Chacun d’entre nous agit le plus souvent de manière raisonnable mais, pris dans une foule, son bon sens peut le quitter. Il suffit de considérer le déchaînement de passion que provoque une rencontre sportive, le déferlement d’enthousiasme suscité par un meeting politique ou l’hystérie déclenchée par un concert de rock. Nous avons connu un candidat à la présidence sans égal pour s’attirer la ferveur des foules. Mais s’il excelle dans cet exercice, c’est peut-être parce que c’est en lui qu’il se réalise le mieux. Et il parvient ainsi à se construire une image sans rapport avec se capacités réelles.
Si vous observez un joueur de tennis quittant victorieux le court, vous constaterez que, s’il se prête aux démonstrations d’intérêt de certains spectateurs, signant pour l’un un maillot, pour un autre une balle, ce n’est pas là ce qui le passionne le plus. Il sacrifie à un rite mais, son bonheur, c’est sa victoire. Il n’en va pas de même pour notre Président. Lorsqu’il se livre à un bain de foule, il rayonne de satisfaction et recherche avidement les mains qui se tendent vers lui, les serre avec frénésie, d’où sa hargne quand l’une se détourne. On sent que c’est là qu’il s‘accomplit le mieux. Son goût pour les mannequins, son amitié avec Johnny, son admiration pour Elvis, son attirance pour la jet-set, tout cela démontre que son rêve secret est d’être une star du show-business. Si, malgré son réel talent d’illusionniste, il a dédaigné la voie empruntée par nombre de ses amis, c’est que seule la politique pouvait lui assurer de s’entretenir d’égal à égal avec les grands de ce monde. Et lorsque l’on constate la jouissance qu’il éprouve à les embrasser, des bras ou des lèvres selon leur sexe, le sourire à la fois niais et fat qui souligne la plupart de ses tirades, on a parfois le sentiment de se trouver devant un tout petit garçon auquel on vient enfin d’offrir le jouet de ses rêves.
Ce qui est regrettable en la circonstance, c’est que ce don pour le spectacle a rencontré un peuple qui, perdant de vue la réalité, s’est laissé subjuguer par ce théâtre d’ombres. Les slogans creux, tel l’homme de la rupture, proclamé par un homme ayant participé pendant cinq ans à un pouvoir désormais renié, les formules vides comme travailler plus pour gagner plus qui, loin de désigner un objectif, ne fait qu’habiller une évidence de mots clinquants et agréables : gagner, plus, plus, tous ces trucs pourtant si apparents ont conduit une majorité de Français, même après voir quitté l’ivresse des foules en liesse, dans le secret de l’isoloir, à confier le destin de la France à un batteur d’estrade.
Nous ne sommes malheureusement pas les seuls à confondre le spectacle avec le monde réel et je vous exposerai peut-être sous peu, avec des exemples actuels ou passés, les dangers de tels aveuglements.