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Rien ne s'oppose à la nuit, roman de Delphine de Vigan

Publié le 29 juillet 2013 par Mpbernet

29 juillet 2013

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Je n’achète généralement pas les best-sellers … Il y a tant à lire qui soit déjà paru … Cependant, avant-hier, je suis allée chercher les journaux avec Claude. La boutique vient de changer de mains et ce sont de jeunes gens bien sympathiques qui l'ont reprise. Je voulais un achat plus consistant. Ce livre dont j’avais entrevu de nombreuses critiques – sans en lire aucune - dans Babelio était placé à portée de main. Je l’ai ouvert … je n’ai pas pu le lâcher.

L’histoire est pourtant d’une tristesse que peu de scénarios fictionnels parviendraient à égaler. C’est le récit, par sa fille, de l’enfance et de la vie terrifiante de sa mère, Lucile. Un destin tragique, d’une tristesse infinie, racontée avec délicatesse et brutalité à la fois, par un écrivain accompli, dans une langue limpide comme je les aime. L’histoire de la vie et de la mort de Lucile.

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Lucile naît dans une famille un peu déjantée, catholique et désargentée, écrasée par un père séducteur (comme dans Mad Men, il crée son agence de publicité) et dominateur, flanquée d’une mère adorant les enfants et qui en mettra eu monde huit, en adoptera un. Trois de ses fils mourront de mort violente, dont deux de suicide. Lucile est née en 1946, comme moi. Elle est si belle qu’elle permet à sa famille d’arrondir les fins de mois difficiles en posant pour des photos de mode dès 1954. C’est une enfant-vedette. Cependant, elle est atteinte d’un mal invisible que seul le temps va révéler : elle souffre de troubles bipolaires, et son père n’arrangera certainement pas les choses, qui lui voue, comme à bien d’autres femmes, une passion incontrôlée.

Une famille nombreuse, un peu bohème, qui vit au-dessus de ses moyens mais où l'on reçoit beaucoup, des gens célèbres, et où les enfants, tous blonds, sont donnés en exemple, mais où ils sont en réalité terriblement malheureux.

Lucile se marie à dix-huit ans, enceinte, elle aura deux filles – Delphine et Manon -  divorce, sombre dans la folie, vit sous camisole chimique pendant quinze ans puis effectue une renaissance spectaculaire grâce à un médecin qui va trouver le juste équilibre médicamenteux, reprend des études à plus de cinquante ans, passe un diplôme d’assistante sociale, travaille auprès des plus malheureux des plus démunis, puis se suicide à soixante et un an, se sachant atteinte d'un cancer et refusant le protocole de soins et aussi pour ne pas devenir une charge, pour "mourir vivante", en laissant des cadeaux d’adieu à chacun.

Delphine se demande si elle va pouvoir arriver au bout de cette sorte d’exorcisme : réunir tous les documents nécessaires à cette biographie, les interviews de son grand-père, de ses tantes et de ses oncles, raconter la litanie de toutes les catastrophes qui émaillent la vie des grands-parents, le fiasco de la vie sentimentale de sa mère qui fut pourtant une femme d’une si grande beauté mais se murait dans le silence, la description de ses délires, de ses internements successifs, de ses phobies, de ses foucades amoureuses comme des ses plongées dans la drogue et l’alcool.

Ainsi, à travers le désarroi de la fille sublimé par l’écriture, perçoit-on l’extraordinaire prégnance des failles des parents sur la vie de leurs enfants, le lien indissoluble malgré des épisodes insoutenables où les parents deviennent incapables de maîtriser leurs pulsions, où les décisions – comme celle de devoir hospitaliser un être cher en institution spécialisée – reviennent à des frères, sœurs ou enfants eux-mêmes. Une responsabilité qui ne devrait pas exister, tout comme la mort d’un enfant ne devrait pas être subie par les parents. Blessure ultime, celle qui brise une vie, bouleverse tout un monde.

Il faut un sacré courage pour raconter tous ces malheurs. La vie est toujours pire que la fiction. Et nous savons quelle en sera la fin puisque le livre commence par ce dernier suicide. Comme pour mettre fin à une malédiction ?

Rien ne s’oppose à la nuit, roman autobiographique par Delphine de Vigan, au Livre de poche (et chez J-C Lattès en 2011), 401 p. 7.60€


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