Titre original : El origen de la tristesa (Argentine), 2004
Au Viaduc, dans un quartier populaire du Brésil dans les années 70, Gabriel traîne tantôt dans un cimetière pour gagner quelques sous avec Rolando, tantôt seul dans l'atelier de son
père couvert d'affiches de jeunes femmes aguichantes comme Andrea C., tantôt avec ses amis pour jouer au foot dans les terrains vagues, se prendre ses premières cuites et ses premiers émois
sexuels ou planifier la première passe du groupe avec des prostituées. Inéluctablement, il va quitter, avec ses treize ans, l'âge de l'innocence pour prendre de plein fouet le chemin du monde
des adultes, hanté par le désir sexuel, la tristesse, le suicide et la mort...
"Je lui ai répondu que je savais aussi me la secouer tout seul mais j'ai tout de suite regretté : Fernando était en train de
m'aider, avec sollicitude et beaucoup d'assurance dans la gestion de la situation. C'était injuste de lui avoir répondu comme cela. La maison de sa mère était une des seules, à l'époque, à
avoir le téléphone, et la question de Fernando était logique, ou du moins bien intentionnée. Mais j'étais furieux. Je regardais maman et je faisais un effort pour ne pas la détester de toutes
mes forces. Elle m'apparaissait soudain comme une menteuse. Elle nous avait toujours dit qu'elle nous aimait très fort mais là, elle n'avait même pas pensé à nous et elle avait essayé de se
tuer." (p. 123)
Comme dans La guerre des boutons, on suit les jeux et mésaventures de ces gamins de rue : Gabriel,
Alejandro le grand frère, Te Deum, le gros Carlos, le Rat, la Perche, le Chinois, le Roux et Rindone, accompagnés de Marisa, un garçon manqué que tout le monde veut dans son équipe au foot,
mais dont le corps se transforme aussi. Pablo Ramos a su croquer un petit bonhomme un
peu rebelle, plein d'énergie à revendre pour se faire une place dans un monde qui n'a rien de tendre, et cueillir la fraîcheur mêlée de dangers et de peurs de cette transition entre deux
âges, où déjà il y a derrière chaque acte, chaque pensée, chaque intention, un désir de s'affirmer, d'imiter les grands en secret, en se masturbant devant les pin-ups, en buvant du vin à outrance, ou en gagnant pour la première fois un peu d'argent afin d'offrir un beau cadeau à sa mère au ventre prêt à
exploser, comme un fruit trop mûr, pour donner naissance à une petite soeur. Un roman d'apprentissage, tout à la fois drôle et émouvant, qui se lit d'une traite.
RAMOS, Pablo. – L'origine de la tristesse / trad. de l'espagnol (Argentine) par René
Solis. – Métailié, 2008. – 149 p.. – ISBN 978-2-86424-652-7 : 17 €.