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Rediffusion : Hollande-Ayrault : une première défaite face au Sarkozysme

Publié le 31 juillet 2013 par Délis

Un Président traditionnellement plus populaire que son Premier ministre

Depuis le début de la Vème République, l’Ifop interroge régulièrement l’opinion publique sur la popularité du Président et celle de son Premier ministre. Hormis deux des trois cohabitations et trois  courtes périodes[1] durant lesquelles le Président cherchait un second souffle, les différents locataires de l’Elysée n’ont jamais pâti d’une popularité inférieure à celle de leur Premier ministre (en tous cas sur une période suffisamment longue pour qu’elle soit réellement significative).

Pendant un demi-siècle, Charles de Gaulle, Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand  et

Jacques Chirac  ont donc pu  profiter du rôle d’un Premier ministre en première ligne sans trop se soucier d’une quelconque concurrence de popularité. Celui-ci gérait les affaires courantes, permettant au Président de prendre un certain recul, d’agir sur la scène internationale et d’intervenir publiquement lorsque la situation l’exigeait.

Dans les faits, l’opinion percevait le Premier ministre comme le premier responsable de la politique menée et donc des conséquences positives ou négatives qu’elle engendrait.  Ce poste de Premier ministre « Airbag » est d’ailleurs devenu pour les analystes un véritable suicide politique à court terme[2] pour qui entretenait des ambitions présidentielles.

Le Sarkozysme ou le Président-Premier ministre

Hyperactif, réagissant immédiatement à l’actualité et se présentant comme principal instigateur et responsable de la politique appliquée par son « collaborateur » François Fillon, Nicolas Sarkozy a révolutionné la fonction de Président de la République. Nouvelle obligation du quinquennat, choix personnel de Nicolas Sarkozy ou mélange des deux, qu’importe, son mandat a enclenché une profonde modification de la fonction présidentielle.

D’abord plébiscité par l’opinion (plus populaire que son Premier ministre de 3 à 10 points entre mai 2007 et décembre 2007), le style Sarkozy a ensuite permis, dès début 2008, à François Fillon, de devancer de 3 points le Président en termes de cote de popularité. Jusqu’à la fin de son mandat, jamais Nicolas Sarkozy n’a réussi à inverser cette hiérarchie établie (terminant à 14 points de son Premier ministre en mars 2012 et flirtant régulièrement avec les 15 à 20 points d’écart). La crise débutant quelques mois plus tard, le Président a, dans un premier temps, réduit l’écart avec son Premier ministre (en moyenne dix points d’écart entre octobre 2008 et octobre 2009). Nicolas Sarkozy a alors bénéficié du fort dynamisme que l’opinion lui prêtait (85% des Français selon un sondage CSA de mai 2009). Son action face à la crise ne produisant  pas les résultats escomptés, les Français l’ont tenu comme seul responsable de l’enlisement de la France et l’écart qui le séparait de François Fillon a augmenté progressivement (jusqu’à 20 points au printemps 2011). L’opinion publique avait alors profondément assimilé la nouvelle fonction de Président-Premier ministre qu’il exerçait.

Bien que critiqué pour son hyper présidence, Nicolas Sarkozy a profondément modifié dans l’opinion les critères de jugement de sa fonction (dynamisme permanent, seul responsable des résultats de la politique menée…) mais aussi de celle de son Premier ministre. De cette évolution est née la considération dans l’opinion d’une responsabilité accrue du Président face aux Français, celle d’un Président-Premier ministre en somme. François Fillon a alors dû composer avec cette nouvelle donne en jouant le rôle de « premier des ministres ». Cette position ne permettait plus au Président de disposer d’un Premier ministre « Airbag » qui le protégeait relativement auparavant.

Au regard de l’opinion publique, si l’élection présidentielle est la rencontre d’un homme et d’un peuple, l’exercice de la fonction par Nicolas Sarkozy est donc progressivement devenu la responsabilité d’un seul homme devant un peuple.

2012 : l’impossibilité d’une Présidence « à l’ancienne »

François Hollande, durant sa campagne et le début de son mandat, s’est attaché à créer une véritable rupture avec le Sarkozysme symbolisée par la « présidence normale ». Les Français l’encourageaient d’ailleurs en ce sens : 67% appréciaient cette idée début juillet dans un sondage Viavoice pour Libération.

Et pourtant, le Président s’est très rapidement vu confronté à une opinion critique. BVA pour Le Parisien-Aujourd’hui en France révélait ainsi fin août que 40% des Français étaient satisfaits de ses  débuts  contre 62% en mai dernier. Pire encore en période de crise, ce même sondage montrait que, selon les Français, l’exécutif n’allait pas assez loin dans les réformes (55%).

Là est donc toute la contradiction : l’opinion publique, qui l’a élu en grande partie pour sa rupture de style avec Nicolas Sarkozy, le juge sur des critères établis par son adversaire. Le principal problème pour François Hollande est que ces critères ne font pas partie de ses points forts. Ainsi, en juillet dernier dans un sondage TNS-Sofres pour Sopra Group/l’émission CQFD de iTélé, seuls 47% des Français considéraient qu’il était capable de prendre des décisions, 42% qu’il savait faire preuve d’autorité, 37% qu’il était expérimenté et 33% qu’il était charismatique.

Les rôles de Président et de Premier ministre ont changé pour nos concitoyens et François Hollande semble donc avoir déjà perdu un premier combat : faire oublier le style Sarkozy afin d’imprimer dans l’opinion ses marqueurs, ceux des présidents de l’avant Sarkozysme.

Comme un premier aveu de défaite dans le style, l’interview du 20H de TF1 le 9 septembre dernier a marqué un véritable tournant. Pour la première fois, il s’est inscrit dans la lignée du Sarkozysme, évoquant son rôle de Président « en première ligne » et directement responsable face aux Français : un rôle de Président-Premier ministre en somme. S’il n’a pas hésité à moquer les propos de début de mandat de Nicolas Sarkozy à l’encontre de son Premier ministre, François Hollande a tenu à passer un message : Jean-Marc Ayrault sera davantage le premier de ses ministres que son Premier ministre. Dès lors, celui-ci devra orchestrer l’agenda qu’il a fixé sur les deux prochaines années.

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Contraint par une opinion publique transformée par le Sarkozysme, François Hollande a depuis le 9 septembre une épée de Damoclès au-dessus de la tête.  Le Premier ministre « Airbag » qu’il souhaitait n’existe plus. Comme l’a souhaité l’opinion publique, le Président sera dorénavant seul responsable devant les citoyens, position qui n’est pas des plus confortables en temps de crise. Certes, s’il parvient à redresser la situation de la France d’ici la fin de son quinquennat, il profitera de l’ensemble des bénéfices de sa politique mais s’il n’y parvient pas, l’opinion n’hésitera pas à le sanctionner comme ce fût le cas pour Nicolas Sarkozy, jamais davantage populaire que François Fillon sur les quatre dernières années de son mandat.


[1] Laurent Fabius de novembre 1984 à novembre 1985, Pierre Bérégovoy d’avril 1992 à mars 1993 et Dominique de Villepin de juin 2005 à février 2006

[2] Jacques Chirac 1988, Édouard Balladur 1995, Lionel Jospin 2002


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