L'austérité tue. Avant de tuer la social-démocratie, elle tuera la fraternité.
Par Baptiste Créteur.
De plus en plus de voix se lèvent pour le dire, et beaucoup ont envie de les écouter : l'austérité ne serait pas bonne pour l'économie. Pire, l'austérité tue. Avant de tuer la social-démocratie, elle tuera la fraternité.
D'abord, parce qu'elle n'est pas nécessaire. À la tête des anti-austérité qui croient encore au keynésianisme, le fanfaron Paul Krugman. Prix Nobel d’Économie, il n'en est pas moins incapable de faire le lien entre irresponsabilité budgétaire et faillite de la ville de Detroit.
Le changement de méthodologie qui gonfle un PIB de plus en plus artificiel donne également des arguments aux partisans de la dépense publique, aux cow-boys qui ont la gâchette facile avec le bazooka à argent public.
L'une dans l'autre, ces deux modifications opéreront un changement profond sur la taille du PIB américain : en ajoutant des inputs "équivalents au PIB de la Belgique", elles pourraient le faire grimper de 3%, estime le Financial Times. Les dépenses purement "créatives" compteront pour 0,5 % de l'économie américaine.
Mieux, écrit le quotidien britannique, ces nouveaux calculs feront baisser la part des dépenses fédérales dans le PIB de 0,5%, et la part de la dette publique de 2%, des arguments utiles face aux Républicains, qui dénoncent un budget fédéral "hors de contrôle".
Et hop, 3% de PIB. On ne crée aucune richesse, mais on s'enrichit : corriger le PIB, c'est aussi facile qu'imprimer des billets, aussi efficace pour se donner l'impression qu'on s'enrichit et aussi inutile voire dangereux en réalité.
Ensuite, les ennemis de l'austérité la trouvent dangereuse. L'austérité tue. La baisse de la dépense publique ruine des vies, détériore le système de santé, met en péril l'avenir des générations futures en réduisant les budgets alloués à l'éducation. En baissant la dépense publique aujourd'hui, on sacrifierait l'avenir de nos enfants.
En clair, mieux vaut continuer comme aujourd'hui. S'endetter pour continuer à enfler la bulle dans laquelle nous vivons, pour maintenir le train de vie de nos États et le niveau de vie artificiel de leurs citoyens. Les chantres de l'anti-austérité, les militants de la dette, commettent en réalité une erreur d'interprétation : ce qui est nuisible, ce n'est pas l'austérité, mais la baisse de l'activité économique.
Dans la plupart des pays développés, l’État occupe une place croissante dans l'économie et la société. La santé publique, le service public, le sauvetage des banques et des grandes entreprises, les politiques de relance et d'investissement gonflent artificiellement la richesse créée.
Artificiellement à deux titres : cette richesse est financée à crédit, et les investissements ne vont pas vers les secteurs les plus productifs.
Concrètement, les États se sont lancés dans une fuite en avant et on ne sait pas vraiment si on préfère qu'ils en soient conscients. Alors que le seul moyen de sortir d'une bulle est un assainissement, douloureux mais toujours nécessaire, ils injectent toujours plus de liquidités pour maintenir la bulle en l'état et la gonflent encore et toujours.
Seulement, la croissance ne repart pas, parce que personne n'y croit vraiment et parce que les "investissements" réalisés ne sont pas réellement productifs. Et pour cause. Avec de l'argent gratuit, les politiciens et le secteur financier font la même chose : ils dépensent n'importe comment. Quand les uns repeignent des façades et installent Paris Plage, les autres consentent des prêts à des gens non solvables pour des projets pas rentables.
Ce que l'austérité devrait tuer, c'est cet arrosage automatique et massif à grand coup d'argent public, c'est la prise en charge par l’État de la vie des citoyens, c'est tout le modèle de la social-démocratie et de l’État-providence. Mais ce n'est pas ce qu'il se passe.
Les hommes politiques n'étant pas prêts à renoncer à une partie de leur pouvoir, ils pratiquent une fausse austérité et prélèvent encore plus. Ce n'est qu'une fois au pied du mur qu'ils commencent à réduire les dépenses, et c'est tout aussi douloureux. Mais en attendant, ils prennent l'argent là où il est : s'ils n'en reçoivent plus assez via taxes et impôts, ils en créent de nouveaux, et n'hésitent pas à tailler sec : 47,5% sur les dépôts de plus de 100 000 euros à Chypre, après une première "ponction" – ablation serait plus approprié – il y a quelques mois.
L'ennui, c'est que beaucoup ont aujourd'hui du mal à envisager la vie après la social-démocratie, à comprendre qu'il est possible et bon que chacun fasse et soit responsable de ses propres choix. Au lieu de lutter de concert contre la dépense publique pour reprendre leur liberté et réduire le pouvoir des États, les citoyens risquent de vouloir tous en même temps se battre pour que le nécessaire ajustement les touche le moins possible.
Concrètement, il est impossible qu'une bulle n'éclate pas. Les arbres ne montent pas jusqu'au ciel, et plus ils sont hauts, plus leur chute fait mal. Quand le gouvernement augmente le salaire des fonctionnaires, ce sont les salariés du privé qui paient. Quand le gouvernement offre un Crédit d'Impôt à de grandes entreprises proches du pouvoir, c'est autant d'argent qui ne reste pas dans les poches des autres pour améliorer leur compétitivité.
Au fur et à mesure que la marge de manœuvre du gouvernement va se réduire, les taux d'intérêt et la dette rendant le service de plus en plus pesant et les prélèvements additionnels sur l'économie générant des recettes de plus en plus faibles. Les choix du gouvernement ont jusque là consisté à faire peser l'effort sur ceux qui le supportaient déjà, les contribuables. Mais ils ne pourront pas supporter l'ensemble des efforts nécessaires pour rembourser la dette tout en maintenant le train de vie des autres. La direction prise jusque là par les États et institutions supra-nationales est de rembourser la dette ; ce sera donc les contribuables, ou les autres.
Les différents bénéficiaires des dépenses de l’État, contribuables y compris, seront donc tous susceptibles de voir les dépenses dont ils bénéficient s'amenuiser. Avant de tuer la social-démocratie pour, espérons le, laisser place à un système plus libre et plus responsable, l'austérité tuera la fraternité.