« Problème sur la
piste, annonça le speaker de l’épreuve.
Sans doute une sortie de route. Nous attendons des informations. Je reprendrai le micro dès que nous en saurons plus. » Les hauts parleurs diffusèrent la Lambada, une musique festive,
suggestive, composée pour faire la fête, danser et draguer, décalée après le coup de massue provoqué par l’annonce d’un probable accident. Un groupe de jeunes était installé au virage du
transformateur, 400 mètres après le départ de la Course de côte du Mont-Dore – Chambon-sur-Lac. Leurs visages se tendirent. A cet instant précis, tous s’inquiétaient pour un proche en piste.
D’autres spectateurs en profitèrent pour se rapprocher des buvettes. Le spectacle marquait une pause. Aucune voiture ne passait plus… Sauf une
ambulance en route vers le lieu de l’accident.

En course de côte, les concurrents partent chacun leur tour, comme dans un contre la montre du Tour de France. Les temps réalisés déterminent le classement. Ce deuxième samedi d’août était consacré aux séances d’essais. Il était 13 heures. Les voitures partaient toute les 30 secondes, de telle sorte que 5 ou 6 pilotes se trouvaient en piste en même temps sur les 5 kilomètres du parcours. Les chronos de ces essais donneraient une première idée de la hiérarchie qui se dégagerait à la fin du week-end. Vers 16 heures 30, une seconde montée permettrait aux compétiteurs de parfaire leur approche des limites. Le dimanche, ce serait la vraie course sur deux montées. Le meilleur temps déterminerait le classement final. Enfin, pour ceux qui n’auraient pas été éliminés par une sortie de route ou un problème mécanique.
David allait sur ses 17 ans. Encore trop jeune pour piloter une voiture en compétition... Il s’y préparait pourtant. D’abord en se battant comme un lion sur les pistes de kart. Et depuis quelques mois, en naviguant son oncle et parrain Éric lors de rallyes dans l’Ouest de la France. Dans cette discipline, l’équipier ne prend pas le volant de telle sorte que les jeunes ont le droit de monter dans le baquet de droite dès seize ans.

David posa ses mains sur les épaules de son jeune cousin Arnaud. Le fils d’Éric avait neuf ans et manifestait déjà une grande passion pour tout ce qui va vite avec un moteur. Arnaud adorait David qui se comportait toujours avec lui comme un grand frère attentionné et protecteur.
- T’inquiète pas bonhomme, lança David. Ce n’est sans doute rien. Un tête à queue ou une légère touchette. Le branle-bas de la sécurité se met en route par précaution, comme d’hab.

- Je fais comme Jean-Claude Andruet, expliquait-il quand David et Edmond l’incitaient à faire moins de judo et plus de kart. Andruet a brillé en judo avant de devenir rallyman. J’apprends à me donner à fond et à me maîtriser dans un sport de combat. Après, je deviendrai pilote.


- Les pilotes sont des égoïstes un peu fous, assénait habituellement Edmond quand elle lui confiait ses états d’âme. C’est ce qui fait leur charme. Si tu prives un pilote d’émotions fortes, tu en feras un homme normal, c’est-à-dire médiocre, sans intérêt, éteint, rondouillard avant l’âge… Rappelle t’en si tu sors un jour avec un pilote.
Pas question de formuler ce genre de considérations aujourd’hui. Edmond se contenta d’un banal « ça va aller » lorsqu’elle le rejoignit.


- Les essais vont reprendre dans quelques minutes, annonça-t-il. Le temps de dégager complètement la piste et de permettre aux concurrents stoppés dans leur montée de revenir prendre leur place dans la file de départ. C’est la 505 T de Roland Calloc’h qui est sortie de la piste dans une enfilade peu après la carrière. Une sortie très spectaculaire mais sans dommage pour le pilote. Par contre, la 505 T est totalement détruite. Elle ne reprendra pas la piste ce week-end.
- Pas si grave, dit David en donnant une claque amicale dans le dos de Charles. Roland n’a rien. Une auto, ça se remonte. En plus, ton frère est garagiste. Il y arrivera rapidement.
- Tant qu’il n’y a que de la tôle, enchaîna Edmond. Un jour ou l’autre, tout pilote rentre avec une voiture cassée sur le plateau.

- Il faut faire attention à ses choses-là, approuva Clarisse.
- Elles servent à nous protéger, poursuivit Edmond. La course automobile est pleine d’aléas. Des compagnons comme Stirling concentrent l’amour de ceux qui nous aiment et ils nous aident à vaincre les influences négatives.
David n’ajouta rien. Il restait convaincu que les forces qui avaient trompé Roland étaient purement physiques et résultaient tout simplement d’une mauvaise appréciation de l’adhérence de ses pneus compte tenu de sa vitesse, de l’état du revêtement et de l’angle du virage dans lequel le contrôle de la 505 T lui avait échappé. Mais il ne voulait blesser ni ses hôtes auvergnats ni un de ses meilleurs amis de lycée. Libre à eux de chercher à se rassurer en sacrifiant à des rites et superstitions qui ne le convainquaient guère…

David ne se doutait pas que trois semaines plus tard, lors du Rallye des Volcans, il allait se trouver confronté à des événements stupéfiants, inquiétants, incompréhensibles, qui mettraient son esprit rationnel à rude épreuve avant de le sensibiliser aux superstitions qui hantent les paddocks depuis la naissance de la course automobile…
Les sports mécaniques intègrent tous les ingrédients d’un bon roman : des personnages attachants auxquels s’identifier, du suspense, de l’angoisse, des temps forts… Ce Rallye des Volcans en Auvergne qui va faire douter David, je vais vous le raconter dans quelques jours, au fil des pages d’un livre dont la version électronique est sur le point de sortir (tout début septembre). Le roman est préfacé par un pilote que j’apprécie beaucoup et qui est une des valeurs sûres du rallye français après avoir débuté comme navigateur à l’âge de 16 ans ! Je vous en dirai plus très bientôt, c’est promis.
QUELQUES LIENS A SUIVRE
Une autre nouvelle, avec David au Rallye des Vins de Touraine, en ligne le samedi 3 août sur :
http://circuitmortel.hautetfort.com/
Au cœur de la course automobile dès l’adolescence, c’est ce qu’a vécu David. Un week-end agité au Grand-Prix d’Angleterre http://0z.fr/2zYDt
La course automobile, un monde de sensations forteshttp://bit.ly/P1Lz6J
La course automobile est violente
http://circuitmortel.hautetfort.com/archive/2012/08/28/la-course-automobile-est-violente.html
En piste avec Yoann Bonato, une des valeurs sûres de la discipline en France
http://circuitmortel.hautetfort.com/archive/2013/07/19/yoann-bonato-le-retour-5124960.html
AUTOMOTIV PRESS, L'actualité de l'automobile d'exception, de sport et de collection, d'hier et d'aujourd'hui
http://www.automotivpress.com/
Suivez-moi sur Twitter
https://twitter.com/ThierryLeBras2
Et pourquoi pas sur Facebook ?
http://www.facebook.com/thierry.lebras.18
Thierry Le Bras