« - Tu rotes encore une fois à table et tu montes dans ta chambre.
- Et Papa alors ?
- Papa, c’est différent, il a été dans les camps. »
Comme le titre l’indique, Kichka est issu de la deuxième génération des victimes de la Shoah. Comment grandir à côté d’un homme qui a vécu ce que l’on nomme souvent par « l’impensable », « l’inimaginable », « le pire », … ?
Il a toujours été difficile de mettre des mots sur la souffrance des victimes de l’Holocauste.
Peut-être encore plus aujourd’hui, à l’ère du politiquement correct où les paroles sont souvent aseptisées, vidées de tout contenu. L’amalgame entre antisémitisme et antisionisme est fréquent,
peut-être parce que ce premier est toujours aussi ancré. (J’ai beau lire, vieillir, la haine des juifs est une réalité dont le sens ne cesse de me dépasser. Passons.)
Il est important que les générations juives laissent une trace en écrivant elles-mêmes leur histoire. Kichka s’y est attelé avec beaucoup de courage et de générosité. Il réussit à mettre les mots, à imager son parcours et celui de son père avec justesse, simplicité et honnêteté.
L’impossibilité pour certains enfants de la seconde génération de survivre au trauma, le cercle vicieux
de la victimisation, la culpabilité des survivants, la relation père-fils, les non-dits, la difficulté de casser les schémas, les tabous, tout réussir pour représenter la revanche de son père sur
Hitler… C’est fort, beau, toujours juste. Sans concession.
Si Kichka écrit pour exorciser, il nous offre également une ode au 9ème art et à tous ceux qui l’ont inspiré. La fin m’a laissée sur ma faim. J’aurais voulu connaître la réaction de son père, symbole, à mon sens, d’une page qui se tourne.
Dargaud, 104 pages, 2012
Extraits