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Metro Manila: Manille brûle-t-elle?

Par Unionstreet

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Qui est Sean Ellis? Qui est vraiment Sean Ellis? Un pubard et clippeur de talent mais sans grande envergure? Un génie précoce? Un prodige adoubé par la scène indie US? Un imposteur? Un cinéaste errant qui commence à trouver enfin une patte et une efficacité filmique? Un peu tout ça à la fois. Mais surtout, Sean Ellis est un homme qui prend son temps.

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Retour en 2006. Ellis sort CashBack, son premier long-métrage, adaptation un peu laborieuse et franchement médiocre de son excellent court-métrage du même nom. Qu’importe, une bonne partie de la critique et du public sont conquis. La suite se nomme The Broken, un nanar de Sf dont le seul intérêt semble être l’obsession du réalisateur à rechercher Le plan, l’image parfaite et à établir une esthétique riche et séduisante mais tellement froide et éloignée de ses personnages et de tout récit.

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2013. Ellis a depuis changé d’horizon et semble revenu des limbes des cinéastes prometteurs et oubliés avec Metro Manila, polar sec tourné à l’arrache dans les rues de Manille, parfois sans autorisation et avec un budget plus que limité parait-il. On est loin du maniérisme un peu ronflant de ces premiers films, Metro Manila est un film d’abord de personnages: les déboires d’une famille de paysans venus chercher un meilleur confort de vie dans la turbulente capitale. La mère va travailler comme hôtesse dans un strip bar tandis que le père trouve un job comme convoyeur de fonds.

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La première partie du film explore la misère quotidienne de cette famille, poussée dans le grand bain et la cruauté de la capitale philippine. L’enjeu est encore flou, pas de réelle avancée dramatique mais plutôt une  chronique  réaliste dans laquelle la caméra colle aux pas de ses personnages dans cette danse effrénée autour de Manille (sublimement filmée, merci un peu le Canon 5D). Sans pour autant abandonner son ambition plastique (très belle photographie), Ellis tente d’inverser le rapport de force qui avait cours dans ses précédents films; dorénavant, les personnages guident l’oeil, sont le moteur de l’histoire et non plus des prétextes à des mouvements de caméra parfois impressionnants mais totalement vidés de toute substance. Ce que tente Ellis – et qu’il réussit presque – c’est une première partie aux allures de drame familial et de reportage de guerre.

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Mais à mesure que le récit avance, les toiles narratives se forment (le nouveau boulot du mari chez un convoyeur de fonds, le collègue un peu trop gentil qui le prend sous son aile, les plans étriqués limite claustro dans les vestiaires, ambiance lourde et parano) et Metro Manila bascule de manière (trop?) explicite dans le polar urbain avec tout son paquetage de figures imposées (les gangs, les flics intègres et corrompus, le trauma de l’équipier mort au combat etc…). Comme si James Gray était en train de regarder The Raid avec des commentaires audio de Michael Mann.

Paradoxalement, la grande force de Metro Manila est de nous entraîner précisément où on l’attend. Le suspense n’est que d’apparence, le twist final pas si inattendu que ça à bien réflechir mais le problème n’est pas là. L’intérêt du film est ailleurs, dans cette nonchalance des scènes d’action filmées a minima, dans cette caméra près des corps et des visages et dans la précision graphique des plans de la ville. Metro Manila, le centre de Manille tient le rôle principal avec ses bruits, sa fureur, sa beauté masquée, comme une sorte de reflet à peine voilé de la mondialisation capitaliste féroce et corrompue.

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Metro Manila ne dénonce rien (il évite cet écueil), ce n’est pas un modèle de subtilité mais plutôt un cri, le cri de désespoir d’une population vouée à la misère mais aussi le cri d’amour envers ses personnages bons ou mauvais et cette ville, Manille. Par petites touches impressionnistes, Sean Ellis donne corps à un univers cinématographique riche de couleurs et parvient à conjuguer les traits les plus expérimentaux de sa mise en scène avec une narration traditionnelle. L’artiste mûrit. Rendez-vous dans 10 ans pour le chef-d’oeuvre?

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