Une grande actrice nous a quittés ce jeudi 25 juillet. A l’âge
de 74 ans s’est éteinte Bernadette Lafont et, avec elle, une partie de ce
cinéma de la nouvelle vague.
Bernadette Lafont c’était une lueur dans le regard, une
malice contagieuse, une spontanéité débordante, un remède à la déprime.
Personnellement elle fait partie des grandes comédiennes qui
jouent à l’instinct et s’enrichissent d’une personnalité hors du commun. J’ai
aimé Romy Schneider, Annie Girardot, Marie France Pisier et j’ai aimé
Bernadette Lafont parce qu’elles
incarnent au mieux la vie sur cette fine bandelette de pellicule qu’on appelle
un film et qui reste l’émouvant témoignage d’un cinéma des années 60 se débarrassant
de carcans académiques et poussiéreux.
Comme Annie, Bernadette avait de la gouaille, de la
fraîcheur. On avait envie d’être son ami, de l’accompagner dans ses ballades
cévenoles.
Remarquée par Truffaut elle jouera son premier film Les
Mistons en 1957. Puis un autre père de la nouvelle vague, un certain Chabrol,
lui prolonge l’étrier. Et ce sera Le beau Serge aux côtés de Jean Claude Brialy
(1958). Après un passage à vide elle
repart de plus belle avec La fiancée du pirate (1969) où elle incarne une femme
mutine et nourrie des mouvements libertaires de 1968.
On la remarquera aussi dans La maman et la putain (1976,film
de Jean Eustache) et dans Une belle fille comme moi (1972 et encore Truffaut).
Mais bientôt le cinéma se détourne de ses vraies capacités
et la sous emploie dans des rôles secondaires pour le compte de comédies
farfelues et sans grande envergure.
Mais en 1985 elle devient la confidente d’une future étoile
du cinéma, la jeune Charlotte Gainsbourg ! Le film s’appelle l’effrontée
et Bernadette décrochera le césar du meilleur second rôle !
Chabrol saura la redécouvrir avec l’Inspecteur Lavardin
(1986)
Enfin Mocky lui fera confiance et lui assurera de son
amitié. Avec lui elle tournera 4 films dont le Pactole (1985) et Les
saisons du plaisir (1988).
C’est d’ailleurs
Mocky, le franc-tireur du cinéma français, qui sera l’un des rares de la
profession cinématographique à se rendre aux obsèques de la grande dame, à
Saint André de Valborgne (Gard)
Et le bougre s’en indignera :
-
Si peu de monde
pour son enterrement, c'est dégueulasse. Même si Bernadette était quelqu'un de
solitaire et indépendant, le cinéma devait être là !
Mais toi,
Bernadette, dans ton paradis des étoiles disparues, tu t’en balances ainsi que
le chantait Barbara dans le film de Nelly Kaplan où tu incarnais Marie, la
fiancée du pirate (1969)
Oui tu t’en
balances car des gens de ton village continuent à t’aimer en silence ! Et
puis tu as enfin retrouvé Pauline, ton enfant chérie, ta petite fée trop vite
disparue en 1988 !
Dans son
souvenir tu t’es battue pour ne pas sombrer et ce deuil magnifique aura nourri
les planches des théâtres et la magie télévisuelle…
Comment
pourrait-on t’oublier ?
Pas
beaucoup de tes pairs pour ton dernier voyage
Saint
André de Valborgne au plein cœur de l’été
A
réuni ses âmes pour cet ultime hommage
Quand
la nouvelle vague d’un reflux s’étiolait.
Et
pourtant quel regard aux lueurs de malice
Pour
inspirer le cœur de Chabrol ou Truffaut
Une
belle fille comme toi pour ce dernier office
Eût
mérité le chœur des illustres sanglots.
De
maman à putain s’emploie ta profession
A
nourrir de son sein tes premiers jeux d’écran
Pour
préférer bientôt d’autres fruits de passion
Quand
ton âge écrira la mémoire de Kaplan.
L’été
en pente douce décrochera l’hiver
Et ce
froid dans ton cœur en brisures d’absence
Le
parfum de Pauline sur les embruns amers
Et
des planches posées en tremplins d’espérance.
Au-delà
de ce deuil, au-dessus de l’abime
Une
force joviale, un appétit d’aimer
Cigale
cévenole dans l’été qui s’abime
Tu brillas
tant de fois pour nous émerveiller
Et qu’importent
les grands issus de ton sérail
Qui
jouèrent l’absence lors de tes funérailles
Les
vrais gens étaient là, ces cœurs qui te ressemblent
Emouvants
et fragiles comme un souffle qui tremble…