Bon. C’est plus long que prévu.
Et puis ces statues dans ce machin qui roule sous terre, c’est angoissant. En fait ce sont des humains, mais ils ne bougent pas. Une fois Elle a dit que c’était des statues. Mais je ne suis pas certain de comprendre pourquoi les humains sont des statues quand ils ne bougent pas. Pourquoi deux mots pour une seule réalité ?
D’habitude, quand Elle me met dans un sac, c’est pour aller chez Piqûre. Je l’aime bien Piqûre, il est gentil, même s’il s’acharne à « m’ausculter ». Il m’explique tout ce qu’il me fait ou va me faire. Je ne comprends rien mais je me rappelle les mots. « Ausculter » c’est mettre les mains partout sur mon corps en appuyant, poser un disque en métal froid sur mon cœur, prendre la température (ce qui signifie mettre un truc en verre dans mes fesses, ce qui est assez dégradant). Elle dit que c’est pour vérifier si je suis malade. Mais je ne suis pas malade, moi. Alors je fais le pitre. Ça le fait rire, Piqûre…Enfin, là je suis dans le sac, mais on ne va pas chez Piqûre. C’est impossible. C’est trop long.
Elle mijote quelque chose. Je le sens. Elle peut bien cacher ses sentiments, j’ai le pouvoir de la comprendre. Je ne sais pas mettre un mot sur chacune de ses émotions, mais je sais ce qu’il faut faire. Je suis Tiger. Je suis comme ça. Et là, je sais que je dois ronronner. Alors je ronronne. C’est simple. Elle me sourit mais je sais qu’il va falloir sortir le grand jeu. Je pose ma tête sur sa main. Ça, elle adore.
Ah! On sort de la machine qui roule sous terre.
Elle marche maintenant dans la rue avec moi dans le panier. Elle me parle. J’aime bien le son de sa voix.
Ah! On est arrivé. Il y a une porte et Elle sonne. Un homme ouvre. Ils s’embrassent. Elle ouvre le panier. Hop. Exploration. Mur, fauteuil, mur, plante, fauteuil, ça sent bon, ah! Porte fenêtre ouverte, jardin! Je cours voir, il y a de l’herbe. Trop cool. J’en goûte un brin : c’est de la bonne. Je pars voir le fond du jardin. Que c’est grand! Elle a donc compris mon rêve ! On emménage dans une maison avec jardin! Je retourne au salon pour montrer à Elle comme je suis content. Mais Elle m’attrape, me fait un câlin, puis me pose à terre et s’en va. Elle claque la porte d’entrée. Je suis seul avec Lui. Il me dit "à nous deux". J’ai peur. Je pars en direction du jardin mais le fourbe a fermé les fenêtres et les portes. Je suis pris au piège. Je pars me cacher sous un lit que je trouve dans une pièce à l’étage.
Il est gentil, Lui, mais ce n’est pas Elle. J’ai bien fini par sortir de ma cachette : j’avais faim. Maintenant j’ai le droit de me promener dans le jardin, mais seulement en sa présence. Lui me fait rentrer le soir. La litière n’est pas des plus propres, mais ça va. Par contre, je mange des choses délicieuses. Il faudra le faire comprendre à Elle…
On s’amuse un peu quand même, avec Lui. Il m’appelle parfois dans le jardin pour me montrer quelque chose. Par exemple : un nid de taupe. C’était drôle, on a chassé ensemble. Il m’a laissé donner le coup de grâce… Ça, on ne le fait jamais avec Elle car, dans son appartement, il n’y a pas de taupe. Ni d’escargot. Quelques mouches, parfois, mais ça ne va pas plus loin. Mais quand même, Elle me manque. Je voudrais qu’elle revienne vite. Lui m’a dit qu’il fallait encore attendre une semaine. Ça veut dire quoi, une semaine ? On ne m’a jamais expliqué…En tout ca, j’ai senti que cela avait l’air de l’attrister. Alors, j’ai ronronné et on s’est fait des câlins. Je suis Tiger. Je suis comme ça.