie pour l'imposition des ressources des individus devrait faire l'objet d'un prélèvement dès le premier franc puisque l'AU tient lieu d'abattement à la base. En dehors de cela la question de savoir quels seront la base et le barème des impôts reste ouverte. Elle est parfois négligée comme s'il ne s'agissait de recourir pour cela qu'au système fiscal actuel sans modification (au moins de structure) ou, pis, comme si c'était à une sorte de « free lunch » que l'on avait affaire. En sens inverse on peut citer le cas de l'économiste britannique Atkinson qui, dans son livre, Public Economics in Action, indique nettement qu'il retient l'hypothèse où l'AU est associée à un impôt sur le revenu à taux constant (ce qui serait déjà une vaste réforme par elle-même) ou celui du philosophe van Parijs qui spécifie la nature du volet fiscal du projet en raison du lien logique existant entre le fondement de l'AU et le type de prélèvement à effectuer. Je reviendrai plus en détail sur ce point.

Je me contente pour le moment de souligner qu'il existe naturellement de multiples réponses et de combinaisons de réponses aux trois questions des mesures d'accompagnement, du montant et du mode de financement de l'AU. Chacun peut avoir sa préférence sur chacune de ces réponses. Mais l'important est qu'elles soient clairement explicitées si l'on veut échapper à toute ambiguïté. C'est précisément parce que cela n'est pas toujours fait avec soin que peuvent sembler être d'accord sur le principe d'une AU (plutôt que sur un projet d'AU à proprement parler) aussi bien des socialistes modernistes ou des libertariens de gauche (je préciserai le sens de ce mot plus loin) ou des chrétiens sociaux en manque de modèle de société au goût du jour que des libéraux modérés soucieux d'efficacité sans oublier tous ces hommes de bonne volonté qui se veulent dépourvus d'a priori idéologique et ouverts à tout programme de réforme d'apparence réaliste et progressiste. Mais il y a de fortes chances que cette convergence d'intérêt pour le principe d'une AU soit très superficielle et masque des divergences qui pourraient être profondes si chacun était contraint de bien spécifier le détail du projet auquel il pense.

Allocation universelle et impôt négatif

Une des conséquences les plus remarquables du flou dans lequel on se complaît souvent à propos de la nature exacte des éléments du projet d'AU est de faire disparaître toute différence entre le développement relativement récent du mouvement en faveur de l'AU et dans lequel se retrouvent surtout des gens de la mouvance socialiste au sens large et celui qu'avait tenté de lancer l'économiste libéral bon teint Milton Friedman dans les années soixante sous le nom d'impôt négatif. Il me paraît pourtant utile de conserver ces deux mots "AU" et "impôt négatif" sans en faire une simple question de terminologie. Malgré certaines analogies manifestes il y a entre ces deux projets des distinctions profondes qui tiennent non seulement aux motivations affichées de part et d'autre par leurs partisans qu'à leurs modalités pratiques. La première de ces différences peut paraître un détail mais c'est un détail qui a une signification psychologique et philosophique profonde. L'AU en tant que prestation destinée à garantir un minimum vital est censée être mise à la disposition de chacun au début des périodes à propos desquelles les individus font des plans quant à l'organisation de leur existence. Il s'agit d'une sorte de viatique substantiel préalable à tout choix fait par l'individu et indépendant par nature des événements qui marqueront son existence. L'impôt négatif, au contraire, intervient a posteriori. Comme l'impôt classique il tient compte après coup de la manière dont l'individu a organisé son existence et des événements qui ont affecté celle-ci du point de vue des revenus qu'il a (ou n'a pas) perçus. Ce n'est, en effet, que lorsque ces revenus sont inférieurs à un chiffre donné et en fonction de leur montant (que l'individu doit déclarer) qu'il a droit à l'allocation prévue. Il s'agit donc clairement d'un secours éventuel et postérieur à la réalisation de la situation observée pour laquelle une sorte de dédommagement est fournie. Cette différence entre impôt négatif et AU se manifeste particulièrement par le fait que le versement du premier dépend de la fourniture d'information par chaque individu (sur ses revenus antérieurs) alors qu'un tel renseignement n'a pas de raison d'être pour l'AU.

De cette différence d'esprit entre les deux systèmes il résulte, en pratique, de la part des partisans de l'impôt négatif, une grande circonspection qui fait contraste avec l'enthousiasme parfois un peu aventureux des adeptes de l'AU quand il s'agit de préciser le montant et certaines des modalités du versement. C'est la raison pour laquelle, dit-on, dans les années soixante-dix, Milton Friedman avait refusé de s'associer à l'initiative lancée par des économistes réputés plus interventionnistes comme Samuelson en faveur d'un système dont les grandes lignes étaient pourtant celles de l'impôt négatif préconisé par Friedman lui-même. Ce dernier n'envisageait qu'une réforme de caractère plutôt pratique du système d'aide sociale des États-Unis de son époque et s'inquiétait beaucoup des risques de désincitation au travail inhérents à une allocation d'un montant trop important.

Le projet d'AU de Philippe van Parijs

En tant qu'instrument central d'une transformation profonde du système économique et social - on pourrait presque dire de "réforme révolutionnaire" - le projet d'AU doit d'abord être examiné par référence aux justifications qu'en fournissent ses partisans les plus déterminés et les plus éclairés. De ce point de vue l'exposé le plus remarquable est celui du philosophe belge Philippe van Parijs dans de nombreux articles et notamment dans son livre au titre significatif Real freedom for all, what (if anything) can justify capitalism (Clarendon Press, Oxford, 1995). C'est à celui-ci que je me rapporterai essentiellement à partir de maintenant, en soulignant qu'il a, à mon avis, le mérite de faire apparaître les principes essentiels qui peuvent justifier l'adhésion à un tel projet même s'il peut y avoir des divergences de détail entre les diverses catégories de ses partisans. Pour en bien définir le contenu reprenons la distinction mesures d'accompagnement / montant / financement.

En ce qui concerne, d'abord, les mesures d'accompagnement, van Parijs, comme tout le monde, envisage évidemment la suppression de la totalité des allocations d'aide existant actuellement. Mais il va bien au-delà de cette sorte de minimum dont semblent se contenter les adeptes les plus frileux ou les moins imaginatifs de l'AU. Il note, comme nombre d'économistes, que la mise en place de l'AU devrait s'accompagner de la disparition d'une grande partie des règlementations qui affectent aujourd'hui le fonctionnement du marché du travail. En particulier il s'interroge sur le bien fondé du maintien d'un salaire minimum dans un système où tout salarié a l'assurance de bénéficier de l'AU en plus de son salaire. Il ajoute que ce salaire minimum sera d'autant moins nécessaire qu'il n'est pas impossible que les employeurs soient contraints de verser des salaires plus élevés qu'actuellement en raison du renforcement du pouvoir de négociation des travailleurs dû à l'AU. Pour convaincre de travailler dans des emplois peu qualifiés et gratifiants des individus qui sont sûrs de bénéficier d'une telle allocation, les employeurs seront peut-être forcés d'y mettre le prix.

Van Parijs va encore plus loin dans le sens de la libéralisation du marché du travail. Dans un bref mais très intéressant passage de son livre il se permet même de mettre en question le sacro-saint droit de grève que notre concitoyen moyen associe spontanément et sans se croire tenu à la moindre démonstration à la démocratie et aux droits de l'homme. Van Parijs fait justement remarquer que rien n'autorise cette association et que le droit de grève correspond, au contraire, à une violation du principe du respect des engagements contractuels, qui ne peut être justifié, dans le meilleur des cas, que par des arguments de caractère pragmatique, et qu'il est profondément contraire à la conception courante de la liberté.

Quel pourrait être le montant de l'AU? Van Parijs ne s'aventure pas, dans son livre en tout cas, à avancer un chiffre. Mais il est clair que les vertus qu'il attribue à l'AU n'ont de chance de se manifester que s'il permet de vivre décemment sans autres ressources et atteint donc une valeur au moins égale au RMI actuel français, soit 3500 F pour une personne seule et donc 7000 pour un couple (au lieu de 4500 pour le RMI). Je note ce détail car il est typique de l'inconditionnalité de l'AU, c'est-à-dire, en l'occurrence, de sa neutralité à l'égard du mode d'organisation de la vie privée des individus. Pour le projet d'AU la notion de "couple" n'a pas de sens, il peut se trouver que deux individus vivent ensemble mais ça ne doit avoir aucune conséquence. En fait, si van Parijs ne précise pas le montant de l'AU c'est parce qu'il renvoie, pour cela, à une formule générale qui permettrait de le calculer si seulement nous dispositions des informations empiriques pour cela. Cette formule est intéressante par elle-même. L'AU devrait, selon lui, correspondre au prélèvement maximum qu'il est possible d'effectuer sur les ressources des contribuables, c'est-à-dire celui qui est donné par le sommet de la courbe de Laffer. En tenant compte, il est vrai, de certaines contraintes mais j'indiquerai plus loin pourquoi celles-ci limitent très peu en pratique la liberté d'action du fisc. Cette manière de fixer le montant de l'AU pourra paraître extravagante. Il est vrai qu'elle correspond à une position extrémiste parmi les partisans du projet d'AU. Mais elle reste intéressante parce que van Parijs a le mérite d'en montrer le caractère logique par rapport à une philosophie politique dont tout laisse penser qu'elle serait partagée par les adeptes plus timorés mais aussi plus inconséquents du même projet.

Reste à préciser la manière de financer ce montant. C'est ici qu'il devient difficile de continuer à donner les grandes lignes du projet d'AU tel que le conçoit van Parijs sans entrer dans l'étude de ses fondements philosophiques. C'est à cet examen que j'en viens maintenant.

La justification du projet d'AU

On peut résumer les fondements normatifs du projet d'AU spécifique de van Parijs par les trois grandes valeurs auxquelles se rallieraient sans doute la plupart des partisans de cette allocation même si leur accord avec van Parijs ne peut être préjugé sur tous les aspects de son projet. Ces trois valeurs sont la liberté, l'égalité et l'efficacité.

Je n'insisterai pas ici sur l'efficacité (et, par contre-coup, les effets de l'AU sur les grandeurs économiques telles que le niveau de l'emploi, le taux de croissance, etc.). Van Parijs est un philosophe qui a une très bonne connaissance de la théorie économique, notamment celle qui, de caractère normatif, explore la signification et les implications du souci d'optimalité parétienne ou efficacité. Ce n'est pas sur ce point que je crois intéressant de le critiquer. Outre le fait que beaucoup a déjà été écrit à ce sujet, il se trouve que l'efficacité est une valeur largement consensuelle et, au niveau de généralité où se situe Van Parijs, il est difficile de le contester sur des questions de principe. Tout au plus pourra-t-on faire valoir que les effets d'efficacité de toute réforme dépendent étroitement des fonctions de comportement économique des agents sur la nature exacte desquelles nous n'avons qu'un minimum d'information fiable. Surtout lorsqu'il s'agit d'étudier les conséquences d'un projet susceptible de bouleverser toutes les bases des choix des agents qui sont réputées stables pour pouvoir utiliser les estimations empiriques dont nous disposons aujourd'hui. Aucune prévision ne peut être faite sérieusement sur ce qui résulterait de la réalisation d'un tel projet quant aux grandeurs macroéconomiques classiquement au coeur du débat politique quotidien. C'est à un saut dans l'inconnu que nous avons affaire.

Heureusement la discussion des autres valeurs invoquées par van Parijs n'exige pas les mêmes données empiriques. En fait van Parijs s'efforce de faire autant de place qu'il est possible à la liberté qu'à l'égalité et la meilleure manière de caractériser sa philosophie politique serait de parler de "libéralisme égalitaire" ou d'"égalitarisme libéral" à son propos. Mais l'appellation qu'il paraît revendiquer est plutôt celle de "libertarien de gauche".

Liberté réelle et liberté formelle

Le libertarisme de van Parijs est assez original. Comme le titre de son livre l'indique clairement c'est la liberté réelle qui l'intéresse principalement, c'est-à-dire les possibilités concrètes offertes aux individus pour poursuivre leurs fins à leur manière. Pour lui les simples droits d'agir ne sont rien sans les moyens matériels de le faire. C'est pourquoi il faut distribuer à chacun une allocation identique de manière à ce que la "quantité totale", si l'on peut dire, de liberté soit la plus grande possible. C'est ainsi que le souci de liberté (réelle) peut conduire du côté de l'égalité mais sous d'importantes contraintes. Si van Parijs reprend, en effet, ainsi la vieille distinction marxiste entre la liberté "formelle" (celle des droits) et la liberté "réelle" (celle des moyens), il n'en tire pas les mêmes conséquences. En particulier la poursuite de l'objectif de liberté réelle (donc d'égalité) ne doit pas, selon lui, permettre d'empiéter sur ce droit fondamental et sacré qu'est celui que tout homme a sur son propre corps. Il pense donc être libertarien, c'est-à-dire respecter aussi la liberté "formelle", pour deux raisons principales. D'abord en raison de l'inconditionnalité de l'AU qui tient compte au maximum de la liberté de choix des individus (en leur permettant notamment de ne pas travailler si tel est leur désir). Ensuite en raison de cette priorité du droit de propriété de chacun sur lui-même (self-ownership).

Cette position philosophique est séduisante puisque qu'elle prétend faire une place à la fois au souci d'égalité (par le biais de la liberté réelle) et à celui de liberté (formelle) mais est-elle cohérente? Le test le plus décisif à ce sujet est celui qui consiste à examiner la nature et l'étendue des mesures de redistribution nécessaires pour assurer la liberté réelle. En quoi sont-elles limitées par le droit de propriété sur soi-même? Il existe d'abord quelques restrictions de caractère secondaire: obligation de passer par la voie d'un prélèvement monétaire et non par celle des réquisitions directes de travail,, interdiction des impôts de caractère "forfaitaire" (au sens des économistes), c'est-à-dire auquel, comme pour la capitation, il est impossible d'échapper parce que le montant de la base qui sert à les définir ne peut pas être modifié au gré du contribuable, etc. Mais van Parijs tire-t-il aussi du principe du droit de propriété sur soi-même la conclusion que l'impôt sur le revenu est illégitime, comme le soutient, par exemple, Nozick, parce qu'il reviendrait, dans le cas de l'impôt sur les revenus du travail, à soumettre les contribuables à un travail forcé? Non, car il estime que le droit de propriété que nous avons sur l'usage de notre corps ne s'étend pas aux revenus de notre travail dès lors que l'on tient compte du fait que le montant de ceux-ci ne dépend pas seulement de choix que nous avons faits (comme lorsqu'il est élevé parce que nous avons décidé de travailler plus longtemps ou de nous donner une formation professionnelle supplémentaire) mais aussi du hasard (comme lorsqu'il est élevé parce que nous avons eu la chance de naître avec un QI supérieur à la moyenne ou parce que la demande pour nos services a augmenté à la suite d'une modification de la demande des biens qu'ils permettent de produire). Or, selon lui, nous n'avons aucun droit aux ressources qui sont le fruit du hasard. Il n'y a pas de raison que celles-ci ne bénéficient qu'à celui qui s'est contenté d'être là au bon moment pour des causes entièrement indépendantes de sa volonté. Tout le monde doit pouvoir en profiter. C'est pourquoi un impôt sur le revenu du travail est légitime (il ne met pas en cause la propriété sur soi-même) pour autant qu'il ne prélève que la part de ce revenu qui tient au hasard.

Je ne chercherai pas à discuter dans le détail cette argumentation relativement à la liberté comme droit de propriété sur l'usage de son corps et les revenus procurés par cet usage ne provenant pas du hasard. Je me contenterai de souligner qu'elle revient non pas, comme le voudrait van Parijs, à spécifier de manière plus correcte le sens du mot "liberté" mais, au contraire, à apporter une restriction à la liberté au nom de l'égalité (définie par la proprité égale de tous sur les ressources personnelles qui ne sont dues qu'à la chance). Bien entendu le mot liberté est bien connu pour être, comme disait Paul Valéry (Regards sur le monde actuel) "un de ces détestables mots qui ont plus de valeur que de sens...aussi propres aux analyses illusoires et aux subtilités infines qu'aux fins de phrases qui déchaînent le tonnerre". Mais ce qui justifie son emploi est bien une réalité que l'on doit situer au niveau de ce que j'appellerai les émotions morales. Ces émotions sont celles qui, communes à l'ensemble de la communauté humaine, forment le substrat trop souvent oublié des grands principes de philosophie morale ou politique. C'est à elles qu'il faut toujours se référer en dernière instance lorsque nous cherchons à caractériser (et à critiquer) les positions adoptées en matière de conduite de la vie humaine ou de réforme des institutions sociales.

De quoi parlons-nous fondamentalement quand nous utilisons des mots tels que liberté (formelle, si l'on veut) ou droit de propriété sur soi-même? Ma réponse et probablement celle de nombreux libéraux (mais pas seulement) est que nous pensons à l'émotion que nous éprouvons lorsque l'on porte atteinte au droit que nous estimons avoir de choisir seuls nos propres actions ou règles d'action, autrement dit à notre autonomie au sens propre du terme. Il s'agit donc de notre désir fondamental d'être respecté par les autres en tant que sujet autonome, de ne pas être traité par eux comme un pur instrument ou une chose et que les particularités de notre personnalité ne soient pas négligées. Cela n'a rien à voir (même si c'en est une condition) avec l'envie de faire tout ce que l'on veut, de maximiser la satisfaction de ses désirs de toute nature. L'aspiration à la liberté n'est pas fondée essentiellement sur un appétit hédoniste de jouissance "sans entraves" (comme on disait en mai 68) ou de désir puéril de vivre au gré de ses fantaisies. Elle correspond avant tout à une revendication, pour ainsi dire, instinctive de dignité et d'intégrité. De ce point de vue le fait que ce qui constitue la personnalité d'un être soit largement le fruit du hasard ne peut être considéré comme un défaut sous prétexte qu'il peut se faire que certains aspects de cette personnalité soient productrices d'avantages matériels dont tout le monde ne jouit pas. Or la logique de l'argument selon lequel personne n'a droit aux revenus qui sont le résultat du hasard serait de conduire à la privation forcée, si elle était possible, de ces traits de personnalité pour les redistribuer aux autres. Le prélèvement par la contrainte fiscale des ressources dont la chance fait bénéficier certains n'est qu'une solution pratique de remplacement (une sorte de pis-aller) par rapport à l'"idéal" inaccessible de ce "lit de Procuste" - nouveau modèle - qui rendrait chaque individu non pas, certes, strictement identique à tout autre mais privé de tout ce qui lui confère éventuellement des avantages réputés indus. Or c'est bien ici que la liberté est mise en cause. Quand on en affirme la valeur en face d'une revendication égalitariste, ce que l'on exprime n'est pas essentiellement le désir de garder pour soi seul les revenus que l'on doit, entre autres choses, il est vrai, à la chance mais le sentiment que nombre des causes de cette "chance" sont indissociables de notre individualité, c'est-à-dire de ce qui fait que chacun de nous se distingue des autres, et que vouloir en réduire les effets par le biais de mesures coercitives est une atteinte à cette individualité. En ce sens le droit de propriété sur soi-même ne peut pas être limité, comme le soutient finalement van Parijs, aux caractéristiques productrices d'avantages matériels de l'individu moyen.

Cette conception de la liberté comme droit au respect de l'identité et de l'intégrité de chacun a un caractère moral. Elle correspond à des prescriptions universalisables: en demandant le respect de ma personne j'affirme en même temps la légitimité de la même exigence chez les autres. Je peux, mieux, je dois être autant choqué par la violation du droit des autres sur eux-mêmes que du mien sur moi-même. Il serait donc incohérent d'un point de vue éthiquement libéral de reconnaître la légitimité d'une AU dont le financement serait imposé aux autres en violation de leurs droits, c'est-à-dire du même droit sur soi-même que celui l'on revendique pour soi. De ce fait un devoir de responsabilité est toujours corrélatif d'une exigence de liberté. On s'engage en affirmant son droit de propriété sur soi-même à ne pas vivre, dans toute la mesure du possible, aux dépens des autres, à ne pas chercher à les exploiter en leur imposant de nous fournir une partie au moins de nos revenus, à ne devoir nos moyens de subsistance qu'à nos actions, en particulier à notre travail et à notre épargne. De nouveau l'AU semble peu conforme à une telle façon morale d'envisager son existence et ses relations avec les autres au nom de la liberté.

C'est justement cette conception de la liberté qu'ignore van Parijs quand il associe l'adjectif "réel" au mot liberté et quand il introduit des restrictions au droit de propriété sur soi-même au nom de l'illégitimité des avantages personnels dus au hasard. Elle est pour lui essentiellement désir de satisfaction des besoins et il n'est vraiment "libertarien" que dans la mesure où il se refuse à toute évaluation externe du bien fondé et en particulier de la valeur éthique de ces besoins. Mais cette neutralité absolue à l'égard des plans de vie et des conceptions éthiques de chacun n'est pas spécifique aux libertariens (L'économie du bien-être parétienne, chère aux économistes, dans l'une au moins de ses interprétations, est également caractérisée par cette neutralité) et elle n'est pas suffisante.

Le droit de bénéficier de l'AU sans offrir de contrepartie est-il sacré ?

La meilleure illustration que l'on puisse trouver des problèmes de compatibilité entre l'AU et nos convictions morales intuitives est celle que fournit l'exemple - on devrait plutôt dire "contre-exemple'" - hypothétique du "surfeur". Il s'agit du cas d'un homme parfaitement apte à exercer une activité professionnelle normale mais qui déciderait de profiter de l'AU pour consacrer l'essentiel de son temps aux plaisirs de la plage, en particulier à la pratique du surf, sans manifester la moindre vélléité de travailler. Il est incontestable qu'il a droit à cette AU puisqu'elle est strictement inconditionnelle. Mais le souci de liberté réelle maximum dans la société justifie-t-il de la lui fournir ? J'ai déjà dit que la conception libérale de la liberté permettait d'en douter dans la mesure où liberté et responsabilité vont de pair. Mais ce qui gêne van Parijs c'est surtout le problème qu'elle pose au principe de neutralité à l'égard des conceptions de l'existence des individus dont j'ai déjà signalé qu'il avait un peu trop tendance à en faire le critère essentiel du libertarisme. La fourniture de l'AU au surfeur revient à privilégier arbitrairement ceux qui se contentent d'une vie quasi-végétative par rapport à ceux qui, par goût du travail ou des biens que les revenus du travail permettent d'obtenir, ont besoin de revenus relativement importants et sont donc conduits à devoir se priver d'une partie de ceux-ci au bénéfice des autres. Le système d'AU n'est pas neutre comme il devrait l'être entre les conceptions de l'existence et il en résulte que les laborieux sont injustement exploités par les paresseux.

Attentif à cette objection, van Parijs admet qu'elle est imparable. C'est pourquoi il en revient à l'argument de l'illégitimité des revenus dus à la chance. En laissant de côté toutes les sources de différences interindividuelles qui sont incorporées, au sens propre, c'est-à-dire les caractéristiques intellectuelles et les traits de personnalités de chacun, il montre qu'il existe bien d'autres phénomènes dans le fonctionnement de la société qui peuvent donner naissance à des inégalités injustifiées car dues au hasard. Si l'on retient la théorie moderne des marchés du travail, par exemple celle des salaires d'efficience, celui qui a un emploi jouit, sans droit, d'une rente égale à la différence entre son salaire et celui qu'il percevrait si l'offre de travail était égale à la demande. De même, si celui qui travaille occupe, pour les besoins de son activité, une étendue de terrain supérieure à ce qui résulterait de la division de la valeur totale des ressources naturelles par le nombre d'individus, il doit un dédommagement à ceux qui sont dans la situation inverse car les ressources naturelles sont une sorte de bienfait dû au hasard et doivent donc être égalitairement réparties. Van Parijs ajoute que tous les dons et legs dont certain peuvent bénéficier en plus grande quantité que d'autres sont injustifiés car, de nouveau, selon lui, c'est typiquement la chance (d'être le fils préféré de son père, par exemple) qui en est la cause. Pour en revenir à l'exemple du surfeur, si l'on admet ce genre de raisonnement il en résulte qu'il suffit que le surfeur dispose, par exemple, d'une étendue de terre inférieure à celle qui devrait être la sienne pour qu'il ait une créance sur les travailleurs qui seraient dans une situation inverse. Cela lui donne droit à un versement rectificatif de leur part. Le fondement de ce versement se trouve dans la restriction du droit de propriété sur soi-même à ce qui n'est pas le produit du hasard heureux et il n'y a plus lieu d'y voir, d'un point de vue libéral, une discrimination injustifiée au détriment des laborieux.

Les exigences de la morale "naturelle"

Ce que nous demande donc van Parijs c'est de subvenir aux besoins de tous, y compris du jouisseur impénitent des plaisirs du surf, au nom de la justice dans la répartition des ressources de toute nature que l'on trouve dans le monde à un moment donné. Bien sûr on pourrait contester la cohérence interne de cette conception de la justice (en privant de son gain, par exemple, le bénéficiaire d'un don, ne met-on pas en cause le droit du donateur de faire ce qu'il veut de ses ressources supposées légitimement acquises ?) ou en lui opposer une autre. Mais ce n'est pas de ce point de vue que je veux maintenant me placer. Je préfère en revenir à un autre type d'argument qui est celui des émotions morales que j'avais déjà employé à propos de la liberté. Mon idée, je le rappelle, est que nos notions philosophiques en matière de liberté, justice, égalité, etc. ne sont que des essais de systématisation abstraite des sentiments que nous éprouvons spontanément et universellement dans certaines circonstances concrètes dans nos relations avec les autres. De ce point de vue la question qui se pose est la suivante: pourquoi ressentons-nous comme une nécessité plus ou moins impérieuse l'envie de subvenir aux besoins en général ou à certains besoins des autres? Trois réponses principales peuvent être apportées à cette question et aucune ne paraît conduire à un sentiment d'obligation à l'égard du versement de l'AU telle qu'elle est définie par ses partisans.

Nous pouvons, en premier lieu, éprouver de l'attachement pour certaines personnes en raison d'une relation affective spécifique. Cela conduit à toutes les formes d'entraide que l'on observe notamment entre membres d'une même famille et ne justifie évidemment pas une AU. Il n'est peut-être pas inintéressant de noter, cependant, au passage, que les aides apportées à autrui dans ce type de relation affective ne dispense pas le bénéficiaire d'un minimum de réciprocité, au moins sous la forme de l'expression de sa gratitude. L'enfant qui, passé un "âge de raison" même généreusement retardé, se comporte d'une façon qui prouve une absence totale de reconnaissance est moralement condamné et personne ne jugera défavorablement les parents qui, ulcérés par son attitude, cesseraient, à la longue, de le faire bénéficier d'un entretien matériel intégral.

Une deuxième source d'un sentiment d'obligation d'aide à l'égard d'autrui peut provenir d'un autre type d'émotion. Il s'agit de la sympathie que nous pouvons ressentir spontanément à l'égard de quiconque, y compris un parfait étranger, se trouve dans une situation extrême de malheur ou de détresse. Cette compassion peut nous pousser à lui venir en aide sans aucune attente d'une contrepartie ultérieure de valeur identique mais, de nouveau, en comptant quand même un peu sur un minimum de gratitude au moins symbolique. Comme dans le cas précédent cette émotion morale ne peut être celle qui justifie l'AU puisque celle-ci est inconditionnelle et donc indépendante de la situation des personnes. C'est probablement elle, au contraire, qui est au fondement de notre sentiment d'obligation de venir en aide à ceux qui sont dans des situations spécifiques, conformément à ce qui a été toujours plus ou moins le principe de base de la politique sociale traditionnelle.

Restent à examiner les émotions associées aux relations établies entre les individus sur le mode de la réciprocité. J'entends par là les actions que nous décidons au profit d'autrui sans contrepartie immédiate ou formellement promise comme dans une relation marchande classique mais dont tout le monde pense qu'elle doit inciter le bénéficiaire à adopter un jour un comportement de même nature en notre faveur si l'occasion s'en présente. Quand nous sommes avec quelqu'un dans ce type de relation l'émotion positive que nous pouvons ressentir est la gratitude avec le désir intense de "rendre la pareille" à celui qui nous a aidé ou, inversement, l'indignation quand nous constatons que le bénéficiaire ne fait preuve d'aucune volonté de nous aider à son tour quand il en a la possibilité.

Qu'en est-il de l'AU dans cette perspective? Supposons qu'elle n'existe pas et revenons au cas du surfeur. Faisons, de plus, l'hypothèse que l'individu porté à travailler relativement beaucoup utilise, pour cela, plus que sa part dans la terre considérée comme propriété commune. On peut difficilement imaginer que le surfeur paresseux puisse s'attendre pour cette raison, comme à l'exécution d'une obligation morale, à une prestation de la part du travailleur. En effet le surfeur ne saurait que faire de cette terre s'il avait la possibilité de passer son temps sur la plage sans travailler. Or c'est justement son intention. Il ne considèrera donc pas que le travailleur viole le principe de réciprocité du fait qu'il ne lui verse pas une prestation correspondant à la valeur de la terre qui lui revient. Ce serait le cas s'il était effectivement propriétaire d'une partie de la terre utilisée par l'autre (à la suite d'une épargne préalable ou d'un héritage). Mais ce n'est pas le cas et il s'agirait, de toute manière, que de la pure et simple obligation de respecter la propriété d'autrui. D'ailleurs, même quand une terre est "commune", cela signifie que chacun y a un droit d'accès pour l'utiliser et la faire lui-même fructifier à son profit et non pas que chacun a un droit sur les produits de l'usage qu'en font les autres. Une critique similaire pourrait être faite à propos des autres types d'actifs dont la répartition justifie, selon van Parijs, le versement d'une AU compensatrice d'une injustice due aux effets inégalitaires du hasard.

Si le surfeur ne peut rien exiger du travailleur au nom de la réciprocité, il est clair que, s'il reçoit quand même quelque chose de ce dernier, il lui doit alors une contrepartie au nom de cette même réciprocité. Notre conscience morale ne peut pas admettre que certains exploitent d'autres sans vergogne. Or l'AU par nature n'impose aucune obligation aux bénéficiaires. Nous retrouvons ici la différence fondamentale qui existe entre elle et les formes actuelles d'aide sociale. Celles-ci sont toujours associées à des mesures destinées à faire en sorte qu'un jour ou l'autre ceux qui sont aidés s'en tirent par leurs propres moyens (si cela est possible) et contribuent un jour par leurs impôts à l'entretien de ceux qui auront besoin, à leur tour, d'une aide. L'idée n'est pas que le travail en soi est un devoir mais qu'on ne peut bénéficier par principe d'avantages qu'à titre provisoire ou sous condition de payement ultérieur sous une forme ou sous une autre. Ce qui choque, à cet égard, dans l'AU c'est justement qu'elle exonère explicitement les bénéficiaires de toute obligation de réciprocité et non pas qu'elle est contraire à on ne sait quelle éthique puritaine du travail. Ce n'est pas la sacralisation du "droit à la paresse" qu'on peut lui reprocher mais la condamnation de facto du principe de réciprocité (ou de non-exploitation) qu'elle implique.

C'est ici que nous touchons à l'immoralité foncière du projet d'AU. Le principe de réciprocité n'est pas le produit d'une spécificité culturelle, par exemple, des sociétés marchandes ni la traduction d'une morale particulière. Si le mot "sens moral" a un contenu c'est surtout à cause de lui. On le retrouve dans toutes les sociétés humaines et même dans certaines sociétés animales. C'est le principe constitutif du lien social entre personnes non apparentées et il existe d'excellentes raisons de penser qu'il a un fondement biologique du fait de ses avantages d'un point de vue évolutionniste. Il paraît manifeste qu'il joue un rôle capital dans le fonctionnement de toutes les sociétés ou micro-sociétés. C'est lui aussi qui offre aux sociétés libérales les meilleures raisons de penser que l'intervention de l'État dans de nombreuses situations (celles notamment qui mettent en jeu des biens collectifs) n'est pas cette fatalité que certains imaginent. En proposer la négation, implicite mais que l'expérience rendra nécessairement un jour manifeste, par le projet d'AU n'est pas seulement faire preuve d'aventurisme institutionnel c'est surtout interdire à ce projet toute chance d'être reconnu comme légitime parce qu'il est trop contraire à ce qui est justifié par le sens moral du commun des mortels. Le problème majeur du projet d'AU n'est pas qu'il est économiquement dangereux - ce qu'il peut être mais comment le démontrer? - mais qu'il est moralement incohérent et donc inadmissible. Il repose sur une contradiction, pour ainsi dire, constitutionnelle: d'un côté il fait vaguement appel à la conscience morale des plus favorisés sur cette terre pour accepter les sacrifices qu'implique sa mise en place mais, de l'autre, il conduirait au rejet formel de certains des principes les mieux universellement inscrits dans cette conscience morale.

À lire aussi :

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  • Allocation universelle, redistribution classique
  • L'allocation universelle libérale

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Paru initialement dans la revue Commentaire.

(*) Alain Wolfelsperger est un économiste français. Il est professeur d'économie publique internationale au sein du programme doctoral de l'Institut d’Études Politiques de Paris.