Javier Tomeo

Par Claude_amstutz

S'aventurer de nuit dans la lande espagnole peut se révéler dangereux. Macario a beau connaître le terrain, il a vite fait de se fouler une cheville et se retrouve bloqué dans un abribus, au bord d'un chemin désert, par un soir de pleine lune. Cependant, depuis la route s'élève une autre voix. Celle d'Ismael, confronté aux mêmes difficultés cinquante mètres plus loin: désarroi en miroir, blessure, tout est semblable et différent à la fois. Au milieu de cette nuit improbable, une discussion insolite et décalée se tisse peu à peu entre ces deux êtres égarés.

Ce roman à deux personnages - auxquels il faut ajouter un corbeau qui les observe et les interpelle avec ses croa, croa, croa! - ferait une excellente pièce de théâtre en un acte pour dévoiler l'univers absurde, un brin kafkaïen qui nous entoure ou nous habite, et si le propos semble parfois léger ou superficiel, ce n'est que pour mieux souligner l'isolement, l'indifférence, la solitude qui, à la faveur de circonstances baroques, occupe tout l'espace de nos (anti-) héros, emportés par un fou-rire qui ressemble à un grincement de dents. Un moment dans la vie de Macario et d'Ismael qui préfigure un peu le nôtre, moderne et vide de sens - moral, social, politique - qu'un flot ininterrompu de paroles, de cruautés ordinaires et de pirouettes voudraient bien faire oublier. La nuit du loup mérite d'être lu, et en dépit de ce qui précède, distille tous les ingrédients d'une comédie qui prête à sourire, comme un bouquet de fleurs incongru dont ne subsistera sans doute pas, une fois les choses revenues à leur place, le moindre souvenir...