Temudjin

Publié le 01 août 2013 par Un_amour_de_bd @un_mour_de_bd

Dans les steppes arides de Mongolie, le chaman Ozbeg l’a vu pendant sa transe, l’enfant à naître sera exceptionnel.
Tous les signes sont là : un caillot au creux du poing, un troisième oeil, la protection et le soutien des esprits. Il accomplira de grandes choses, mènera ses hommes à la victoire…

Scénario de Antoine Ozanam, dessin et couleur de Antoine Carrion Public conseillé : Ados/Adultes

Style : fresque historique Paru chez Daniel Maghen, le 17 mai 2013 Share

L’histoire

Par-delà les êtres, au-delà du temps, frôlant les esprits, le chaman Ozbeg a vu le futur et l’enfant à naître. Parceque son père serait l’esprit du loup, un des trois esprits de la forêt, tout un clan souhaite le voir mourir en couches ainsi que sa mère, afin de chasser le mauvais œil. Acceptant son propre sacrifice, Ho’Elün va confier le nouveau-né au chaman, car comme lui, elle a perçu les signes et veut qu’il guide Temudjin vers son grand destin.

Une influence du grand illustrateur italien, Sergio Toppi ?

Temudjin !


Le prénom que porta Gengis Khan, le héros du peuple mongol. L’hIstoire se répète, Ozbeg sait qu’il peut être le guide d’une renaissance. Celle d’un être d’exception et de tout un peuple aujourd’hui à l’agonie. Il devient celui qui enseigne par le conte, la légende et, surtout, la connaissance des rites de passage entre la terre-mère, l’Entre-Monde et le Royaume des esprits. L’enfant devient un guérisseur et un puisant exorciste. Bénir un troupeau, chasser les fantômes d’une maison, expulser l’esprit malfaisant qui torture un homme, être sur terre pour aider les autres… devenir un chaman, voilà sa volonté. Mais Ozbek a vu la caillot de sang dans le poing du nourrisson, Tedmujin ne pourra s’affranchir de la violence des hommes, il doit devenir un chaman-guerrier, celui qui aura la force de guérir le territoire mongol et le peuple cavalier.

Une aventure initiatique, mystique, épique

Le récit mêle l’aventure mystique, la quête initiatique et les réflexions sur le libre abitre qui placent l’enfant face aux douloureux choix de celui qui doit devenir chef d’une nation. Pour que l’enfant devienne un homme, Ozbek lui offrira sa propre mort, se délestant de son voyage terrestre pour communier avec la terre-mère. C’est magnifiquement écrit par Ozanam qui joue parfaitement l’équilibriste entre l’éducation spirituelle du jeune chaman, ses questionnements sur l’amour et son devenir guerrier. Les paraboles sont subtiles, emplies de sagesse et d’humanité. L’album est déjà juste somptueux, rappelant l’esprit du meilleur Jodorowsky. La rencontre avec l’Ayami, celle qui est l’esprit de l’arbre qui apprend à chamaniser, ouvre alors des pages qui ressemblent à un hommage au duo Jodo/Moëbius. Elle est l’amour, elle sera sa femme-esprit, celle qui lui ouvre aussi les portes vers ces sacrifices que Tedmujin redoute tant. Les rites de passage seront alors très douloureux : il faudra prendre des vies, subir la torture, accepter le sacrifice pour entrer dans un monde plus belliqueux tout en gardant la confiance de ses amis bienveillants, les esprits ! C’est fin, humain, empli d’émotions contraires et terriblement passionnant.

Une réalisation entièrement numérique


C’est l’un des paris de ce livre, relevé par ce prodige du numérique qu’est Antoine Carrion. Son travail de trois années aboutit à un beau et long voyage qu’on explore avec gourmandise. On en prend plein les yeux, là aussi avec beaucoup de finesse (je pense à l’évocation des esprits), on lit, on découvre, on sent cette influence de Moëbius, celle parfois du grand Sergio Toppi (la transe chamanique de première page), on repasse sur une illustration, une page… que d’étonnement ! Les couleurs profitent des capacités du numérique pour donner des tonalités rares, jamais saturées, juste des oscillations entre verts, bleus et marrons qui évoquent l’eau, l’air et la terre … beaucoup de douceur, de sensibilité, d’élégance, parfois, quelques rouges viennent évoquer le tumulte des hommes, soulignant une ligne sanguinolente du sabre, la violence d’une bataille, un moment de tension.
Et quel délice que ce cahier graphique final. On pense s’ouvrir à un bonus constitué d’essais, de crayonnés… et on retrouve nos deux auteurs, Ozanam qui prolonge l’histoire, avec poésie et une grande inspiration, et Antoine Carrion qui nous donne de très jolies images, du trait, des pastels, pour un superbe moment de rêverie.

Pour résumer

Il aurait voulu unir les hommes par des dons d’amour et devenir le plus grand des békis : le chaman céleste. Mais son destin l’oblige à tuer plus d’hommes qu’il ne fera l’amour jusqu’à la fin de sa vie. Va-t-il accepter son histoire, celle qui le met dans les traces de Gengis Khan ? Ou deviendra-t-il Tchinggis Qaghan, ce nouveau chef que tous attendent sur terre comme dans le monde d’en-haut ?
C’est là le propos de Temudjin, dans la pratique du beau livre, habituelle des Éditions Daniel Maghen. Une histoire forte, passionnante, qui réunit une narration originale et un graphisme très réussi, souvent éblouissant. C’est un très gros coup de cœur qu’il faut faire partager et le plus beau travail fourni par ce duo d’auteurs dont on reparlera.
S’il est déjà splendide dans l’édition courante, avec un cahier graphique, il est tout bonnement à tomber dans sa version en dos toilé et tirage limité chez Canal BD. Remarquable couverture, second cahier graphique de 8 pages, ex-libris signé et numéroté. Quel bel ouvrage !


Le Très beau visuel de l’édition Dos Toilé de Canal BD


A quand la belle Expo à la Galerie Daniel Maghen à Paris ? Elle vaudra le détour…

Temudjin, Antoine Ozanam et Antoine Carrion, Éditions Daniel Maghen, 102 pages, 18,50 €

(Illustrations © Antoine Carrion et Éditions Daniel Maghen – 2013)