"Je lui ai répondu que je savais aussi me la secouer tout seul mais j'ai tout de suite regretté : Fernando était en train de m'aider, avec sollicitude et beaucoup d'assurance dans la gestion de la situation. C'était injuste de lui avoir répondu comme cela. La maison de sa mère était une des seules, à l'époque, à avoir le téléphone, et la question de Fernando était logique, ou du moins bien intentionnée. Mais j'étais furieux. Je regardais maman et je faisais un effort pour ne pas la détester de toutes mes forces. Elle m'apparaissait soudain comme une menteuse. Elle nous avait toujours dit qu'elle nous aimait très fort mais là, elle n'avait même pas pensé à nous et elle avait essayé de se tuer." (p. 123)
Comme dans La guerre des boutons, on suit les jeux et mésaventures de ces gamins de rue : Gabriel, Alejandro le grand frère, Te Deum, le gros Carlos, le Rat, la Perche, le Chinois, le Roux et Rindone, accompagnés de Marisa, un garçon manqué que tout le monde veut dans son équipe au foot, mais dont le corps se transforme aussi. Pablo Ramos a su croquer un petit bonhomme un peu rebelle, plein d'énergie à revendre pour se faire une place dans un monde qui n'a rien de tendre, et cueillir la fraîcheur mêlée de dangers et de peurs de cette transition entre deux âges, où déjà il y a derrière chaque acte, chaque pensée, chaque intention, un désir de s'affirmer, d'imiter les grands en secret, en se masturbant devant les pin-ups, en buvant du vin à outrance, ou en gagnant pour la première fois un peu d'argent afin d'offrir un beau cadeau à sa mère au ventre prêt à exploser, comme un fruit trop mûr, pour donner naissance à une petite soeur. Un roman d'apprentissage, tout à la fois drôle et émouvant, qui se lit d'une traite.
RAMOS, Pablo. – L'origine de la tristesse / trad. de l'espagnol (Argentine) par René Solis. – Métailié, 2008. – 149 p.. – ISBN 978-2-86424-652-7 : 17 €.